Manifeste: élan global pour un nouveau modèle

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Plusieurs signataires d’un Manifeste pour un (nouvel) élan global ont tenu une conférence de presse ce midi pour essayer de relancer des idées et des objectifs laissés peut-être trop dispersés, trop flous. Je n’y étais pas, mais je l’ai signé, parce qu’il va, dans toute sa rhétorique, dans presque la bonne direction.

Le Manifeste s’exprime en fonction de l’économie, sans bien cerner ce qui est en cause. On veut «écologiser» et «humaniser» cette économie, mais il n’y a pas de véritable vision de ce qui est en cause dans notre texte. Le Manifeste critique la croissance, mais surtout la croissance infinie et à tout prix. Il y a risque que la croissance anémique voulue – désespérément recherchée – par les élus de la planète soit celle jugée nécessaire pour l’effort de donner un nouvel élan à notre société. À tort.

En effet, le parti pris pour l’économie s’insère dans la volonté de «lancer un vaste chantier de développement véritablement durable, viable, juste et équitable», mais il est clair que les critères pour ce chantier, énoncés à même l’énoncé, doivent être respectés sans rester dans le flou de l’énoncé. C’est pourtant un nouvel élan global qui est nécessaire.

 

Des précisions absolument nécessaires

La Manifeste prétend que les solutions existent, mais ne fournit aucune indication de celles-ci. Ce que nous disons est que nous devons agir dans l’espérance de pouvoir faire quelque chose, de nous tromper quant au destin que nous pensons voir se dessiner. Beaucoup de paroles frôlent la rhétorique, mais le fond et les constats sont assez solides : nous sommes dans la dèche. et devons agir.

Le seul élément précis du chemin pour l’action, partant d’une «noirceur nouvelle qui se répand», est l’objectif d’atteindre une réduction de notre consommation de pétrole de 50% d’ici 2030 et de couper nos liens avec le pétrole. Ce qu’il ne dit pas est que – à moins de poursuivre comme des enfants gâtées et ne voir que nos propres intérêts – cela est probablement la moitié de ce qui est requis. L’IRIS nous a déjà fourni l’objectif presque incontournable, une réduction de 40% de nos émissions d’ici 2020 et une baisse presque vertigineues par la suite.

Pour respecter son « espace atmosphérique », le Québec doit réduire ses émissions de CO2 de 3,6 % en moyenne, et cela pour chaque année entre 2000 et 2100. Cela implique une réduction de moitié des émissions dès 2025, par rapport au niveau de 2000. L’empreinte carbone du Québec devrait ensuite passer sous la barre des 20 Mt dès 2040.

Si on la compare avec les objectifs gouvernementaux actuels de réduction de GES, qui s’établissent à 25 % [maintenant 20 % HLM]de moins que le niveau de 1990 d’ici 2020, l’approche par budget carbone implique une action beaucoup plus ambitieuse, soit une cible de 40 % sous le niveau de 1990 d’ici 2020.

Cet élément plutôt défaillant du Manifeste, qui se veut ambitieux, donne une idée de l’ampleur de ce que nous y appelons «la transition». Déjà, le rapport de la Commission sur les enjeux énergétiques du Québec a suggéré que la maximum que nous pourrons atteindre, avec une approche réaliste, est une réduction de 15 % en 2025…

L’élan global que nous recherchons comporte beaucoup plus que des changements dans nos relations avec l’énergie fossile. Il comporte des changements radicaux dans notre façon de vivre, dans notre consommation, dans notre reconnaissance de la situation vécue par les trois quarts de l’humanité. Le deuxième chapitre que j’ai écrit pour Les indignés pour mettre en relief les indicateurs qu’il nous faut comme guides met un accent sur l’empreinte écologique et l’Indice de progrès véritable. Il donne du mordant à la volonté de quiconque s’identifie comme «objecteur de conscience» dans le contexte actuel, qui exige davantage que l’on soit «objecteur de croissance».

 

Objecteurs de conscience, objecteurs de croissance

Le Manifeste réunit les objecteurs – de conscience, de croissance – qui en même temps signifient leur refus de l’abandon. J’y suis, mais mes co-signataires, pour plusieurs, n’ont pas d’idée de l’ampleur du défi. Ils signent en insistant qu’ils vont faire ce qu’il faut, et voilà l’intérêt. Maintenant, il faut commencer par dessiner le chemin. La première étape du parcours : le Conférence des parties à Paris en décembre. Il est écrit dans le ciel que les parties ne réussiront pas à s’entendre sur une programmation qui respectera ce que le GIEC nous dit est essentiel si nou n’allons pas céder notre espérance à l’incontournable.

Cela pose d’énormes défis pour le projet de «développement durable, viable, juste et équitable», expression où le Manifeste empile tout ce qui semble bon dans notre espérance. Par contre, le langage du Manifeste semble rejeter le discours lénifiant de l’économie verte, de la croissance verte, et voilà un fondement me permettant de signer. Le Manifeste prétend que notre territoire «regorge de sources d’énergie renouvelables», presque sûrement un élément fondamental pour le développement proposé dans la tête des rédacteurs, mais passe immédiatement à des objectifs de conservation. Le texte débute, par ailleurs, en insistant sur une situation où les ressources de la biosphère sont limitées et en déclin. Pour le répéter, il veut «créer un modèle de transition écologique» sans aucune précision quant à ce qui est en cause.

Le modèle de développement voudrait peut-être donc se fonder pour certains sur de nouveaux chantiers d’énergie renouvelable. Par contre, dans un contexte où les surplus sont prévisibles pour plus d’une décennie et où de tels chantiers élimineraient les fondements de la volonté de réduire la consommation d’énergie fossile – nécessaire pour de tels chantiers –, il va falloir beaucoup d’imagination pour montrer le caractère écologique et équitable d’une telle «transition».

Le Manifeste accepte l’imaginaire de la Révolution tranquille, contre l’IRIS dans Dépossession, et ils prônent même les objectifs de Brundtland comme si rien ne s’est passé depuis 25 ans : on doit procéder «à la construction d’une économie qui permettra l’amélioration du bien-être humain et de l’équité sociale tout en protégeant l’environnement». Ce sera une économie où on consommera moins et produira mieux, comme disait-Brundtland. Un regard approfondi sur le sens de l’élan global voulu suggère – montre – que la transition «révolutionnaire» ne pourra être tranquille.

 

L’espérance presque source de désespoir

À la lecture du Manifeste, je n’arrive pas à bien cerner la «pensée unique» et la «pensée magique» qu’il cible pour identifier le changement voulu, et ma principale crainte face aux initiateurs du Manifeste est que le flou du texte se maintienne dans un flou d’action et d’engagement.

Je n’aurais pas survécu mes décennies d’engagement dans de tels efforts si j’étais porté au désespoir et, pourquoi pas, à la dépression (comme celle subie par plusieurs amis). Reste qu’il est presque désespérant de voir les groupes environnementaux et sociaux maintenir le même discours qui les a animé pendant ces décennies et contourner la nécessité de voir la nouvelle situation en face. Et que dire des 100 000 personnes que le Manifeste veut réunir?

Le Manifeste ne propose rien qui puisse ressembler à des solutions, si ce n’est que le discours en place depuis déjà trop longtemps. Maintenant que c’est lancé, il nous faut connaître les solutions, et les mettre en oeuvre.

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