Par Gilles Bourque,
Coordonnateur des Éditions Vie Économique (EVE), coopérative de solidarité
Mots clés : Chine, changements climatiques, énergies propres, politiques publiques, Copenhague
Les signaux que nous recevons de la Chine, concernant la lutte contre les changements climatiques, ne sont pas toujours très clairs. Il faut admettre que ce n’est pas exactement ce qu’on pourrait appeler le paradis de la transparence et de la reddition de compte. Néanmoins, on peut voir quelques signaux de fumée positifs, si on peut parler ainsi. La Chine se préparerait à annoncer un virage important dans la lutte contre les changements climatiques. Selon des spécialistes bien informés, le gouvernement chinois aurait commencé à énoncer les principaux points sur lesquels portera la nouvelle position qu’il prendra lors de la conférence de Copenhague, en décembre prochain. À l’occasion d’une rencontre au plus haut niveau de l’appareil d’État, au début du mois d’août, le premier ministre Wen Jiabao aurait ainsi déclaré que le contrôle des émissions de GES deviendrait l’un des points importants des plans de développement du pays puisque le réchauffement climatique menacerait la santé économique et environnementale de la Chine. En raison de la fonte plus rapide que prévu des glaciers, et des conséquences dramatiques des périodes de sécheresse qui affectent le Noord du pays, la rencontre des dirigeants a d’ailleurs permis de souligner l’urgence de s’attaquer à l’enjeu des changements climatiques, et ces dirigeants ont même été invités à se donner des objectifs nationaux de contrôle des émissions de GES, sans néanmoins parler de diminution. « Make objectives for controlling greenhouse gas emissions and adapting to climate change an important basis for setting the medium and long-term development strategies and plans of government at every level, » auraient conclu les participants à la fin de cette rencontre. Quelques semaines plus tard (le 28 août), c’est le parlement qui approuvait une résolution visant à accélérer les efforts pour réduire les GES. « We must strengthen energy-saving and emissions reduction, striving to control emissions of greenhouse gases », précise la résolution appuyée par les députés chinois. Nous sommes loin du discours « sur le droit de polluer » des dirigeants chinois des dernières années. Dans la pratique, il faut admettre que la Chine agit plus activement que la majorité des autres pays du monde en fonction d’une transition vers une économie à faible intensité de carbone. Mais il faut comprendre qu’elle part aussi de plus loin : 80 % de son électricité est encore tirée du charbon. Par contre, elle arrive maintenant en deuxième position parmi les pays qui investissent dans les énergies renouvelables (12 milliards de dollars contre 14 milliards de dollars pour l’Allemagne). La Chine devient un leader mondial dans les domaines du solaire, de l’éolien et des voitures électriques. Si aujourd’hui la Chine a décidé d’allouer 9 % des montants de son plan de relance (586 milliards de dollars) à des projets « verts » (services ferroviaires et réseaux de transmission électrique), il est prévu qu’un autre plan de relance spécifiquement consacré aux énergies renouvelables serait bientôt annoncé, avec des montants jouant entre 440 et 660 milliards de dollars. Ce plan viserait à augmenter considérablement la production des énergies solaire et éolienne au pays. Il permettrait, en particulier, de faire passer l’objectif relatif à l’énergie solaire à 10 000 MW en 2020 (par rapport à l’objectif initial de 1 800 MW). En 2020, l’énergie éolienne devrait pouvoir atteindre une génération de 100 GW; cela représente plus que le triplement de l’objectif de 30 GW du plan annoncé auparavant. Les investissements cibleraient l’augmentation des capacités en énergie propre (excluant l’hydroélectricité) de manière à atteindre 6 % de la puissance énergétique globale de la Chine en 2020, contre 1,5 % à l’heure actuelle. Par ailleurs, la rhétorique de la Chine concernant les engagements des pays développés ferait place à plus de nuances. La position officielle s’appuie encore sur l’exigence d’une diminution pour 2020 de 40 % par rapport aux niveaux de 1990, pour l’ensemble des pays développés. La cible du 40 % apparaît à la Chine comme « fair and rational » étant donné les responsabilités historiques des pays développés dans la situation actuelle. Mais la position officieuse de Beijing dans les négociations internationales semble laisser place à une flexibilité dans les demandes chinoises. « As the developed countries have a historical responsibility for climate change, they should continue to implement large emissions cuts after 2012 », affirme Yu Qingtai, le représentant chinois aux négociations sur les changements climatiques. « A concrete figure has to be decided by the negotiations; we will get a result in Copenhagen. » Ce qui apparaît aussi intéressant pour Joe Romm, l’animateur du site ClimateProgress, c’est que le nouveau discours de la Chine est tenu au moment où pour la première fois deux pays « en développement », qui ne font pas partie de l’Annexe 1 du Protocole de Kyoto, la Corée du Sud et le Mexique, s’engagent officiellement à diminuer leurs émissions et à se donner des cibles absolues. Ces deux pays devraient faire l’annonce officielle de leurs engagements, en décembre, à Copenhague. Il est certes légitime de se demander si, derrière cette rhétorique, la Chine entreprend des actions réelles. Lorsqu’on apprend que le pays continue à inaugurer, chaque semaine, une nouvelle centrale au charbon, on peut effectivement s’interroger. Mais selon les spécialistes, ces nouvelles centrales au charbon, qui utilisent les technologies les plus modernes, remplacent en fait de vieilles centrales particulières inefficaces. Elles prévoient également l’utilisation du gaz naturel selon les disponibilités et les prix de chacune des ressources. Il faut savoir que les autorités chinoises ont récemment dû fermer plusieurs mines de charbon à la suite d’une série d’accidents qui ont fait de nombreuses victimes. Conséquemment, la Chine a dû recourir à l’importation, principalement en provenance de l’Australie, pour alimenter ses nombreuses centrales thermiques au charbon, à un coût probablement beaucoup plus élevé que celui de la matière locale. Le plus important à retenir dans le nouveau discours des représentants chinois, c’est l’importance accordée aux efforts de la Chine pour lui permettre d’atteindre le plus rapidement possible son maximum absolu en émissions. « There is no one in the world who is more keen than us to see China reach its emissions peak as early as possible », affirment les Chinois. Ce qui semble maintenant clair, c’est que la Chine veut réellement que la communauté internationale arrive à un accord à Copenhague, à la fin de cette année. |
Coordonnateur des Éditions Vie Économique (EVE), coopérative de solidarité
Gilles Bourque détient une maîtrise en sciences économiques et un doctorat en sociologie économique à l’UQAM. Il est l’auteur du livre Le modèle québécois de développement : de l’émergence au renouvellement, paru au PUQ, qui s’est mérité le premier Prix pour la meilleure thèse de doctorat de l’IREC (Institut de recherche en économie contemporaine) en 2000.
La mission de Les Éditions Vie Économique (EVE), coopérative de solidarité, est de créer un groupe de presse visant à soutenir la diffusion des connaissances provenant de la pratique et de la recherche sur la vie économique actuelle, dans une perspective de développement durable.
entre GaïaPresse et les Éditions Vie Économique (EVE)