Sécurité alimentaire : l’enjeu oublié de la campagne électorale

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Par Éliane Brisebois

Candidate à la maîtrise en sciences de l’environnement

 

Crédit photo: Ansgar Walk / Creative Commons

Alors que la campagne électorale bat son plein au Canada, un enjeu de taille, celui de la sécurité alimentaire, semble passer sous le radar des candidats. C’est pour remettre à l’avant-plan les enjeux liés à l’alimentation qu’a été lancée la campagne « Je mange donc je vote » par le Réseau pour une alimentation durable. Préoccupés par la situation d’insécurité alimentaire qui persiste dans les communautés nordiques du pays, un groupe de chercheurs et d’experts de plusieurs universités canadiennes lance, dans le cadre de cette campagne, un appel aux politiciens à travailler pour « une alimentation abordable dans le Nord ».

 

Myriam Fillion, chargée de cours à l’Institut des sciences de l’environnement de l’UQAM et professeure associée au CINBIOSE, est l’une des signataires de cette déclaration qui rappelle que « la proportion d’adultes chez les Premières Nations, les Inuits et les Métis dans le Nord qui connaissent l’insécurité alimentaire est entre cinq et six fois plus élevée que la moyenne nationale canadienne ». Dans le cadre de ses travaux de recherche en santé environnementale et en sécurité alimentaire, Mme Fillion a visité à plusieurs reprises des communautés de l’Arctique canadien. Elle a pu constater que l’accès à une nourriture saine y demeure difficile et surtout compromis par de nombreux changements.

 

De nombreux changements

À cause de l’éloignement et des coûts de livraison par avion, les aliments issus du marché coûtent extrêmement chers dans les régions au nord du Canada. Par exemple, une étude de 2012 démontrait que des paniers d’épicerie identiques coûtent 81 % de plus au Nunavik qu’à Québec.

 

Une part de l’alimentation des communautés inuites provient également de la chasse, la pêche et la cueillette. Ces modes d’alimentation traditionnels se voient toutefois touchés par de nombreux changements, dont la perte des savoirs traditionnels chez les jeunes générations et les changements climatiques, ce qui affecte aussi la sécurité alimentaire.

 

« Dans le Nord, le sol est formé de pergélisol, du sol congelé en permanence et, avec le réchauffement, il y a de plus en plus de zones du sol qui fondent, qui deviennent instables et qui s’affaissent, explique Myriam Fillion. Cela altère les habitats des animaux. Cela transforme aussi le territoire de chasse et l’accès au territoire. Les déplacements peuvent être difficiles quand la glace est changée et moins présente et quand le sol est affaibli, déstabilisé par la fonte du pergélisol. Les changements climatiques, en plus, comme ils exercent des effets sur les écosystèmes, peuvent affecter la distribution, puis la quantité d’espèces présentes, donc éventuellement, en ce qui a trait à la biologie des populations d’espèces centrales pour l’alimentation, il peut y avoir des impacts. »

 

Le Remote Food Network, groupe de chercheurs auquel appartient Mme Fillion, insiste pour dire que les causes de l’insécurité alimentaire dans les communautés nordiques sont multiples. «C’est un enjeu multifactoriel», précise pour sa part Myriam Fillion qui ajoute que cela « requiert une approche multiple, à plusieurs échelles et avec des acteurs différents ». Les actions doivent donc être menées aux échelles communautaire, régionale et nationale.

 

Le groupe qui signe la déclaration « Nous voulons une alimentation plus abordable dans le Nord » propose ainsi une révision complète du programme Nutrition Nord Canada dont le but est de permettre la réduction du prix des aliments périssables et nutritifs dans les communautés nordiques. Le programme avait été critiqué dans le rapport du Vérificateur Général du Canada en 2014, entre autres à propos des critères d’éligibilité qui empêche des communautés dans le besoin de bénéficier du programme.

 

La déclaration conclut qu’« il est grand temps pour le gouvernement fédéral de commencer à écouter les peuples nordiques et autochtones qui connaissent le mieux leurs besoins pour atteindre la sécurité alimentaire ».

 

 

La chercheuse Myriam Fillion et Lauren Goodman, conseillère senior en politiques sur la sécurité alimentaire à Inuit Tapiriit Kanatami, donneront une conférence sur le sujet de la sécurité alimentaire dans l’Arctique canadien le mardi 13 octobre prochain à 12h15, à la Maison du développement durable. Cette conférence est présentée dans le cadre d’un partenariat entre l’Institut des sciences de l’environnement de l’UQAM, la Maison du développement durable et le Conseil régional de l’environnement de Montréal. Informations :

http://montreal.murmitoyen.com/detail/626950-promouvoir-la-securite-alimentaire-dans-un-arctique-en-changement

 

Source : GaïaPresse 

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