Par Manon Ebel
Étudiante au cycle supérieur en environnement et développement durable à l’Université de Montréal
Le programme de réduction des émissions liées à la dégradation des forêts et à la déforestation (REDD) s’inscrit dans le cadre de la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC). Il a été adopté lors de la treizième Conférence des Parties (CdP) à Bali en 2007. Il devient REDD+ grâce à l’intégration de la gestion durable des forêts, de la reforestation ainsi que des garanties environnementales et sociales à la CdP de Cancùn en 2010.
Le REDD+ s'appuie sur un système de dédommagement provenant d’États et de programmes de fonds mondiaux versés aux pays en développement (PED) menant des activités qui visent à réduire les émissions de carbone forestier.
Ce programme a le potentiel d’apporter des avantages aux secteurs socioéconomiques et environnementaux des PED, notamment sur les écosystèmes. D’ailleurs, le Secrétariat sur la diversité biologique a produit un certain nombre de documents qui démontrent que la mise en œuvre d’activités REDD+ pourrait avoir des effets variables sur la biodiversité.
Ainsi, de nombreux impacts positifs quant à la mise en œuvre d’activités REDD+ sont attendus. En plus des avantages liés à la baisse d’émissions de carbone forestier, des activités concernant la protection de forêts, la restauration de systèmes forestiers qui produisent de nombreux services écosystémiques et l’amélioration de la gestion des forêts et de la mise en place de mesures d'adaptation seront initiées ou renforcées.
Malgré ces avancées dans le domaine de la biodiversité forestière, des risques sont toutefois à prévoir. Ainsi, une perte de biodiversité est plausible lors de la mise en œuvre d’activités REDD+. C’est ce que craint le Secrétariat sur la diversité biologique qui démontre que pour des raisons d’ordre économique des écosystèmes pourraient être convertis en forêts constituées de végétation ayant des capacités filtrantes importantes, mais étant peu diversifiées. Cela pourrait alors altérer certains écosystèmes plus riches ou encore atténuer la diversité de forêts existantes.
Les garanties mises en place dans le cadre de REDD+ visent à éviter ce genre de situations et à assurer des avantages pour la biodiversité. Néanmoins, aucun mécanisme d’évaluation des bénéfices et dommages n’est défini dans le cadre de la CCNUCC. À l’occasion de la prochaine CdP, les États seront donc amenés à s’entendre sur la façon d’évaluer la gestion et le respect de ces garanties.Un premier examen des soumissions suggère des interprétations assez différentes de la part des acteurs, ce qui risque de complexifier le processus de négociation.
Autre enjeu litigieux : le partage des bénéfices.Ainsi, la gestion des compensations monétaires versées pour la baisse d’émission de carbone n’a pas encore été élucidée dans le cadre des négociations climatiques internationales. Les positions étant polarisées entre les parties prenantes et les bailleurs de fonds, cette situation pourraient créer des tensions et entraver l’avancement des négociations. D’ailleurs, les pays du Bassin du Congo, rassemblés sous la Commission des Forêts d’Afrique Centrale, s’inquiètent particulièrement de cet enjeu en vue de la prochaine CdP qui débute dans quelques jours puisque certaines Parties, comme la Bolivie, refusent tout simplement la marchandisation de la Terre Mère et des forêts qui la composent.
Évidemment, les capacités à influencer l’issue des négociations dépendent de facteurs de puissance, comme le poids économique et démographique ainsi que l’arsenal diplomatique des pays.
Il est ainsi curieux d’observer l’absence d’un acteur crucial dans le dossier des forêts, le Brésil, qui, possédant pourtant d’innombrables atouts, n’a à ce jour pas soumis de position sur le programme REDD+ en vue des négociations qui se déroulent pourtant à sa porte.