Par le mouvement Terre Citoyenne
Mots clés : énergie, éolien, Grive de Bicknell, Massif du sud, BAPE, autochtone.
La filière éolienne Les résultats du deuxième appel d’offres d’Hydro Québec pour l’installation de 2000 MW d’électricité éolienne sont tombés le 5 mai 2008. Le grand gagnant : Électricité de France qui ramasse via le consortium St-Laurent Énergie près de 50 % de l’ensemble des projets. Cette date est inscrite dans la mémoire des citoyens qui se battent depuis pour protéger leur territoire de l’occupation d’une industrie incompatible avec leur milieu. Ces citoyens cherchent un appui dans le système pour leur permettre d’être entendus et de connaître en toute transparence l’ensemble des impacts de cette filière dans leur milieu et sur l’ensemble du territoire du Québec. Dès le 5 mai 2008, le sort en était pourtant jeté. Les contrats de service pour l’approvisionnement de l’électricité étaient signés avec Hydro Québec, les contrats d’option accordant aux promoteurs des droits superficiaires exclusifs pour installer leurs éoliennes signés avec les propriétaires terriens, et les municipalités convaincues par les promoteurs que leurs citoyens étaient consentants, vu les contrats d’option en poche qu’ils leur exhibaient. Cependant, c’est en lisant leur journal le matin du 5 mai 2008 que beaucoup de citoyens, particulièrement les villégiateurs, apprenaient pour la première fois l’existence d’un projet éolien sur leur territoire. Un débat, pour ne pas dire un combat, s’est installé ensuite dans de petites localités du Québec, de superbes endroits, car le vent a ce caprice d’être plus performant sur des promontoires, sur le bord du fleuve et dans le cas du Massif du sud, à la tête des rivières, dans une partie des Appalaches où les sommets atteignent plus de 900 mètres de hauteur. Sur ces hauteurs, rares au Québec, niche un petit oiseau migrateur qui vient d’obtenir un statut de protection : la Grive de Bicknell. Le sort du Parc régional Massif du sud repose donc pour le moment sur un petit oiseau migrateur qui peut tenir au creux de la main. Cet oiseau est à lui seul l’indicateur d’un riche habitat dont la biodiversité est nécessaire à sa survie et constitue en quelque sorte le poumon de toute une région. Le Parc régional Massif du sud, qui s’étend sur une superficie de 100 km carrés de terres publiques, est convoité par la filière éolienne avec toute la force de son lobby, toute la force juridique de l’appel d’offres, en plus de bénéficier de la faveur populaire qui retient les vertus de la filière éolienne sans discernement entre les projets qui sont sensés être de ceux qui ne sont ni viables ni vivables dans un milieu donné. Quant à eux, les citoyens du Massif du sud, appuyés par Nature Québec, ont déposé un projet au ministère du Développement durable, de l’Environnement et des Parcs (MDDEP) pour obtenir un statut de réserve de la biodiversité. Cette réserve aurait l’avantage de protéger le Massif du sud du développement industriel proposé ou à tout le moins, protéger l’habitat de la Grive de Bicknell du déboisement massif requis pour ouvrir des dizaines de kilomètres de chemins en montagne et des dizaines d’hectares pour installer les aérogénérateurs. La Grive de Bicknell est protégée par la Loi sur la Convention concernant les oiseaux migrateurs, une loi fédérale. Les citoyens se demandent si cette loi saura avoir priorité sur les millions déjà engagés par le gouvernement et par les promoteurs et pour le bénéfice principalement des actionnaires des multinationales derrière le projet. Les citoyens en doutent. Les municipalités quant à elles et les Municipalités régionales de comté, qui espèrent éponger leurs déficits et le manque à gagner pour gérer un parc régional, attendent avec impatience le jour où elles pourront empocher les redevances promises et pour lesquelles elles ont signé des ententes avec les promoteurs bien avant les auditions du Bureau des audiences publiques en environnement (BAPE).
