Par Denis Plante
Président du Conseil régional de l’environnement de Montréal
Je soumets cette courte contribution à l’attention de mes amis et partenaires de la cause environnementale. Depuis 2004, je siège comme représentant des coopératives d’habitation au conseil d’administration du Conseil régional de l’environnement de Montréal. J’y retrouve les valeurs de durabilité et de pérennité propres au mouvement coopératif en habitation. Je n’avais jamais eu auparavant de liens suivis avec des groupes environnementaux. Ainsi donc, si la ferveur et la diversité de ceux-ci me stimulent, je suis parfois étonné de cette segmentation, de cet éparpillement face à des enjeux majeurs qui imposent l’unité dans l’action. Et je ne peux que m’interroger : l’unité politique des groupes environnementaux est-elle une nécessité ou une contrainte?
Le contexte actuel
Au cours des dernières années, les problématiques liées à la protection de l’environnement et à la promotion du développement durable ont fait l’objet de beaucoup d’attention de la part des médias et des décideurs politiques. L’intérêt sans cesse grandissant de la population à l’égard d’enjeux cruciaux comme les changements climatiques, le développement de nouvelles sources d’énergie et la gestion des matières résiduelles est manifeste. Des programmes d’efficacité énergétique, la mise en place de modes de transport alternatifs et des actions portant sur les espaces verts sont proposés par plusieurs acteurs et bien reçus par les citoyens.
Cependant, il importe de se poser les questions suivantes : est-ce que les groupes environnementaux du Québec mettent tout en œuvre pour développer une force collective et exercer une influence déterminante auprès des décideurs et particulièrement des gouvernements? Est-ce que l’unité politique, à savoir des revendications et des propositions communes sur des dossiers majeurs, constitue une priorité pour ces groupes?
Agir localement : une convergence
Il existe des centaines et possiblement des milliers d’organismes voués à la cause environnementale au Québec. Des groupes disposant de ressources importantes et des comités de citoyens menant des projets d’action citoyenne dans leurs milieux de vie. Des organismes intégrés à des regroupements et des réseaux et d’autres pas. Des groupes déployant leurs activités en milieu urbain et d’autres faisant preuve d’initiative et de détermination dans les régions dites périphériques. Les enjeux ne sont certes pas les mêmes : la forêt, les mines et l’agriculture pour les uns; le transport collectif, l’occupation dense du territoire, le besoin d’espaces verts pour les autres.
On doit retenir que le concept d’agir localement en ayant une vision globale se retrouve tant en milieu urbain que dans les régions. À Montréal, des comités de citoyens de quartiers interviennent auprès de leurs conseils d’arrondissement sur l’apaisement de la circulation et s’opposent à des projets routiers comme l’autoroute Notre-Dame. Dans les régions, les citoyens se mobilisent contre des projets de barrages sur des rivières patrimoniales ou des porcheries sur fumier liquide et s’opposent parfois à leurs MRC ou à leurs élus locaux. Dans les deux cas, on vise à développer la conscience des citoyens vers une plus grande responsabilité sociale et à promouvoir des solutions durables. Dans les faits, il existe un mouvement, éclaté et étendu, mais porté par les mêmes valeurs de solidarité et de démocratie.
Des objectifs communs : une nécessité
L’action locale et la prise en charge par les citoyens face à des problèmes spécifiques représentent la base même du mouvement pour la protection de l’environnement et le développement durable. Dans ce sens et dans de nombreuses situations particulières, il faut réclamer que la prise de décision se fasse dans les instances municipales, régionales ou territoriales. Celles-ci existent et on peut certes revendiquer de faire en sorte que le pouvoir dit citoyen soit plus marqué et effectif.
Cependant, certains enjeux exigent de se regrouper et de faire cause commune car la finalité de notre action demeure la défense de l’intérêt public, la prise en compte du bien commun. Tous les groupes et les militants ne peuvent le faire en tout temps et au même moment, mais il y a des situations et des moments qui commandent de se coaliser au-delà des localités, des régions, donc au plan québécois. La lutte contre la centrale thermique du Suroît, pilotée par Québec Kyoto, représente un succès car elle a rassemblé des forces de plusieurs régions du Québec et a permis de faire retraiter le gouvernement Charest. Dans le cas de Rabaska, malgré le battage médiatique et la contestation régionale, le projet semble en voie de se réaliser.
Dans les deux cas, c’est toute la question de la politique énergétique qui est en cause : dépendance aux hydrocarbures, nouvelles sources d’énergie, consommation d’énergie, etc. C’est donc un enjeu national et de là canadien et mondial. Pour faire bouger les gouvernements et provoquer des changements significatifs, entre autres, sur les changements climatiques, la gestion des matières résiduelles et l’exploitation durable de la forêt, il faut créer des rapports de force puissants et efficaces. Il faut donc parfois dépasser les actions ponctuelles, locales et régionales et les intérêts particuliers et rechercher l’unité la plus large.
Une vision plus large, plus politique : une volonté de faire avancer les choses
Au-delà des partis politiques – et il existe, comme vous le savez, des Partis Verts – la société civile formée, bien sûr, de groupes environnementaux, d’organisations communautaires, de syndicats, d’entreprises, de formes juridiques diverses, et bien d’autres, détermine, en grande partie, le cours des choses. Les gouvernements, les villes, les municipalités et autres instances doivent composer avec leurs interventions soutenues et élaborer leurs projets et leurs politiques en tenant compte des revendications et des besoins des citoyens. Les résultats obtenus par les groupes environnementaux sont certes liés à la nature des rapports de force qu’ils établissent et à la justesse de leurs demandes. De là, la nécessité de développer une plus grande unité.
Finalement, il ne s’agit pas de forger une seule organisation québécoise vouée à la protection de l’environnement et au développement durable. Un tel projet se situerait a contrario de la vie démocratique qui anime et vivifie notre mouvement et représente la base même de notre action citoyenne. Il s’agit plutôt de modifier des attitudes, des réflexes et des comportements moulés par les intérêts particuliers et spécifiques. Rechercher la convergence, la mise en commun des ressources, parfois limitées, serait souhaitable. Pour ce faire, il n’existe pas de recette miracle, de prêt-à-porter, mais pourquoi pas des États généraux des groupes environnementaux? Il suffit de s’y mettre.
Par Denis Plante
Président du Conseil régional de l’environnement de Montréal