Par Audrey Yank
Mots-clés : Gambie, changements climatiques, Centre de formation agricole de Njawara (NATC)
En Gambie, la 17e Conférence des Nations-Unies sur les changements climatiques est passée inaperçue. Les changements climatiques n’en font pas autant. Peu importe le résultat des négociations internationales de Durban, le quotidien ici suivra son court avec la pression grandissante d’un climat en transformation. Le continent africain n’émet que 2 à 3% des émissions mondiales de gaz à effet de serre. Ces pays sont pourtant parmi les plus affectés par les perturbations climatiques, y perdant jusqu’à 15% de leur PIB déjà faible. En Gambie, les agriculteurs sont les premiers à en subir les conséquences.
La grande variabilité des pluiesTous s’entendent pour dire que la saison des pluies n’est plus ce qu’elle était. Les pluies tardent de plus en plus et débutent maintenant près de 30 jours plus tard qu’il y a 40 ans. Il n’est pas rare aussi de subir une période de sécheresse en pleine saison pluvieuse ou de recevoir une pluie isolée après la saison (se terminant habituellement en septembre), risquant dans les deux cas de compromettre les récoltes. Justement, une pluie en octobre dernier a fait plisser le front des fermiers. Cette grande variabilité est une source constante d’incertitudes pour les agriculteurs, agricultrices et pour une population entière ayant une sécurité alimentaire précaire. L’érosion et la compactionPar contre, il ne pleut pas moins. Les pluies sont plus intenses, ce qui amène un autre lot de problématiques : 10 mm de pluie en une heure créé davantage de dommage que 10 mm en une journée. Cette eau qui tombe comme des clous gruge le sol sableux et sa mince couche fertile, lessivant les nutriments essentiels aux récoltes. Ce martellement compacte aussi les terres. Planter les semis dans ce sol dur devient un défi. Les graines ne réussissent pas toujours non plus à percer cette croute. La salinisation des solsLe fleuve Gambie, avec une embouchure sur l’Atlantique, a une eau naturellement salée. Cette eau filtrée par les mangroves irrigue les champs de riz aux alentours. Par contre, les pluies intenses peuvent faire déborder le fleuve. Les cultures sont donc menacées par la salinité et l’intensification de l’érosion. De plus, lors de sécheresses durant les pluies, l’eau salée remonte le long du fleuve puisque l’eau douce y est moins abondante. La salinité des sols risque ainsi d’atteindre des niveaux trop élevés. Adaptation : le passage à mode proactifLes Gambiens ont donc développés leurs méthodes pour s’adapter à ces changements radicaux dont les impacts ne feront que continuer à s’intensifier. Le Centre de formation agricole de Njawara (NATC) fait partie des organisations très actives dans le milieu. «Il s’agit de renforcer la capacité des agriculteurs à être résilients afin de réduire les risques, peu importe si c’est une année sèche ou pluvieuse», affirme Mr. Badara Jobe, directeur. «Ils incluent maintenant la gestion des risques liés aux changements climatiques dans la planification de leur ferme.» Il est donc question de diversifier les cultures. Certaines seront moins affectées. Des variétés de mil, de riz et d’arachide à la germination plus rapide ont aussi été développées afin de parvenir à maturité au cours d’une saison des pluies plus courte. Puis, d’autres variétés tardives bénéficient des pluies plus abondantes en fin de saison. Afin d’enrayer la problématique de salinisation des terres, une digue de 1.5 km a été construite le long du fleuve à la hauteur de Njawara. La digue permet de freiner l’eau salée et de retenir l’eau douce. Recouverte de plantes indigènes, elle réduit l’érosion et les arbres fruitiers contribuent à la sécurité alimentaire. Cette initiative s’inscrit aussi dans un effort régional de plantation d’arbres pour lutter contre la désertification. Joindre l’effort global: réduire l’empreinte écologiqueDes initiatives locales ont été mises en place pour réduire la déforestation et les émissions de gaz à effets de serre (aussi minimes soient-elles!). Les femmes ont adopté des foyers améliorés qui diminuent la consommation de bois lors de la cuisson. Le foyer Mayon Turboutilise aussi directement des résidus agricoles tels que les écailles de riz. Il y a 4 mois, Anthony Tabbal a mis sur pied l’entreprise Greentech. «Nous voulons réduire le rythme de la dégradation des sols et de la déforestation en produisant une nouvelle source d’énergie renouvelable » affirme-t-il. Greentech fabrique des briquettes à partir des coquilles d’arachides. Il s’agit d’utiliser un déchet disponible en grande quantité et d’en faire une ressource qui remplace le bois. NARI, l’institut national de recherche agricole, fait de même avec des plantes aquatiques envahissantes en les transformant en biocharbon pour remplacer le charbon de bois. L’énergie solaire, abondante à cette latitude, fait également partie de la solution. NATC produit son électricité entièrement à partir de panneaux solaires. Le puits du village voisin bénéficie aussi de cette technologie tout en réduisant l’effort physique des femmes. La pompe du jardin communautaire de Njawara, muni d’une éolienne, permet d’irriguer en utilisant les éléments de la nature. Ceci minimise l’utilisation du diesel, source d’énergie principale pour la production d’électricité au pays. Des projets à venir?«Nous sommes impliqués sans cesse dans le développement de pratiques agricoles qui peuvent résister à un climat en transformation et participer à en réduire l’impact si adoptées à plus grande échelle» avance M. Jobe. Ce grand visionnaire à l’heure de la retraite n’a pas terminé d’avoir des idées plein la tête. Selon-lui, les programmes de compensations de carbone devraient non seulement supporter des projets de mitigation, mais aussi le renforcement des capacités et la formation pour que les populations locales continuent d’être outillées pour faire face aux changements climatiques. Finalement, la Gambie fait preuve d’un lot d’initiatives qui témoigne d’une volonté d’agir et de faire sa part dans cette lutte globale. Agir pour survivre. Alors, qu’attendons-nous de notre côté?
Source: GaïaPresse |