Les recours des citoyens Lors des audiences du BAPE du Massif du sud, en première partie, il a semblé aux citoyens qu’une négociation se déroulait devant eux, séance tenante, menée par le président duBAPE, lequel tentait de rallier le MDDEP, le ministère des Ressources naturelles et de la Faune (MRNF), le Service canadien de la Faune et les promoteurs pour voir comment faire coexister l’habitat de la Grive et le projet éolien. Se tournant d’abord vers le MRNF pour savoir si la protection de l’habitat était aussi importante pour la section énergie du Ministère que pour la section faune et s’en être satisfait, il s’est ensuite tourné vers le représentant du MDDEP pour savoir si la solution préconisée par les citoyens de faire une réserve de la biodiversité et éviter l’éolien dans l’habitat de la Grive se tenait. Présentation à l’appui, le représentent du MDDEP a démontré que non seulement le Parc du Massif du sud avait été retenu par son ministère pour considérer ce type de réserve mais que selon lui, l’industrie éolienne n’était pas compatible avec la protection de la Grive. Malheureusement, son Ministère est à faire des études présentement et n’est pas encore prêt à procéder avant deux ans à la création de réserves de la biodiversité. Quant au promoteur, retirer le nombre d’éoliennes de l’habitat de la Grive rendrait selon lui son projet non rentable et il n’est donc pas disposé à déplacer un nombre d’éoliennes suffisant pour protéger cet habitat. La première partie du BAPE en est resté là. Une impasse. Quels sont les autres recours des citoyens? Protéger l’eau avec la Loi affirmant le caractère collectif des ressources en eau et visant à renforcer leur protection qui permettrait aux citoyens d’agir en cour comme titulaire du droit patrimonial et collectif de l’eau? Cette loi n’offre aucune sanction, il s’agit d’une loi déclaratoire, un cadre de référence, un peu comme la Loi sur le Développement durable avec ses 16 principes dont celui de précaution avancé par tous les citoyens qui se battent dans l’éolien. Ces recours semblent trop ténus pour en espérer des résultats à court terme. Les audiences du BAPE, seconde partie, ont ramené cependant un relent d’espoir pour protéger la biodiversité du Parc avec la venue inattendue du Grand Chef Konrad Sioui de la Nation Huronne-Wendat. Le Grand Chef est venu démontrer au BAPE que le Peuple Wendat avait des droits sur le territoire du Massif du sud et que les Wendat n’avaient pas été consultés. Il a démontré que les études d’impact menées exclusivement par le promoteur étaient incomplètes et que sa nation demandait officiellement la réouverture des études d’impact pour faire le tour de la question.
Conclusion Les citoyens qui s’étaient inspirés du droit autochtone, particulièrement quant au devoir de la Couronne de consulter et d’accommoder les Premières nations, ont regagné espoir. Les citoyens de la montagne et des rivières, les citoyens du milieu possèdent, tout comme les autochtones, des connaissances traditionnelles de leur milieu. Ces citoyens comme le disait le Grand Chef Siouï lors de l’audience, sont des autochtones chez eux. Ces gens n’ont pas été décemment consultés. Sans eux, les études d’impact sont incomplètes parce que leur expertise n’est pas prise en compte. Cette situation fait craindre qu’on donne la primauté aux intérêts financiers du projet au détriment de la conservation de la biodiversité d’un parc exceptionnel à proximité de zones habitées. Il nous apparaît que la gestion de ce site ne devrait pas être de la seule responsabilité des politiciens municipaux en manque d’expertise et de ressources financières, mais de l’ensemble des citoyens du Québec. Nous avons, en tant que Nation, le devoir de protéger notre biodiversité pour les générations futures. Les citoyens du Massif du sud, appuyés des autres groupes citoyens en provenance de régions s’étendant de la Gaspésie jusqu’en Montérégie, se sont présentés au BAPE pour dire d’un commun accord que l’éolien est incompatible avec la protection de ce parc. Avant de commettre l’irréparable, les citoyens demandent à revoir le projet pour considérer de manière transparente et indépendante, l’ensemble des impacts d’un tel projet et d’y convier les savoirs traditionnels des Autochtones et des citoyens du Massif du sud. |