Hier s’est tenu au Club de golf de Sherbrooke un tout premier débat électoral de la présente campagne, qui se penche exclusivement sur les enjeux environnementaux. Le Conseil régional de l’environnement de l’Estrie (CREE) a accueilli avec fierté cinq candidats provenant de quatre circonscriptions estriennes et plus d’une centaine de participants préoccupés par la question.
Les candidats participants ont été Ghislain Bolduc du Parti libéral du Québec (PLQ), dans Mégantic, Étienne-Alexis Boucher du Parti Québécois (PQ) dans Richmond, Jean L’Écuyer de la Coalition Avenir Québec (CAQ) dans Orford, Christian Bibeau de Québec Solidaire (QS) et Évelyne Beaudin de Option nationale (ON), tous deux de Sherbrooke.
Selon l’analyse qu’en fait l’animateur de la soirée, Jean-François Comeau, « les candidats ont été généreux de leur temps et de leurs promesses aux estriens. La formule axée sur le contenu a laissé toute la place aux idées plutôt qu’aux débats acrimonieux. » En effet, il est apparu que l’environnement est un enjeu central à chacune des plateformes stratégiques de ces partis, par contre, ceux-ci ne voient pas tous les choses de la même manière…
Voici quelques faits saillants de la soirée :
La véritable protection de l’environnement se fera dans un pays nommé « Québec »
Autant le candidat de Québec Solidaire, que du parti québécois et de l’Option nationale croient qu’il sera toujours difficile d’agir pour une véritable protection de l’environnement en demeurant à l’intérieur du Canada. Que ce soit au niveau de la place du Québec dans les protocoles et traités internationaux ou à travers une réglementation dont notre province n’a pas le contrôle total, les 3 partis considèrent que la souveraineté donnera une plus grande latitude au Québec dans ses actions. La CAQ et le parti libéral n’ont pas rétorqué à ces prétentions, n’ayant tout simplement pas abordé la question de la souveraineté dans ce débat sur l’environnement. Option Nationale suggérait en outre d’intégrer les principes du développement durable directement dans un acte de constitution de la nation Québécoise.
Il faut reconnaître et supporter le travail des groupes de citoyen
C’est Québec solidaire qui a été le premier à reconnaître qu’un Québec Vert passe inévitablement par le travail acharné des groupes de citoyens qui défendent corps et âme les causes environnementales. Le candidat de QS, supporté par ceux de ON et du PQ, considère prioritaire de supporter les citoyens dans leurs revendications, que ce soit par le financement ou par l’écoute active, que mme Beaudin qualifierait de « démocratie participative ». En plus de s’être impliqué dans plusieurs dossiers menés par des citoyens (gaz de schiste, mines, fluoration de l’eau), M. Boucher du PQ a fait remarquer la présence à travers les rangs de son parti de plusieurs personnalités reconnues pour leur militantiste environnemental (dont Martine Ouellette, anciennement présidente de Eau Secours et Daniel
Breton, notamment fondateur du groupe Maîtres chez-nous au 21e siècle). Encore là, les candidats du PLQ et de la CAQ se sont peu prononcés sur leur vision de l’action citoyenne, si ce n’est un commentaire de m. Bolduc à l’effet que tout projet de développement sera précédé d’une consultation du milieu.
L’avenir passe par la réduction des GES, le développement des énergies vertes et la lutte à la dépendance au pétrole
Le candidat du PLQ entend bien agir pour réduire les GES grâce à plusieurs mesures dont l’investissement dans les mesures d’efficacité énergétique, la bourse du carbone et le développement des énergies vertes, comme la conversion des fournaises au charbon à la biomasse forestière et le développement de l’éolien. Il a également rappelé les objectifs du PLQ pour la réduction de 70 % des matières résiduelles enfouies. Le PLQ et la CAQ se rejoignent dans leur volonté d’électrifier les transports, l’électricité étant LA force du Québec en matière d’énergie propre. Les candidats de QS et ON se sont montrés beaucoup plus agressifs en proposant carrément de se départir totalement des énergies fossiles à travers une stratégie d’indépendance énergétique, qui, selon ON, bannirait également l’énergie nucléaire. Des mesures d’éco-fiscalité permettraient de redistribuer des sommes pour le développement d’énergies vertes. À l’opposé, le candidat de la CAQ s’est dit ouvert à l’exploitation des hydrocarbures à l'île d'Anticosti, dans le golfe du St-Laurent, bien qu’il veuille un moratoire sur l’exploration du gaz de schiste. Par ailleurs, il rappelle l’importance de l’efficacité énergétique en proposant de revoir le code du bâtiment pour toute nouvelle construction.
Le transport…
Tous les candidats ont des propositions pour réduire la dépendance au pétrole dans le secteur du transport, en proposant notamment la mise sur pied d’un monorail (ON), des rabais à l’achat de véhicules hybrides et électriques et une autoroute à recharge électrique (PLQ) et une diversification et une amélioration du transport des personnes et des marchandises (PQ). M. L’Écuyer a mentionné une intention de remplacer les véhicules gouvernementaux par des véhicules hybrides ou électriques, une mesure d’achat responsable. Le cas concret du besoin d’améliorer le transport collectif dans l’arrondissement Rockforest-St-Élie-Deauville à Sherbrooke a été mentionné par m. Boucher.
