Opinion – Québec oubliera-t-il un joyau dans son plus grand parc national? – Le Plan Nord mis à l’épreuve

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Par Patrick Nadeau,
directeur de la conservation à la SNAP Québec


Avez-vous déjà entendu parler du projet de parc national Tursujuq ? Situé au Nunavik, à l’est de la baie d’Hudson, il s’agira du plus grand parc national du Québec lorsque le gouvernement de Jean Charest en fera l’annonce officielle prochainement. C’est à ce moment seulement que tous prendront connaissance du tracé final des limites de ce parc et du même coup, du sort réservé à la majestueuse rivière Nastapoka qui le longe au nord.

Lors d’études préliminaires, la rivière Nastapoka fut considérée comme un élément névralgique à intégrer au futur parc, autant par les scientifiques que par les communautés inuites et cries impliquées dans le processus. En effet, elle comporte plusieurs caractéristiques qui en font un joyau irremplaçable du patrimoine naturel québécois. Notons la présence de la seule population de saumons de l’est la baie d’Hudson, un estuaire qui abrite une population de bélugas en voie de disparition et, à la source de la rivière, le lac des Loups Marins – lieu de résidence d’une population de phoques communs unique sur la planète, confinée en eau douce et elle aussi, hélas, en voie de disparition. Malgré ces éléments et l’appui quasi unanime des intervenants pour inclure la rivière Nastapoka dans le parc national, rien n’indique qu’elle sera protégée. Une rivière sauvage à haut débit dans le Québec nordique… un potentiel hydroélectrique alléchant… vous devinerez donc facilement qui s’oppose à sa protection.

Pourquoi devrait-on s’inquiéter du sort de la Nastapoka? La réponse va beaucoup plus loin que la seule création du parc Tursujuq – et vise l’essence même du volet conservation du Plan Nord. En effet, le 6 novembre dernier, plus de 200 intervenants de divers milieux étaient convoqués à Québec afin d’entendre nombre de ministres vanter les possibilités de développement économique dans le Nord québécois. Projet inspirant pour l’économie québécoise il va sans dire, tant que ce développement ne se fait pas au détriment de notre environnement. D’ailleurs, le premier ministre a annoncé maintes fois depuis son élection son intention d’interdire le développement industriel sur la moitié du territoire situé au nord du 49e parallèle, une superficie égale à celle de la France. Cet engagement a été appuyé par plusieurs groupes environnementaux dont la SNAP Québec car il offre la possibilité d’un développement équilibré, où les territoires d’importance écologique seraient identifiés et protégés avant même de donner libre cours aux projets industriels.

Voilà une raison supplémentaire pour s’inquiéter du sort de la Nastapoka. Si Québec ne parvient même pas à protéger cette rivière unique et cruciale pour la biodiversité, alors à quoi doit-on s’attendre pour le 50% du territoire que l’on promet de conserver ? Ne léguera-t-on que des miettes de nature sauvage aux générations futures ? Si telle est la direction qu’envisage Québec sur notre territoire public, le développement associé au Plan Nord risque d’être tout sauf « durable ».

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