Par Florian Gravouil
Étudiant à la Chaire de Responsabilité Sociale et de Développement Durable à l'ESG-UQAM
Mots-clés: Culture, Développement Durable, Agenda 21, Agenda 21 de la culture, esthétique, art, environnement.
Selon Hawkes, la culture est l'expression des valeurs de nos sociétés. Pour mieux comprendre cette définition, nous pouvons faire un détour par celle de l’UNESCO. Selon l’organisation mondiale, la culture est « l'ensemble des traits distinctifs spirituels et matériels, intellectuels et affectifs qui caractérisent une société ou un groupe social et qu'elle englobe, outre les arts et les lettres, les modes de vie, les façons de vivre ensemble, les systèmes de valeurs, les traditions et les croyances ». Selon la perspective de Hawkes, les valeurs sont à la base de tout; il faut alors soutenir les moyens d'expression des communautés de valeurs via la création artistique, le maintien du patrimoine culturel, de certains modes de vie et l'épanouissement de la vie spirituelle. Selon la charte de 2001 sur la diversité culturelle de l’UNESCO, « la diversité culturelle est, pour le genre humain, aussi nécessaire que l’est la biodiversité dans l’ordre du vivant ». Le soutien de la culture est une vertu pour le développement durable. D’un point de vue de l’éthique individuelle, d’une part, si on s’en tient à l’art, le plaisir esthétique est l'expression d’une vie bonne — pour paraphraser le philosophe Martin Seel [1] —, le lieu d’une liberté acquise, d'expression et d'identification de soi. L’art participe à la recherche d’une bonne qualité de vie. D’autre part, au niveau de l’éthique sociale, l’art et la culture cimentent les liens sociaux et ainsi participent à la cohésion sociale. D’un point de vue économique, la culture est une dimension fondamentale de la croissance. Pour le philosophe Castoriadis, les fondements anthropologiques à l’origine de nos valeurs, de nos us et coutumes, nous empêcheraient de devenir de stricts homoeconomicus, des bêtes amorales détruisant notre système [2]. L’auteur défend l’idée que le capitalisme n’a pu survivre que par l’existence de valeurs antérieures à celui-ci. La culture nous sert de garde fou. Enfin, si on se concentre sur la dimension environnementale, la culture favorise l’affection que l’on peut avoir pour notre patrimoine naturel, bien que l’on puisse penser que cette vision soit assez partielle d’un point de vue écologique. Promouvoir la nature comme un objet culturel, d’appréciation esthétique et d’expression de nos valeurs pourrait permettre de mieux diffuser le message d’alarme quant à la détérioration de notre environnement tout en évitant un discours défaitiste et assommant. Selon Aldo Leopold, « promouvoir la perception : voilà la seule branche vraiment créative de l’industrie du retour à la nature [3] ».
L'Agenda 21 pour l'institutionnalisation de la culture comme pilier du développement durableAinsi, la culture a toute sa place dans les politiques de développement durable et peut très bien être considérée comme un pilier supplémentaire. S’il n’existe pas encore de lois nous obligeant à prendre en compte les impacts culturels de nos politiques publiques, l’initiative de l’Agenda 21 de la culture est un pas de plus vers l'institutionnalisation de ces enjeux. En mai 2004 à Barcelone, l’organisation mondiale Cités et Gouvernements Locaux Unis (CGLU) propose la création d’un Agenda 21 de la culture lors du Forum Universel des Cultures. S’inspirant de l’architecture de l’Agenda 21 issu du sommet mondial de Rio en 1992, ce document a pour but de guider les gouvernements locaux et les villes qui souhaitent promouvoir le développement culturel. Cet événement a rassemblé plus de 300 villes dont, Montréal et Québec. En septembre 2010, le ministère de la Culture, des Communications et de la Condition féminine, lance une initiative de mise en place d’un Agenda 21 de culture pour la province du Québec. Suivant une démarche de démocratie participative, une première phase de dialogues a été réalisée entre novembre 2010 et mai 2011 et a mobilisé plus de 3900 personnes. Le 30 mai 2011, un forum national s’est tenu à Québec rassemblant divers acteurs du milieu industriel, de la culture, de l’environnement et de la société civile. Cet événement fut l’occasion d’étoffer le premier brouillon et d’apporter quelques précisions. D’ici à quelques semaines, une proposition d’adoption sera faite lors du 50e anniversaire du ministère. On peut se poser la question de savoir si un jour des expertises culturelles se feront au même titre que nous conduisons des études d’impacts sur l’environnement lors de la mise en place d’une politique publique ou de l’aménagement du territoire. Bien qu’une telle démarche en soit encore au stade embryonnaire, il existe tout de même des actions encourageantes : la ville de Montréal a lancé une première étude sur la médiation culturelle dans le but de mesurer l’influence des projets culturels sur le développement urbain. On peut espérer qu’un jour, des analyses d’impacts culturels sortent du strict cercle de la culture et s'inscrivent au tableau de bord des grands projets de développement. En attendant je vous invite à vous sensibiliser au 4e pilier du développement durable, soit en lisant les documents de référence ou en investissant des musées, des salles de concert et des cinémas.
— Documents d'intérêt
Autre documents
Source[1] ABRAHAM, F. La valeur esthétique de l'environnement chez Martin Seel Une question d'humanité. uqtrca, 2007, vol. Volume 13 [2] Castoriadis, C. (1991) : « Le délabrement de l’Occident ». Esprit, Vol 12. http://www.esprit.presse.fr/archive/review/article.php?code=12072 [3] Aldo Leopold, Almanach d’un comté des sables, Flammarion, Paris, 2000, 221p. |