Nature Québec rend publique aujourd’hui une importante étude sur les milieux humides, Les milieux humides dans le sud du Québec : entre destruction et protection. Cette étude permet de comprendre pourquoi, malgré les outils mis en place et l’implication des acteurs de la conservation, le bilan de conservation des milieux humides demeure décevant. Rappelons que, dans la région de Montréal, on estime que plus de 80 % des milieux humides ont disparus.
« Il est malheureux de constater que, malgré une meilleure compréhension de leur rôle et malgré le nombre important de lois, de règlements et de programmes qui les régissent, de près ou de loin, les milieux humides continuent de disparaître à un rythme inquiétant. L’étude que l’on rend publique analyse non seulement la protection des milieux humides au Québec, mais dresse une série de recommandations afin que ces milieux bénéficient d’une meilleure conservation », explique Christian Simard, directeur général de Nature Québec.
L’étude a été réalisée par Caroline Queste, finissante du Master 2 en Fonctionnement et gestion des écosystèmes marins de l’Université du Littoral Côte d’Opale et de l’Université des sciences et technologies de Lille, sous la supervision de M. Christian Simard, directeur général de Nature Québec. Elle a également été produite grâce à des consultations auprès de plusieurs experts du milieu de la conservation au Québec.
Grâce à une recherche bibliographique étoffée, à des rencontres et à la diffusion d’un questionnaire auprès des différents acteurs de la conservation, l’étude publiée par Nature Québec a pu dresser le portrait de la protection des milieux humides québécois et en déterminer les failles. Ce qui en ressort principalement, c’est que les outils, surtout les outils législatifs, présentent des lacunes importantes : ils sont trop souvent anciens, incomplets et inefficaces. « Un des problèmes majeurs est qu’il n’y pas de définition claire et précise de ce qu’est un milieu humide dans les textes de lois au Québec. Cette situation mène à des interprétations parfois douteuses de ce que sont les milieux humides et engendre des aberrations dans l’application des lois et règlements », précise Christian Simard. Si on s’accorde pour dire que le principe d’« aucune perte nette » ne peut s’appliquer de façon absolue, on ne doit pas ouvrir la porte toute grande à toutes sortes de compromis inefficaces lorsque vient le temps de compenser les pertes encourues.
Parmi les autres failles soulevées dans l’étude, notons le manque d’outils cartographiques exhaustifs et fiables sur l’emplacement des milieux humides, le manque d’études scientifique, le manque de ressources humaines et financières et le manque de personnel formé au sein des ministères concernés, mais aussi au sein des municipalités.
« Bien que l’on ait observé certains gains dans la protection des milieux humides au cours des dernières années, la progression est trop lente. À ce rythme-là, on a peur qu’avant longtemps il n’y ait plus rien à protéger. On ne peut plus reléguer cet enjeu au second plan. Tous les acteurs doivent travailler de concert pour trouver des solutions, les environnementalistes ne doivent pas abandonner cette problématique majeure et nos gouvernements doivent cesser de faire des compromis inacceptables et doivent pénaliser de façon dissuasive les contrevenants en fonction des infractions constatées », ajoute Christian Simard. À l’aide de nombreuses études de cas, l’étude démontre la faiblesse des amendes pour les contrevenants et le manque de volonté de conservation. Ces amendes s’assimilent parfois à des coûts inhérents inclus dans les budgets de construction de quartiers résidentiels ou d’établissements commerciaux.
Afin d’améliorer la protection des milieux humides, l’étude propose dans un premier temps de mieux définir légalement les milieux humides, de manière précise et officielle afin qu’il y ait moins de confusion ou d’erreur possible lorsqu’il s’agit de défendre leur protection devant les tribunaux. Elle propose également la révision des instruments et mécanismes législatifs, l’amélioration des outils de connaissances et la planification globalisée de la conservation des milieux humides. Par ailleurs, elle encourage une poursuite des actions individuelles sur le terrain. Les propriétaires privés, les municipalités, le gouvernement et les organismes de conservation doivent continuer leurs acquisitions et leurs actions de conservation.
Rappelons qu’au Québec les milieux humides occupent plus ou moins 17 millions d’hectares, soit environ 10 % du territoire de la province. Qu’il s’agisse d’étangs, de marais, de marécages ou encore de tourbières, ce sont des écosystèmes d’une grande valeur écologique. Ils soutiennent une biodiversité riche, dont un certain nombre d’espèces reconnues comme menacées ou vulnérables.