Par Sophie Payeur
C’est un fait : nous consommons presque deux fois plus de ressources que ce que la Terre est en mesure de renouveler à l’échelle d’une année. Pour un développement véritablement durable, l’analyse du cycle de vie (ACV) devient incontournable. Cet outil, cependant, peut devenir rapidement complexe. Une équipe de l’Université de Sherbrooke s’attarde à cette problématique et développe des modèles ACV sur lesquels s’appuient de grandes entreprises.
L’analyse de cycle de vie (ACV) est une méthode développée dans les années 80 pour évaluer les impacts environnementaux et globaux d’une production. Elle adresse l’ensemble du cycle de vie d’un produit : de l’extraction des matières premières en passant par la production et la consommation, jusqu’aux déchets et aux émissions de fin de vie. L’équipe du professeur Ben Amor, de la Faculté de génie, veut non seulement améliorer l’ACV mais aussi l’appliquer. Elle travaille à intégrer l’environnement dès la phase de conception et, ainsi, rend l’écoconception opérationnelle.
«Ce qui est naturel n’est pas toujours plus favorable pour l’environnement, donne en exemple Ben Amor, fondateur et directeur du Laboratoire Interdisciplinaire de Recherche en Ingénierie Durable et en Éco-conception (LIRIDE). Par exemple, la fécule de maïs biosourcée que l’on utilise dans les colis de poste n’est, en fin de compte, pas plus écolo que le polystyrène, puisqu’il en faut en général quatre fois plus. Si on tient compte ne serait-ce que des fertilisants utilisés pour cultiver le maïs, l’impact sur la nature est plus important pour une même fonction, qui est de protéger le colis.
Les outils de modélisation que l’on développe au LIRIDE intègrent cet aspect de la fonction commune pour pouvoir comparer sur le même pied d’égalité différents produits, naturels ou non, et ce sur plus d’une quinzaine d’indicateurs environnementaux. Le but est d’éclairer les décisions prises sur un choix écologique fondé scientifiquement, comparativement au greenwashing, ou écoblanchiment. On veut ainsi éviter le déplacement des problèmes d’une catégorie d’impact à une autre, ou d’une étape du cycle de vie à une autre».
Ramener le choix des matériaux à leurs fonctions
En plus d’informer sur le profil environnemental et l’empreinte carbone des matériaux, l’analyse du cycle de vie (ACV) incorpore des dizaines de facteurs dont les interactions sont aussi quantifiées. L’acquisition des matériaux, la fabrication, le transport, la distribution, l’utilisation et la gestion de la fin de vie sont évalués par les modèles du LIRIDE en fonction de plusieurs indicateurs de dommage relatifs à la santé humaine, à la qualité des écosystèmes, la consommation de ressources diverses (ex. : minérales), au changement climatique et à la ressource eau, notamment.
«Il faut ramener nos choix de matières à la fonction qu’on entend leur faire remplir, et non aux quantités utilisées», soutient Ben Amor. L’ACV répond au besoin de méthodes d’évaluation quantitatives permettant de réaliser un diagnostic environnemental exhaustif et de comparer différents scénarios possibles.
Des exemples
Un cas de figure? Au cours des prochaines années, Hydro-Québec doit changer 14 000 de ses chambres de raccordement de câblage souterrain. Ces structures gisent dans des milieux humides et sont exposées à plusieurs agents agressifs.
L’armature d’acier est sujette à la corrosion et le ciment qui constitue la structure n’est pas optimal. Hydro-Québec projette également l’ajout de 100 nouvelles chambres par année. «Quels sont les matériaux qui représentent la meilleure performance à l’issus de l’ACV et dont la durée de vie pourrait atteindre 100, voire 200 ans? L’Institut de recherche d’Hydro-Québec (IREQ) fait appel à notre équipe pour modéliser différentes avenues», explicite le directeur du LIRIDE.
Source : Université de Sherbrooke