Les résultats de la première vente aux enchères sur le marché du carbone québécois viennent d’être annoncés : un tiers seulement des droits d’émissions de 2013 mis en vente ont été écoulés, et un quart des droits de 2016, dans les deux cas au prix plancher de 10,75 $. Plusieurs raisons peuvent expliquer ce manque d’entrain.
Premier élément, trois types d’acteurs avec un fort impact potentiel sur la dynamique du marché ont été absents. Les institutions financières d’abord, dont on aurait pu penser qu’elles se positionneraient pour couvrir les besoins de certains de leurs clients industriels. Ça n’a pas été le cas et c’est d’autant plus surprenant que RBC et Scotia Bank ont déjà fait des offres en Californie. Les distributeurs de produits pétroliers ensuite, qui auraient pu en profiter pour couvrir au prix plancher une partie de leurs gigantesques besoins en droits d’émission après 2015. Leur inaction était cependant assez prévisible, étant donné qu’ils sont toujours en phase d’observation et même d’incertitude face au règlement. Les acteurs californiens enfin, qui manifestement ne voient pas le Québec comme une opportunité rentable pour eux s’ils doivent s’inscrire au Québec, et attendent plutôt la première enchère liée prévue au premier semestre l’an prochain.
En l’absence de ces acteurs, on fait davantage face à un marché de conformité pur, court terme, avec peu d’actions de couverture. Dans ce contexte, certains éléments ont pu avoir un impact à la baisse. Premier constat, le marché québécois seul en 2013 et 2014 est à la fois très petit, peu liquide et suralloué, conclusion renforcée par la quantité importante d’allocations gratuites reçues par certains secteurs. Deuxième constat, cette enchère étant la seule pour 2013, le gouvernement a mis en vente une quantité de droits d’émission nettement plus grande que la moyenne de ce qu’on devrait retrouver dans une enchère. Troisième constat, plusieurs acteurs industriels majeurs ont exprimé publiquement avoir réduit leurs émissions à l’interne suffisamment pour ne pas devoir intervenir sur le marché dans un futur proche. C’est un succès du marché en tant qu’incitatif aux réductions d’émissions, mais cela réduit encore la demande.
D’une manière générale, le marché du carbone est plus lent à démarrer au Québec qu’en Californie, en raison d’un plus grand manque de confiance dans la pérennité du marché, et de l’absence d’obligation concrète de conformité avant novembre 2015 – contrairement à la Californie, dont l’obligation est partiellement annuelle. De plus, les récentes révisions à la baisse des projections de prix de certains analystes du marché et la grande variabilité de ces projections n’ont sans doute pas incité les acteurs à se couvrir dès aujourd’hui pour l’avenir. En Californie aussi, le prix est d’ailleurs à la baisse et proche du plancher.
Ces résultats ne nous inquiètent toutefois pas pour la viabilité à long terme du marché. Cette enchère se place en effet à un moment très spécifique et non représentatif de la suite. L’arrivée des distributeurs de produits pétroliers en 2015 et la confirmation du lien avec la Californie en 2014 vont en effet complètement changer la dynamique du marché. Le Québec est par ailleurs toujours perçu comme étant globalement acheteur de droits dans le marché lié. De plus, la confiance va peu à peu s’installer dans le marché, comme cela s’est vu en Californie.
Le marché lui-même est bien structuré, avec certains garde-fous comme le prix plancher qui empêcheront l’arrivée de scénarios catastrophiques comme en Europe, où la chute des prix est tellement drastique qu’elle peut remettre en cause la pertinence du marché du carbone comme outil de lutte aux changements climatiques. Les prochaines enchères, et notamment les enchères liées avec la Californie, devraient confirmer cette conclusion.
Source: ÉcoRessources inc.