Les vertus des broussailles – Comment affamer (ou nourrir) une rivière

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Traduction libre de Johanne Dion

Tiré du site Counterpunch, édition du 10 avril 2009, article signé par Janet Kauffman, The Virtues of Brush – How to Starve (or Feed) a River


 

À cette époque de l’année, on profite du beau temps pour travailler dehors, nettoyer et faucher l’herbe ou tondre le gazon. Mais si vous avez la chance d’avoir un ruisseau sur votre propriété, pensez-y deux fois avant de couper les broussailles et les arbres. Vous avez là un avantage.


Broussailles et débris sont des mots orduriers pour maintes personnes, qui pensent qu’il s’agit de quelque chose de malpropre ou d’un problème. Ces personnes préfèrent l’apparence d’un « domaine » avec de grands arbres, du gazon bien vert et bien court et de l’eau ne contenant rien d’autre. Ces personnes coupent, arrosent ou éliminent tout le reste.


Mais si vous savez ce que sont les broussailles – leur richesse et leur diversité, leur valeur – elles deviennent la beauté même! Quant au ruisseau, cela lui sauve la vie.


Des recherches récentes démontrent que, si un ruisseau a une apparence « propre » pour l’œil humain, pour le cours lui-même et tout ce qui y vit, c’est un désastre. Un ruisseau a besoin d’un mélange de broussailles, de couches de feuilles et de systèmes radiculaires, d’un lit de feuilles mortes et de débris de bois immergés, pour rester en vie et évoluer.


La pire chose à faire pour un ruisseau, c’est de couper les broussailles, de nettoyer la berge et de tondre l’herbe dans le périmètre d’inondation. Il en résulte un ruisseau dénudé, dénaturé.


C’est bien reconnu, les arbres et les buissons tiennent les berges en place avec leurs racines, et l’herbe retient les sédiments. Mais les arbres et les buissons font plus que cela. Les branches et le feuillage au-dessus de l’eau nourrissent littéralement le ruisseau.


Une étude récente du Stroud Water Research Center, à Avondale, en Pennsylvanie, réalisée avec la participation de scientifiques du US Forest Service, a révolutionné notre savoir sur les ruisseaux, notamment les sources en milieu boisé des ruisseaux. La recherche a mené au concept de continuum hydrique des rivières, qui montre comment les microbes et les invertébrés aquatiques infusent les feuilles mortes et la matière organique pour en faire un « thé de bassin versant » nourrissant tout ce qui se trouve en aval, incluant les parties de rivières trop larges pour être surmontées d’un feuillage.


En Amérique, à l’est des Plaines, avant que les arbres soient coupés, les ruisseaux en altitude coulaient toujours à travers les forêts. Les plaines inondables étaient boisées. C’était leur état naturel.


Nous devons protéger les sources encore naturelles de nos petits ruisseaux et maintenir leur fonction naturelle.


Tondre la pelouse jusqu’au bord de l’eau, couper les broussailles des rives, sortir les débris de bois de l’eau – tout cela peut sous-alimenter un ruisseau.


Les « broussailles » ne sont pas un tout indistinct, mais des centaines d’espèces de plantes indigènes   le gadellier, le frêne épineux, l’alisier, le cornouiller rouge, le charme, la salsepareille, l’hamamélis de Virginie et ainsi de suite. Ces buissons, aussi bien que certains grands arbres comme les sycomores et les peupliers, recherchent les sols humides des berges des ruisseaux et les terres inondables.


L’herbe à elle seule ne suffit pas. Ses racines sont superficielles et ne retiennent pas le sol en temps de crue.


Au lieu de tondre et de nettoyer les abords d’un ruisseau, laissez les broussailles s’enchevêtrer. Laissez-les pencher et baigner dans l’eau. Laissez les feuilles tomber dans l’eau. Vous pourriez vous tailler un sentier étroit entre les asiminiers ou les wingstems (verbesina alternifolia) pour avoir une vue naturelle de l’eau.


Quand on sait comment les rivières et les ruisseaux naturels fonctionnent, on les voit sous un angle différent. Au lieu de voir des fardoches à couper et à enlever, vous verrez des racines tenant le sol en place, un feuillage rafraîchissant. Au lieu de voir les débris de bois dans l’eau comme un fouillis ou un problème, vous y verrez du matériel organique qui nourrit les poissons et tout ce qui se trouve en aval également.


Vous verrez de nouveaux points de vue, une autre beauté (…). Vous protégerez vos berges, l’eau de votre voisin et la rivière en aval. Les « broussailles » sont excellentes pour un ruisseau, et elles sont fantastiques pour les Grands Lacs, pour le golfe du Mexique et pour la vie de toutes nos rivières.

Janet Kauffman a restauré les milieux humides sur sa ferme à Hudson, au Michigan, et elle travaille avec la Bean/Tiffin Watershed Coalition. Son dernier livre s’intitule Trespassing: Dirt Stories & Field Notes (Empiètement : histoires de terre et notes prises sur le terrain), mi-analyse, mi-fiction examinant les élevages industriels. Elle a écrit ce commentaire pour le Land Institute’s Prairie Writers Circle, à Salina, au Kansas.
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