Par Kim Cornelissen
L’aide à l’agriculture industrielle locale
Dans une table ronde sur l’ouverture de l’usine d’éthanol de Varennes, en juin dernier, le député péquiste Stéphane Bergeron mentionnait que l’éthanol pourrait remplacer le MMT comme additif à l’essence (5). Il a ajouté que le Canada a essayé d’en interdire l’utilisation sur son territoire parce qu’il serait cancérigène, mais sans succès, en raison des ententes commerciales de l’ALÉNA. Si à première vue, il semble louable de remplacer le MMT par l’éthanol, il ne faut pas oublier que la production de maïs implique souvent des OGM ainsi qu’une grande utilisation de pesticides et herbicides. Qu’y gagne-t-on au change? D’autres solutions ne seraient-elles pas plus efficaces?
L’utilisation de l’éthanol pour réduire les émissions de CO2
Au Québec et au Canada, même si les deux paliers de gouvernement songent à obliger une proportion de 5 à 10 % d’éthanol dans l’essence comme carburant, plusieurs véhicules automobiles sont déjà disponibles en version E85 (85 % d’éthanol et 15 % d’essence). Or, tel que démontré dans le guide Énerguide 2006 du Gouvernement du Canada, tous ces véhicules ont une forte consommation d’essence (6). Veut-on réduire les émissions, soutenir l’industrie automobile ou déculpabiliser certains consommateurs? Quel est l’objectif?
Si l’on veut réduire les émissions de gaz à effet de serre, alors on erre. Même utilisé dans une proportion de 85 % (E85), l’éthanol issu de céréales (7) est le biocarburant le moins efficace pour réduire les CO2. C’est ce que démontre une étude comparative du cycle de vie de divers modes de propulsion automobile, réalisée l’année dernière par un organisme travaillant pour l’Union européenne. Pourquoi n’utilise-t-on pas plutôt les véhicules hybrides électriques, surtout dans un contexte où la production électrique proviendrait en plus grande proportion des éoliennes? Ou mieux encore, pourquoi ne pas favoriser l’utilisation du biogaz provenant de fumier sec, qui est de loin le plus efficace? Celui-ci peut être utilisé seul ou avec du gaz naturel, moins dommageable que l’essence utilisé en combinaison avec l’éthanol. Produit localement, le développement du biogaz comme biocarburant profiterait également à l’agriculture en plus de réduire d’autres problèmes environnementaux (captage du méthane).
(Nb de km parcourus avec la même quantité d’émissions en calculant le cycle de vie – well to wheel)
Du global au local
À la défense de ceux qui ont planifié l’implantation de l’usine d’éthanol de Varennes, il est important de remarquer que le monde des biocarburants évolue de façon très rapide; cela explique sans doute pourquoi la commercialisation de nouvelles technologies apporte avec elle des problèmes majeurs. Si les questions soulevées au Québec méritent notre attention, la situation est encore plus problématique au Brésil, où une partie de la production d’éthanol par canne à sucre se ferait dans des conditions de quasi-esclavage (9). L’éthanol étant vendu sans identification de sa provenance, comment pourra-t-on s’assurer que celui-ci est produit de façon éthique? C’est la question qui est soulevée actuellement en Suède, pays reconnu pour son avant-garde environnementale et humanitaire: près du tiers de leur consommation d’éthanol provient du Brésil (10). Là-bas comme ici, ces questions doivent être résolues avant d’aller plus loin.
Les gens qui font la promotion de l’éthanol ont sans doute cru qu’il s’agissait d’une solution durable pour réduire les problèmes environnementaux liés aux combustibles fossiles. L’actualité et la recherche semble démontrer le contraire. Dans un contexte de développement durable, la recherche de véritables solutions doit être basée sur des évaluations réalistes et impartiales qui tiennent compte de l’ensemble des impacts économiques, sociaux et environnementaux. C’est à ce prix que celles-ci pourront être adoptées en toute confiance par les automobilistes, condition essentielle à une véritable lutte aux changements climatiques liés au transport individuel.
Par Kim Cornelissen
Consultante en développement régional et international
ckimc@sympatico.ca
À titre de consultante en développement régional, elle est personne-ressource sur les dossiers touchant le transport, le développement durable, l’égalité entre les femmes et les hommes, la politique municipale et les liens entre le Québec et la Suède.
Elle est coordonnatrice du seul réseau d’élues municipales structuré au Canada, le RÉMME, en Montérégie Est. www.eluesmonteregie.qc.ca
Références :
1- www.sgfqc.com communiqués 2000
2- http://www.upa.qc.ca/fra/coalition/index.asp
3- Entre 1992 et 1999, près de 11 000 hectares de boisés – ou 110 km – ont disparu de la Montérégie et le rythme s’accélère (MAPAQ 2001). http://www.centrenature.qc.ca/pdf/foret/depliantforet.pdf
4- How Biofuels Could Starve the Poor. Foreign Affairs. May/June 2007 Edition. www.foreignaffairs.org
5- Émission de radio à CHAA, 103,3 FM à Longueuil. Vendredi 22 juin, 11 a.m.
6- Guide énergétique 2006, Ressources naturelles Canada
7- Dans le tableau comparatif, il n’y a pas de maïs-grain mais on retrouve toutefois le blé.
8- D’après source : http://www.volvocars.com/corporation/environment/Alternativefuels/_challenge.htm D’après : «Well-to-Wheels analysis of future automotive fuels and powertrains in the European context”, Union européenne, 2006 http://ies.jrc.cec.eu.int/wtw.html
9- Etanolens slavar. Göteborg Posten. Quotidien. Éditions du 25 juin 2007. http://www.gp.se/gp/road/Classic/shared/printArticle.jsp?d=130&a=354317
10- Ibid.