Les «poumons de la planète» étouffent. Au lieu d’absorber les gaz qui réchauffent le climat, les forêts tropicales du monde commencent à les libérer.
La vaste déforestation des régions tropicales a pour conséquence qu’elles émettent davantage de dioxyde de carbone qu’elles n’en capturent, perdant ainsi leur rôle historique de protection naturelle contre le changement climatique, selon une étude publiée jeudi 28 septembre 2017 dans la revue Science. Une grande partie de cette contribution carbone est due à la déforestation, à la conversion des forêts en espaces urbains tels que les fermes ou les routes. Cela dit, près de 70 % proviennent d’une source moins visible : une baisse du nombre de forêts et de la diversité des arbres dans celles qui restent.
Les forêts, une contribution essentielle
Les forêts tropicales sont un rempart contre la hausse du dioxyde de carbone dans l’atmosphère. Elles absorbent du carbone et l’entreposent sous forme de tiges, de feuilles et de racines. L’effet de la déforestation est clair : une diminution du nombre d’arbres qui absorbent le CO2.
Mais même des forêts apparemment intactes peuvent être dégradées ou perturbées par l’exploitation sélective, les changements environnementaux, les feux de forêt ou les maladies. « Contrairement à la déforestation, qui est facile à voir dans les images satellites, ces autres types de dégradation peuvent être difficiles à repérer », affirme l’auteur principal de l’étude, Alessandro Baccini, écologiste forestier et spécialiste de la télédétection au Woods Hole Research Centre à Falmouth, Massachusetts. «Même dégradée, la forêt ressemble encore à la forêt – même si elle est moins dense, et que son équilibre est rompu.»
La lente érosion d’une fonction naturelle
Baccini et son équipe ont donc étalonné les images satellites des tropiques et créé un algorithme qui compare les parcelles de 500 mètres carrés de chaque image de chaque année de 2003 à 2014 pour calculer les gains et les pertes de densité du carbone.
L’étude a établi que les régions tropicales dégageaient désormais environ 425 téragrammes nets par an dans l’atmosphère (un téragramme représentant un million de tonnes), soit davantage que les émissions de tous les camions et voitures des Etats-Unis en 2015. Environ 60 % de ces émissions de carbone proviennent de l’Amérique tropicale, y compris le bassin amazonien. Les forêts tropicales d’Afrique ont été responsables d’environ 24 % de la perte de carbone, et les forêts asiatiques pour 16 %. «Ces découvertes constituent un signal d’alarme pour le monde entier concernant les forêts», a commenté Alessandro Baccini. «Si nous voulons empêcher la température planétaire d’atteindre des niveaux dangereux, nous devons réduire drastiquement les émissions et augmenter la capacité des forêts à absorber et à emmagasiner le dioxyde de carbone».
Source : Sciences et Avenir