Par Jessica Nadeau
Mots-clés : Rio+20, lois environnementales, droit international, droit commercial, convention de Bâle, Centre international de Droit Comparé de l’Environnement (CIDCE).
« Sans une Cour et des juges qui comprennent vraiment l’écologie, nous n’aurons jamais une application sérieuse des lois environnementales », constate Nicholas Robinson, professeur en droit de l’environnement à l’université de Yale aux États-Unis. L’expert lance cet appel, à l’occasion d’un congrès en marge du sommet officiel de Rio+20, réunissant des juristes du monde entier à la recherche des solutions aux problèmes juridiques qui se posent en matière de droit de l’environnement. Car même si de plus en plus d’États disposent de lois environnementales, celles-ci se heurtent souvent à des obstacles de taille, comme le droit commercial.
Compagnies versus États
Doctorant à l’Université de la Sorbonne en France, Nitish Monebhurrun témoigne de la difficulté des États à faire appliquer leurs lois environnementales en vertu du droit international qui protège les investissements. Celui-ci est « volontairement déséquilibré » en faveur des compagnies et est protégé par les traités de commerce internationaux. « Ce qui arrive généralement, c’est que les compagnies font valoir que les lois environnementales briment leur droit et (a)mènent les États devant un tribunal d’arbitrage », précise Nitish Monebhurrun. Il donne l’exemple de la compagnie américaine S.D. Myers, spécialisée dans le traitement des BPC, qui exportait les déchets canadiens vers les États-Unis. Lorsque le gouvernement du Canada a décidé d’appliquer la convention de Bâle et d’interdire l’exportation des BPC, la compagnie a poursuivi le Canada. « Dans ce cas, le Tribunal a privilégié la protection des intérêts économiques à ceux de l’environnement », déplore ce spécialiste du droit international. Il dénombre des dizaines de cas similaires chaque année à travers le monde.
La mascarade de RioPour les centaines de juristes réunis à Rio de Janeiro, il est important d’aller bien au-delà des engagements de Rio+20. Pour eux, le Sommet s’est avéré une véritable déception, avant même qu’il ne soit commencé. « Rio+20, c’est une véritable mascarade », dénonce Michel Prieur, président du Centre international de Droit Comparé de l’Environnement (CIDCE) de France et organisateur de la rencontre mondiale des juristes de l’environnement. Pourtant, les juristes s’étaient engagés dans le processus de bonne foi, assure-t-il. Ils ont répondu à l’appel de l’ONU pour participer à l’élaboration des objectifs de Rio +20. « Nous avons soumis 26 propositions juridiques pour combler les lacunes en matière de droit de l’environnement. Mais à la fin du processus, le document proposé par l’ONU est bien loin de ce que l’on pouvait attendre. »
Rien de nouveauMichel Prieur déplore que le Sommet ne serve qu’à « réaffirmer » ce qui a été décidé il y a 20 ans. « À quoi cela sert-il de dépenser des millions si c’est pour refaire ce que nous avons fait il y a 20 ans ? » Pour lui, Rio +20, c’est déjà terminé. Avec ses collègues, il se concentre sur l’après-Rio. Le CIDCE compte bien faire avancer les lois environnementales, avec ou sans nouveau traité international.
Source: GaïaPresse
GaïaPresse a pu envoyer la journaliste Jessica Nadeau à la Conférence des Nations Unies sur le développement durable à Rio au Brésil grâce à un soutien financier du Gouvernement du Québec.
|