Par Marie-Josée Richard,
Journaliste indépendante
Mots-clés : Forêt amazonienne, déforestation, émissions de gaz à effet de serre (GES), Réduction des émissions dues à la déforestation et la dégradation (REDD), Brésil. La déforestation serait responsable de 15 à 17 % des émissions de gaz à effet de serre (GES) sur la planète. Le Brésil a annoncé récemment son intention de réduire de 80 % la déforestation de l’Amazonie d’ici 2020. En 2050, le pays vise ni plus ni moins de cesser tous les abattages d’arbres sur son territoire. Quelles sont les conditions pour protéger la plus grande forêt tropicale du monde ? GaïaPresse s’est penché sur la question. De l’avis de Tatiana de Carvalho, responsable de la campagne Zéro Déforestation pour Greenpeace Brésil rejointe à Manaus, le pays n’a pas d’autre choix : « Il doit investir massivement dans les ressources humaines et dans la technologie s’il veut protéger l’Amazonie. » La forêt amazonienne étant un vaste territoire, qui plus est, très éloigné des grands centres urbains, sa gestion demeure complexe. « La surveillance des forêts par des satellites comporte ses limites », de poursuivre la militante. La région de l’Amazonie, avec un taux d’humidité très élevé, est caractérisée par un ciel avec une épaisse couverture nuageuse, et ce, toute l’année durant. De ce fait, les images ne permettent pas toujours de voir les forêts au sol. « Nous devons mettre sur pied de nouvelles technologies capables de faire le suivi sur l’état de nos forêts. L’accès gratuit à des images satellite de haute qualité est la clé pour y arriver. La société civile doit aussi s’impliquer en veillant à la mise en place de ces infrastructures », insiste-t-elle. Investir dans les technologies signifierait aussi améliorer la fertilité de certaines terres de manière durable. « Il faut savoir que la productivité des terres amazoniennes est très faible. Par exemple, on ne compte qu’une tête de bovin par hectare. On espère faire augmenter le rendement, ralentissant du même coup la demande pour de nouvelles terres. De plus, les engrais utilisés polluent grandement les cours d’eau du bassin amazonien. En favorisant de nouveaux procédés agricoles, nous espérons agir également pour la préservation de l’environnement », explique l’écologiste. Soulignons qu’avec les deux tiers de la forêt amazonienne sur son territoire, le Brésil constitue un acteur de premier plan dans sa préservation. Mentionnons qu’à ce jour, près de la moitié de cette étendue verte aurait déjà été touchée par les activités humaines. Entre août 2007 et juillet 2008, quelque 12 000 km2 ont disparu pour faire place à la production bovine (cuir et viande) – les Brésiliens seraient les plus grands exportateurs du monde avec 26 % des parts de marché – et notamment à cause de la production de soja et de canne à sucre, utilisée pour produire des biocarburants. « Selon les projections du Fonds mondial pour la nature (WWF), 55 % de la plus grande forêt tropicale du monde aura disparu à l’horizon 2030 si son exploitation se maintient au rythme actuel » a écrit le magazine français Géo. La forêt amazonienne, ainsi que d’autres écosystèmes au pays, sont donc grandement affectés par l’exploitation bovine et agricole. Ces activités, conjuguées avec une forte industrialisation, font en sorte que le Brésil se classe au quatrième rang des plus importants producteurs d’émissions de GES de la planète. Selon son ministère des Sciences et Technologies, ces émissions auraient bondi de 62 % de 1990 à 2005; ceci représente 2,203 milliards de tonnes de GES en 2005, contre 1,362 milliard en 1990. Des fonds pour contrer la coupe illégale Comme plusieurs pays en voie de développement ou émergents, il faut savoir que dans certaines régions du Brésil, jusqu’à 80 % de la déforestation serait le résultat de coupes illégales. Le soutien des autochtones vivant dans la forêt amazonienne doit donc être inclus dans les plans pour lutter contre la déforestation. Car ces derniers n’ont souvent nul autre recours que de couper des arbres pour gagner un peu d’argent et assurer leur survie. Ce concept fait référence au projet Réduction des émissions dues à la déforestation et la dégradation (REDD), qui met de l’avant un ensemble de mesures pour lutter à la fois contre la déforestation et les émissions de GES, deux aspects mettant aussi en péril de nombreuses espèces végétales et animales. Dans la visée du projet REDD, l’organisme Greenpeace fera des pressions durant le Sommet sur le climat de Copenhague pour la création d’un fonds mondial contre la déforestation d’une valeur de140 milliards ($ US), immédiatement accessible à la conclusion de cette rencontre. Ce sont principalement les pays industrialisés qui contribueraient à ce fonds, conçu pour protéger la biodiversité et garantir le respect des droits et intérêts des peuples autochtones et des populations locales. Son financement proviendrait à la fois de sources publiques et de mécanismes liés au marché. Le principe de l’émetteur-payeur serait mis de l’avant : le non respect de quotas d’émissions de GES serait accompagné d’une compensation monétaire à verser au fonds. Créé pour protéger les forêts tropicales des pays en voie de développement, principalement celles du Brésil, du Congo et de l’Indonésie, ce fonds jouerait un rôle de bouclier de protection pour l’Amazonie. Des initiatives régionales Parmi les initiatives lancées, nommons le Programa Bolsa Floresta de la Fundação Amazonas Sustentável (Fondation pour une Amazonie durable). Créé en 2007 par le gouvernement de l’État d’Amazonas, en collaboration avec la banque Bradesco, il poursuit un but socio-environnemental : protéger la forêt, tout en soutenant sa population. En échange de 50 réaux par mois (la monnaie brésilienne étant le réal), soit 30 $ canadien, la famille récipiendaire s’engage à respecter le pacte « zéro déforestation ». Depuis octobre 2009, le programme a déjà aidé plus de 6 800 familles et protégé plus de 10 millions d’hectares de forêt, soit une région plus vaste que le Portugal!
Par Marie-Josée Richard, Marie-Josée Richard a remporté en 2008 une bourse en journalisme du Centre de recherche en développement international (CRDI), en collaboration avec l’Agence Science Presse. C’est ainsi qu’elle est allée réaliser des reportages en environnement au Brésil pendant quatre mois à l’hiver 2009. Puis en mai dernier, elle a été sélectionnée pour suivre une formation de dix jours sur les enjeux de l’eau autour du Lac Érié avec The Institute for Journalism and Natural Resources. Ses intérêts pour l’environnement concernent surtout la préservation des écosystèmes, la gestion de l’eau et les transports écologiques. (Depuis mars 2007, elle siège sur le conseil d’administration de l’Association des journalistes indépendants du Québec, mieux connu sous l’acronyme AJIQ.) |