Par Martine Duquette
Mots clés: Équiterre, Bombardier, São Paulo State Environment Secretariat, gouvernements régionaux, biocarburants, transport, éthanol, sécurité alimentaire, canne à sucre.
Les négociations internationales sur le climat se déroulant entre délégués de gouvernements nationaux, on entend peu parler à Durban des gouvernements régionaux et locaux. Équiterre et Bombardier organisaient ce matin, lundi 5 décembre, une conférence sur les transports avec des invités de différents paliers de gouvernement de divers pays ainsi que du secteur privé. Le représentant du São Paulo State Environment Secretariat, Monsieur Oswaldo Lucon, en insistant sur l’utilisation des biocarburants comme solution viable d’approvisionnement en énergie, a soulevé un débat important : quelle est la place de la sécurité alimentaire dans les politiques énergétiques?
L’éthanol et la flambée des prix des aliments
Monsieur Lucon a justifié le recours aux biocarburants – des combustibles faits à partir de végétaux – avec l’argument que l’État de São Paulo ne souffrait pas d’insécurité alimentaire et donc que cette question n’entrait pas dans le débat. Il est vrai que le Brésil produit de l’éthanol à partir de canne à sucre. Cette technique demande moins d’énergie pour la production que l’éthanol fait à partir de maïs, comme c’est le cas au Canada[1]. Rappelons qu’en 2008, la flambée des prix des aliments avait entre autres été causée par la spéculation en lien avec l’utilisation du maïs et de céréales comme le blé pour la production de carburants. Cette hausse des prix avait grandement aggravé l’insécurité alimentaire en Afrique. Comme quoi une absence de conséquences locales ne signifie pas une absence de conséquences globales. L’éthanol fait à partir de canne à sucre est réputé être l’un des combustibles les plus « propres » selon plusieurs organisations internationales, dont la Banque Mondiale et l’OCDE (Organisation de Coopération et de Développement Économiques). Certaines critiques soulèvent toutefois l’argument que de telles études ne prennent pas en compte les modifications à l’usage des terres dans leurs calculs de réduction d’émissions.
Le changement dans l’usage des terres
La grande crainte a l’heure actuelle concernant les biocarburants faits à partir de canne à sucre, notamment, est que la hausse des prix des carburants n’incite les gouvernements à favoriser la production de cette plante au détriment d’un usage des terres plus respectueux de l’environnement. Le Brésil est l’hôte de l’une des zones les plus riches en biodiversité au monde : l’Amazonie. La déforestation de ce milieu est un problème majeur et l’une des causes principales est le changement dans l’usage des terres. L’élevage bovin et la culture de plantes, dont la canne à sucre, sont en croissance constante et demandent donc de plus en plus d’espace agricole. Il est à craindre que les efforts pour limiter la déforestation ne soient contrecarrés par une production agricole visant à alimenter en nourriture et en énergie une population et une économie grandissantes.
La meilleure source d’énergie demeure celle non consommée
Les biocarburants ne sont une solution que dans la mesure où ils n’aggravent pas l’insécurité alimentaire en étant produits à partir de denrées comestibles comme le maïs ou le blé. De plus, ils ne doivent pas concourir à la déforestation et au changement d’usage des terres, l’une des causes principales d’émissions de gaz à effet de serre à l’heure actuelle. Les biocarburants peuvent également poser problème dans la mesure où ils peuvent donner l’impression d’être une source d’énergie propre et donc que la diminution de leur utilisation n’est pas une nécessité. Or, la meilleure source d’énergie demeure celle qu’on ne consomme pas. Il est donc rassurant de voir que l’État de São Paulo compte aussi travailler en faveur d’une réduction de la demande en carburant et l’augmentation des transports en commun et actifs.
[1]La combustion des biocarburants ne produit à elle seule pas de gaz à effet de serre. En effet, le gaz carbonique (CO2) relâché lors de la combustion a été stocké par les plantes pendant leur croissance. Il ne s’agit donc que d’un retour à l’atmosphère de CO2 déjà présent puisque le processus se déroule dans un cours laps de temps. La différence avec les combustibles fossiles se situe donc à ce niveau: les gaz à effet de serre relâchés dans l’atmosphère au moment de la combustion avaient été stockés depuis des centaines de milliers d’année. Ils s’ajoutent donc aux gaz à effet de serre actuels, pour un bilan inégalé depuis les premières mesures de comptabilisation. Les émissions des biocarburants sont explicables par l’étape de transformation en carburant.