La nécessaire modification de la politique canadienne sur les changements climatiques

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Par Me Jean Piette
Avocat spécialisé en Droit de l’environnement


Mots clés :
changements climatiques, émissions de gaz à effet de serre (GES), Prendre le viragehydroélectricité, Harper, Obama, Québec, Canada, États-Unis

Comme nous l’avons déjà écrit, le Gouvernement fédéral semble avoir stoppé la machine qui devait mettre en œuvre la politique fédérale sur les changements climatiques. La proposition déposée le 26 avril 2007 dans un Cadre réglementaire sur les émissions atmosphériques, également connue sous le nom de « Prendre le virage », prévoyait la publication des projets de réglementation visant à imposer des diminutions d’intensité des gaz à effet de serre (GES) auprès de dix-neuf catégories d’établissements industriels au Canada, à compter de l’automne 2008.

Depuis, il y a un retard croissant dans la mise en œuvre du programme canadien de diminution des GES. Cet attentisme mine le dynamisme du marché des crédits de carbone sur le MCeX (Marché climatique de Montréal) qui cherche de nouveaux créneaux comme, par exemple, les crédits de carbone de l’Alberta ou les futurs crédits de carbone que l’Ontario souhaite créer dès 2010. Ces derniers seraient susceptibles de le dynamiser et de lui donner davantage de pertinence malgré la lassitude et la crise de confiance qui frappe tous les marchés où qu’ils soient, quels qu’ils soient.

La cause évidente de ce retard se trouve aux États-Unis d’Amérique qui ont, le 4 novembre 2008, élu un nouveau président déterminé à mettre de l’avant une politique agressive à l’égard des changements climatiques.

Le gouvernement du premier ministre Harper ne pouvait ignorer ce fait.

Le 19 février dernier, le président Barack Obama et le premier ministre Stephen Harper ont tenu de premiers échanges bilatéraux sur les changements climatiques et les politiques énergétiques. Or, le 31 mars dernier, Henry A Waxman, le représentant démocrate de 30e district de la Californie, a déposé un projet de loi sur « l’énergie propre » et les changements climatiques, même si la notion de « changement climatique » n’apparaît pas dans le titre du projet de loi. Ceci illustre l’importance critique de la dimension énergétique de la problématique des changements climatiques telle qu’on la perçoit aux États Unis. D’ailleurs, on ne doit pas se surprendre que le nouveau secrétaire à l’Énergie des États Unis soit le principal responsable de la mise en œuvre de cette politique qui veut projeter les États Unis vers les énergies propres ou « vertes » et l’efficacité énergétique.


Il est clair que l’initiative législative en matière de changements climatiques viendra d’abord de la Chambre des représentants. Le représentant Waxman compte bien faire adopter son projet de loi d’ici la fin de 2009. D’ailleurs, les audiences publiques sur le sujet doivent commencer au cours de la semaine du 20 avril.

La fin des mesures d’intensité de GES?

Comme le projet de loi Waxman ne retient pas l’approche dite de « l’intensité » pour diminuer les émissions de GES, il y a fort à parier que le gouvernement canadien changera son fusil d’épaule et s’orientera rapidement vers des diminutions de GES en tonnes absolues. C’est ce qu’il avait d’ailleurs l’intention de faire plus tard, c’est à dire en 2020.

À titre d’indice, la Presse Canadienne rapportait le 3 avril dernier que le ministre fédéral de l’Environnement, monsieur Jim Prentice, était en train d’apporter des « retouches » au document « Prendre le virage » sans qu’on sache exactement quelles sont ces « retouches ».

Les exigences américaines

Le projet de loi américain devrait susciter de l’intérêt au Québec puisqu’il vise à favoriser les énergies dites « renouvelables ». Or, l’hydroélectricité n’est réputée « renouvelable » que s’il s’agit d’hydroélectricité « qualifiée » selon des exigences très strictes prévues dans le projet de loi.

Dans son libellé actuel, il est certain que les barrages hydroélectriques du Québec ne pourront pas se « qualifier » au sens du projet de loi américain qui contient une définition extrêmement restrictive de l’hydroélectricité dite « renouvelable ». Le Québec aura fort à faire pour convaincre ses partenaires américains, notamment les gouverneurs de la Nouvelle Angleterre et de l’État de New York et peut-être les gouverneurs membres du Western Climate Initiative, que l’énergie hydroélectrique québécoise devrait être qualifiée d’« énergie renouvelable ».

L’autre aspect inquiétant de ce projet de loi est le risque d’« écoprotectionnisme » qui y est inhérent. En effet, ce dernier autoriserait l’imposition de droits ou des pénalités aux produits importés aux États Unis en provenance de pays, dont le Canada, où il n’y aurait pas de contrôles adéquats sur les émissions de GES. Heureusement, les articles 412 et 413 du projet de loi prévoient la négociation d’ententes bilatérales ou multilatérales avec d’autres pays pour diminuer les émissions de GES.

Il y a là une préoccupation évidente d’éviter la perte, aux États Unis, d’emplois qui seraient remplacés par des emplois dans des pays n’imposant pas de contrôles adéquats sur les émissions de GES. C’est une invitation claire pour le Canada à conclure une entente bilatérale (ou peut-être trilatérale avec le Mexique) pour harmoniser la politique canadienne de réduction des GES avec la politique américaine portant sur le même sujet.

L’évolution de la politique américaine sur les changements climatiques devrait être une occasion pour le gouvernement du Canada de passer en mode action. S’il se contente de regarder passer le train au Sud, il risque d’en subir les contrecoups économiques et politiques. Il serait regrettable que cette inaction nuise aux intérêts économiques du Canada et du Québec.




Par Me Jean Piette

Avocat spécialisé en Droit de l’environnement

Jean Piette est spécialisé dans le domaine du droit de l’environnement et dans celui de l’élaboration des politiques en matière d’environnement. Il a été le premier avocat québécois à exercer une pratique entièrement consacrée au droit de l’environnement depuis 1972. Associé principal et responsable de l’équipe de droit de l’environnement au cabinet d’avocats Ogilvy Renault, il s’est vu attribuer le classement le plus élevé dans le répertoire juridique Martindale-Hubbel, soit la cote AV, pour son respect des normes d’éthique et pour ses qualités professionnelles. Il a été désigné parmi les meilleurs avocats en droit de l’environnement au Canada dans l’annuaire Lexpert/American Lawyer Media et parmi les meilleurs au monde selon le Guide to the World’s Leading Environment Lawyers et le Who’s Who Legal Environment. 

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