Par Marie-Eve Cloutier
Mots-clés : Conservation, milieux agricoles, habitats fauniques, Baie-du-Febvre, SARCEL
Au début des années 1980, Louis Gagné, avocat de formation, était reconnu pour s’occuper de causes en lien avec le monde agricole dans la région de Baie-du-Febvre. Un jour, un agriculteur le contacte afin de lui demander de l’aide pour récupérer son tracteur saisi par la GRC. M. Gagné était déjà au courant de ce qui s’était passé, puisque la nouvelle avait fait les manchettes : voulant drainer son champ afin de cultiver sa terre, l’agriculteur avait malencontreusement perturbé les frayères des poissons installés au même endroit. « J’ai dit à l’agriculteur que j’allais l’aider à récupérer son tracteur puisque j’étais avocat. Mais, je lui ai également dit que ce qu’il avait fait à l’habitat du poisson n’était pas acceptable », raconte Louis Gagné, un des membres fondateurs de la Société d’Aménagement Récréatif pour la Conservation de l’Environnement du Lac Saint-Pierre (SARCEL), lors de la tenue des Ateliers sur la conservation des milieux naturels 2014, organisés par Nature Québec. Réconcilier la faune et l’agricultureIl y a 30 ans, les terres agricoles de la région du Centre-du-Québec situées en plaines d’inondation ne servaient qu’à cultiver du foin ou d’autres cultures marginales. Étant donné qu’elles se retrouvaient plus ou moins inondées tous les printemps, il était impossible d’avoir une date fixe pour planter les semis. Des inondations pouvaient également survenir l’automne lors de pluies abondantes accompagnées de forts vents. « Si un champ de blé se retrouvait submergé l’automne, on pouvait y voir les canards venir se régaler des grains. Du coup, il y avait beaucoup de chasse sur les terres privées dans le secteur, n’en déplaise aux agriculteurs », explique Louis Gagné. Jean Garon, ministre de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation de l’époque, avait lancé un programme d’autosuffisance en agriculture ce qui encouragea les agriculteurs de la région de Baie-du-Febvre à construire des endiguements pour soustraire l’eau des terres inondées, au détriment de la faune présente, ce qui ne plut pas au ministre du Loisir, de la Chasse et de la Pêche, Guy Chevrette. « Les deux ministres étaient confrontés l’un à l’autre, le premier étant pour l’agriculture et contre la faune et le second pour la faune et contre l’agriculture », se souvient M. Gagné. L’exemple de Bombay HookQuelques années auparavant, Louis Gagné était allé visiter Bombay Hook dans le Delaware, aux États-Unis. L’endroit est à la fois un refuge pour les oiseaux migrateurs et un lieu de chasse en terres privées. Lors d’un rassemblement d’agriculteurs à Baie-du-Febvre, Louis Gagné est arrivé avec cette solution, soit l’implantation d’un système afin d’assurer la gestion et l’accès des chasseurs sur leurs terres. En échange d’argent, M. Gagné s’est proposé pour assurer le respect des propriétés privées. « Une partie des revenus de la chasse ont servi à donner des cours d’interprétation de la nature pour les classes scolaires des écoles de Baie-du-Febvre. Nous avons par la suite commencé le programme d’acquisition des terres avec les agriculteurs et ce fut le début de SARCEL », indique celui qui a par la suite agi à titre de négociateur pour orchestrer l’acquisition de terres privées pour d’autres organismes au fil du temps, par exemple la Fondation de la faune du Québec. SARCEL est aujourd’hui propriétaire d’environ 350 ha et possède des servitudes fauniques sur 155 autres hectares. De plus, le premier projet du Plan Nord-Américain de gestion de la sauvagine (PNAGS) a été réalisé à Baie-du-Febvre.
Source: GaïaPresse |