Malartic, le 15 avril 2009 – Le Bureau d’audiences publiques en environnement (BAPE) ne devrait pas approuver le projet de mine d’or géante à ciel ouvert à Malartic en Abitibi-Témiscamingue et devrait recommander des dédommagements pour les citoyens qui ont été touchés par le déménagement de près du quart de leur municipalité, réalisé avant l’examen et l’approbation du projet. Selon la coalition Pour que le Québec ait meilleure mine!, qui présentait son mémoire à Malartic, l’approbation de ce projet constituerait un dangereux précédent pour la région et le Québec qui n’ont pas d’expérience dans l’exploitation de ce type de mine lequel vise l’extraction à grande échelle et à ciel ouvert de très grandes quantités de roche pour très peu de métal produit. La fosse projetée, en plein cœur de Malartic, aurait 2 kilomètres de long, 780 mètres de large et une profondeur de près de 400 mètres.
Des enjeux environnementaux
Pour Henri Jacob, de l’Action boréale Abitibi-Témiscamingue, «Les méga mines à ciel ouvert sont comparables aux coupes à blanc excessives du secteur forestier ou aux sables bitumineux de l’industrie du pétrole, et n’ont rien à voir avec la révolution verte dont l’industrie minière a réellement besoin!».
Selon Ugo Lapointe du Forum de l’Institut des sciences de l’environnement de l’UQAM (ISE), « Ouvrir grande la porte aux mines à ciel ouvert d’envergure pour les métaux précieux et usuels contribuerait à intensifier la pression environnementale de l’exploitation minière comparativement aux mines souterraines conventionnelles: c’est plus d’énergie, plus de produits chimiques, plus de résidus miniers et plus d’eau par unité de métal produit, pour moins de bénéfices à long terme. Les entreprises y trouvent leur profit en faisant des économies d’échelle et en accélérant la cadence de production ».
La compagnie Osisko souhaite exploiter cette mine d’or de type « fort tonnage faible teneur » pour une période de 9 ans seulement, soit en soutirant près de 525 millions de tonnes de roche ayant une faible teneur d’or récupérable. En fin de projet, l’or total produit aura un volume à peine supérieur à celui occupé par une petite voiture. Chaque jour, 25 millions de litres d’eau (deux fois la consommation quotidienne de la ville de Rouyn-Noranda), 11 tonnes de cyanure et 30 autres tonnes de produits chimiques variés seront nécessaires, en plus de quantités importantes d’énergie et de carburants. Une fois les opérations terminées, ce sont près de 800 hectares de territoire affectés, dont une montagne de roches stériles de 100 m de haut, un réservoir endigué de 2 km de long, ainsi qu’une plaine de résidus miniers s’étendant sur près de 2,5 km qui seront légués aux générations futures. Le principal scénario de restauration de la fosse envisagé pour le moment est de l’ennoyer en y pompant de l’eau pendant 24 ans. Les différents intervenants aux audiences publiques semblent croire qu’il ne sera pas possible de créer un lac vivant avec cette fosse.
« Ce type d’exploitation minière ressemble davantage à du pillage de ressources qu’à un véritable développement fait pour les gens », selon Christian Simard, de Nature Québec. « On parle souvent de malbouffe, mais au Québec, on fait souvent du mal développement. Il faut changer cela et traiter notre territoire et ses ressources de façon plus durable », croit Christian Simard.
Des alternatives existent
Selon Ugo Lapointe « Ouvrir grande la porte à ce type d’exploitation minière, présent dans l’hémisphère sud, constitueait un sérieux préjudice à un développement plus responsable voir durable du secteur minier, d’autant plus qu’il existe des alternatives à l’exploitation et la production de métaux précieux et usuels (or, argent, cuivre, zinc, nickel, etc.) ». Dans une lettre soumise aux élus et aux leaders de la région en novembre 2008, la Coalition proposait de faire de l’Abitibi-Témiscamingue un pôle d’excellence au niveau international pour le développement de mines de métaux précieux et usuels ayant un minimum d’impacts sur l’environnement et la santé pour un maximum de retombées pour les communautés. Parmi les propositions avancées, la Coalition recommandait de favoriser le développement minier en profondeur plutôt qu’en surface.
L’Abitbi-Témiscamingue compte déjà, dans son histoire, une centaine de mines de métaux précieux et usuels, dont la très grande majorité sont souterraines. Jusqu’à tout récemment, plusieurs intervenants du secteur minier s’entendaient pour dire que l’exploitation souterraine en profondeur constituait l’avenir minier en région. Qu’il y avait un avantage à développer cette expertise dès maintenant afin de pouvoir non seulement trouver et exploiter de nouveaux gisements, mais également développer et exporter notre savoir-faire à l’échelle internationale. Les mines La Ronde et Lapa, à une trentaine de kilomètres à l’ouest de Malartic, en sont de bons exemples.
Dans son
mémoire, la Coalition a attiré l’attention du BAPE sur le fait qu’il y a actuellement trois autres projets de mines à ciel ouvert de type « fort tonnage faible teneur » en préparation en Abitibi-Témiscamingue. Il importe donc de ne pas créer de précédents en approuvant ces projets à la pièce, projets qui modifieraient en profondeur le paysage minier (et le paysage tout court) de l’Abitibi-Témiscamingue. Pour faire de bons choix stratégiques dans le domaine des mines, Pour que le Québec ait meilleure mine ! recommande la tenue d’un large débat public, qui pourrait être tenu sous l’égide d’une commission indépendante.
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La coalition Pour que le Québec ait meilleure mine! a vu le jour au printemps 2008 et est aujourd’hui constituée de plus d’une douzaine d’organismes représentant plusieurs milliers de membres au Québec. La coalition s’est donnée pour mission de revoir la façon dont on encadre et développe le secteur minier au Québec, dans le but de promouvoir de meilleures pratiques aux plans social et environnemental. La coalition juge essentiel d’engager et de maintenir un dialogue constructif avec les différents intervenants du secteur minier québécois, le gouvernement du Québec, de même qu’avec les communautés et les citoyens qui sont directement affectés.
Les membres actuels de la coalition Pour que le Québec ait meilleure mine ! sont : Action boréale Abitibi-Témiscamingue (ABAT) ; Association de protection de l’environnement des Hautes-Laurentides, comité uranium (APEHL) ; Coalition de l’ouest du Québec contre l’exploitation de l’uranium (COQEU) ; Comité vigilance Malartic (projet minier Osisko) ; Écojustice ; Forum de l’Institut des sciences de l’environnement de l’UQAM ; MiningWatch Canada ; Mouvement Vert Mauricie ; Nature Québec ; Professionnels de la santé pour la survie mondiale ; Regroupement pour la surveillance du nucléaire ; Réseau québécois des groupes écologistes (RQGE) ; Société pour la nature et les parcs du Canada – SNAP-Québec. Tous nouveaux membres sont les bienvenus.