Rassemblés aux abord de la rivière George pour le 8e Séminaire nordique autochtone organisé par les Amis du Mushuau-nipi, des Innus de partout au Québec et au Labrador, des scientifiques québécois, des représentants de groupes environnementaux, des membres de la société civile et représentant du gouvernement se sont prononcés sur le thème «Un caribou en situation précaire, comment rallier conservation et savoir autochtone?»
Un constat évident s’en dégage : la survie du caribou migrateur est intimement liée à la vitalité de la culture traditionnelle Innue. Cet animal est effectivement au cœur des traditions, de la vie spirituelle, de la connaissance et du mode de vie ancestral et actuel des Innus du Québec et du Labrador. À ce titre, le lieu mythique du Mushuau-nipi, véritable foyer culturel où se déroulait le séminaire, apparaît comme un endroit de contact privilégié avec tout ce mode de vie.
Or, en plein Séminaire, les participants prenaient connaissance des résultats du dernier inventaire du caribou de la rivière George réalisé par le Ministère des Ressources naturelles et de la Faune. Le troupeau de la rivière George, qui comptait près de 800 000 individus il y a vingt ans, 385 000 en 2001 et, encore 74 000 en 2010, est en chute libre et passe aujourd’hui à peine la barre des 27 000 individus. « Ce nombre continuera de baisser et, bien que ce cycle soit historiquement surtout d’ordre naturel, les conditions actuelles, notamment l’accroissement de l’empreinte humaine sur l’habitat du caribou, fait en sorte que nul ne peut prédire le temps qu’il prendra à se rétablir ou même s’il se rétablira un j our » affirme Serge Couturier, spécialiste de l'étude des caribous participant au séminaire.
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Les populations de caribous migrateurs sont connues pour être cycliques, affichant naturellement des hauts et des bas dans les effectifs d’un troupeau. Ainsi, il y avait très peu de caribous migrateurs au Québec-Labrador entre 1900 et 1950, puis les nombres de caribous se sont mis à augmenter rapidement jusqu’à devenir le plus grand troupeau au monde vers la fin des années 1980. La différence aujourd’hui est que l’important développement que connaît le Nord-du-Québec, combiné avec une capacité de chasse commerciale, sportive et autochtone beaucoup plus forte que dans le passé, ont le potentiel d’affecter de façon déterminante le rétablissement de l’espèce lorsqu’elle est dans une période de faibles effectifs. Le Québec et Terre-Neuve-et-Labrador ont d’ailleurs récemment interdit la chasse sportive et commerciale du troupeau de la Rivière George.
L’une des convergences entre les savoirs scientifiques et autochtones qui est apparue durant le séminaire est la présence d’une grande zone connue comme la principale aire de mise bas du troupeau de la George pour les scientifiques, ou comme l’Atikassi (Maison du caribou) pour les Innus, où le caribou a tendance à se retraiter durant les décennies difficiles comme c’est le cas présentement. Cette grande zone, couvrant approximativement 75 000 km2, est située dans l’extrême Nord-Est du Québec et inclus le Mushuau-nipi et une partie du Labrador.
La Maison du caribou mérite maintenant toute notre attention et devient un territoire clé pour la conservation de l’espèce et pour la préservation de tout un mode de vie. Les participants du Séminaire nordique autochtone ont d’ailleurs pu observer sur place quelques centaines de caribous durant les dernières semaines, témoignant de la présence de l’espèce dans son lieu de retraite.
Suite à ce constat, les participants du Séminaire s’entendent sur le fait que la Maison du caribou mérite une reconnaissance en plus d’une planification interprovinciale et intergouvernementale concertée visant la préservation du caribou, définie dans un code de pratique stricte pour les activités de développement économique et de chasse.
Source: Les Amis du Mushuau-nipi