Par Denis Plante
GaïaPresse
Dans le cadre d’une table ronde, tenue le 8 juin dernier et organisée par la Fondation David Suzuki, le Centre pour l’innovation dans la gouvernance internationale (CIGI) et l’Institut des sciences de l’environnement de l’UQAM, il a été clairement démontré que l’exploitation des sables bitumineux constituait non seulement un grave recul dans la lutte aux changements climatiques et pour l’environnement mais représentait aussi un non-sens économique et des investissements improductifs.
Les participants à cette activité, animée par Laure Waridel, ont exposé un point convergent quant à savoir si l’avenir de l’exploitation du pétrole bitumineux demeure nécessaire et justifié dans le contexte actuel. Jeff Rubin, expert émérite du CIGI, Karel Mayrand de la Fondation David Suzuki, François Delorme, chargé de cours à l’Université de Sherbrooke et Cleo Paskal de l’Institut royal des affaires internationales (Chatham House) nous ont fait part de leur point de vue sur cette question cruciale.
Dans l’état actuel des choses, un non-sens économique
Jeff Rubin, du CIGI, nous rappelle d’abord que la production mondiale de pétrole conventionnel, à 96 millions de barils par jour, sature les marchés mondiaux et exerce une pression à la baisse sur les prix. Cette situation résulte d’une lutte pour un partage du marché planétaire.
Il est établi que le coût de l’investissement et de l’exploitation du pétrole dit bitumineux demeure le plus élevé parmi les réserves de cette énergie fossile. De plus, le développement de l’extraction dans les gaz de schiste américains prive le Canada d’un marché acquis depuis longtemps. Dans ce sens, encourager la croissance de la production de ce pétrole ne fait économiquement aucun sens d’autant plus que la consommation, prévue par l’Agence internationale de l’énergie, sera en repli de 96 millions de barils en 2016 à 80 millions en 2030 au niveau international.
Dans l’état actuel de choses, les pétrolières canadiennes tentent de rejoindre les marchés étrangers en voulant construire des oléoducs, comme celui d’Énergie Est, afin d’écouler leur production. Ils mettent donc en danger le objectifs de la COP21 et, entre autres, le climat et le territoire québécois.
Changer les comportements et la prise de décision publique pour changer le cours des choses
François Delorme, de l’Université de Sherbrooke, nous rappelle que les infrastructures existantes demeurent suffisantes si nous réduisons notre consommation de pétrole. Dès lors, il faut modifier nos comportements afin de contribuer à cette trajectoire de repli et faire en sorte que le dit marché ne nous dicte pas sa loi. Pour ce faire, les gouvernements doivent jouer un rôle moteur et s’engager à assurer une transition énergétique nécessaire en soutenant résolument le développement des énergies renouvelables. Le projet Energie Est est dépassé et contradictoire avec les objectifs des réductions de gaz à effet fixés par les gouvernements canadien et québécois.
Les sables bitumineux : un danger environnemental à combattre
Cleo Paskal de Chatham House nous fait part de ses travaux de recherche portant sur l’exploitation des sables bitumineux en soulevant la question des externalités, à savoir les coûts sociaux de cette production. Elle nous indique que l’industrie occupe présentement, en Alberta, près de 176 kilomètres carrés, incluant leurs bassins de rétention non traités et toxiques.
Les ressources en eau représentent, pour les fins de ces entreprises, une véritable aubaine en puisant à volonté dans les cours d’eau et les nappes phréatiques. Il faut savoir qu’un baril de pétrole de ce type requiert 0,4 baril d’eau pour un baril de pétrole. Ainsi donc, cette situation met danger l’approvisionnement en eau des résidents car cette ressource n’est renouvelable, pour un temps donné, qu’à 50%, et ce d’autant plus que les produits toxiques utilisés à profusion contaminent le sous-sol.
Conclusion
En guise de conclusion, Karel Mayrand de la Fondation David Suzuki nous invite à prendre conscience que nous sommes à la croisée des chemins quant au recours aux énergies fossiles. Les gouvernements ne peuvent dire une chose et son contraire et se soustraire aux objectifs de la récente Conférence de Paris sur les changements climatiques. Dans ce sens, une mobilisation citoyenne permanente est requise pour faire pression sur les autorités publiques.
Source : GaïaPresse