L’inversion du flot de pétrole dans les pipelines, des conséquences locales à prévenir
Une question lancée par Jean-Pierre Gravel, du public, visait à obtenir des engagements pour que le gouvernement du Québec soutienne mieux les revendications de citoyens à faire reconnaître le danger que représenterait l’inversion du pétrole dans de vieux tuyaux potentiellement désuets, à proximité de stations de pompage où la protection est très minimaliste. Le candidat libéral se veut rassurant en affirmant que dans le cas où se ferait le projet d’inversion, toutes les mesures seraient prises pour que soit protégé l’environnement, incluant des études d’impacts obligatoires. Les candidats PQ et ON sont sensibles aux inquiétudes des citoyens dans ce dossier et si d’un côté le PQ ne souhaite pas que le gouvernement du Canada soit responsable des études environnementale et demandera un BAPE[1] sur les installations de sécurité autour de la station de pompage, ON voudrait s’attaquer directement aux lobbys derrière le projet. M. L’Écuyer s’est montré sensible à la question et donnera son point de vue lors d’une conférence de presse prévue le 24 août.
Une alimentation saine, de chez nous!
Tous les candidats souhaitent l’essor d’une agriculture durable québécoise. Les candidats ON et PQ parlent tous deux d’une politique de souveraineté alimentaire. QS, ON et PQ visent un minimum de 50 % de produits locaux dans les marchés. Pour y arriver, le PQ propose la très concrète mesure d’une politique d’approvisionnement local dans les différents ministères. QS a la même volonté, mais veut imposer cet approvisionnement local aux supermarchés, comme ce serait le cas en Ontario. Chaque parti veut poursuivre l’étiquetage… dans le cas de M. Bolduc, c’est de poursuivre l’étiquetage « produit du Québec ». Pour la CAQ, ON et QS, on va plus loin en proposant de rendre obligatoire l’étiquetage des produits OGM. La CAQ s’assurera que les produits importés se conforment aux mêmes exigences que celles des entreprises québécoises. Mme Beaudin propose de protéger notre garde-manger en déclarant les terres agricoles et l’eau « Patrimoine national ».
Des ressources naturelles qui rapportent au Québec
Le candidat du PQ a été le seul à reconnaître que le Québec ne possède pas encore les informations nécessaires pour prendre une décision éclairée sur le développement durables des ressources naturelles et de demander un débat public sur la question. Mais outre le candidat du PLQ qui martèle que le Plan nord du Québec est considéré comme le plus ambitieux et le plus environnemental qui soit, tous les partis s’entendent sur le fait que le plan actuel n’est pas encore assez profitable aux québécois. Les réponses sont un peu sorties du cadre environnemental, mais QS et PQ veulent que les redevances soient prélevées sur la valeur brute des minerais, et non sur les profits, ON prône une nationalisation des ressources naturelles, comme c’est déjà le cas avec l’hydro-électricité et CAQ vise aussi à conserver la propriété de nos ressources naturelles.
Des écosystèmes mieux protégés?
Les candidats étaient moins à l’aise à prendre des engagements face à la protection des écosystèmes et le lien a été difficile à établir entre la conservation des milieux naturels et l’adaptation aux changements climatiques. Si m. Bibeau a semblé carrément ignorer le besoin du Québec de préparer un plan d’adaptation aux changements climatiques, m. Boucher a pu reconnaître l’urgence de protéger les milieux humides et 12 % du territoire, dans chacune des provinces naturelles. Similairement à la proposition de ON qui propose de nommer l’eau Patrimoine national, le PQ veillera à octroyer le titre de Patrimoine naturel au fleuve St-Laurent, visant notamment à limiter les activités à potentiel néfaste pour la faune et la flore aquatique (transport maritime de produits dangereux). Le candidat de la CAQ propose d’inclure la biodiversité comme facteur d’évaluation dans les études d’impacts environnementaux.
La fluoration de l’eau….
Une inquiétude amenée par le Regroupement de citoyen(ne)s pour une eau saine à Richmond. Deux candidats n’étaient pas au courant de l’enjeu entourant la fluoration de l’eau potable comme mesure de prévention de la carie dentaire, une initiative de la Direction de la santé publique du Québec. La teneur des réponses des autres candidats à démontré que bien des facteurs sont à considérer et que les avis scientifiques et les statistiques sur le sujet se confrontent. La candidate ON amène un point intéressant en soulignant qu’il est désolant que des questions aussi pointues soient posées à des candidats en période électorale. Une démocratie participative telle que proposée par son parti ferait en sorte que des débats sur des questions aussi importantes pour des citoyens soient faits sur la place publique, et entendus par les gouvernements au pouvoir.
En guise de conclusion, ce sont sans surprise les partis émergents qui proposent les mesures les plus audacieuses et drastiques, bien que la CAQ demeure conservatrice dans ses engagements environnementaux. Les candidats PQ, ON et QS ont souvent remis sur la table à quelle point sont essentielles la voix citoyenne et les mouvements militants pour des actions concrètes en matière d’environnement. PLQ est fier de son legs en matière d’environnement et propose de poursuivre avec des mesures en accord avec ses réalisations des 9 dernières années, incluant la création de quelque 50 000 emplois verts.
Hubert Simard a gracieusement filmé l’événement, que vous pouvez voir ou revoir à l’adresse suivante : https://vimeo.com/48071428.
La vidéo, ainsi que des photos de l’événement seront disponibles sur le site web du CREE dès le 24 août.
Source: CRE Estrie