Par Éliane Brisebois
Candidate à la maîtrise en sciences de l’environnement
C’est un fait reconnu: les populations de la région du Nunavik sont quotidiennement exposées dans leur environnement et par leur alimentation à des contaminants, comme les métaux lourds et les organochlorés. Si plusieurs recherches ont démontré que cette exposition affecte les reins, la santé cardiaque, la densité osseuse, etc., d’autres études se penchent plutôt sur les impacts que cela peut avoir sur la santé cérébrale et neurologique.
Le spécialiste en neuropsychologie Dave Saint-Amour fait partie des chercheurs qui s’intéressent à cet aspect. Professeur au département de psychologie de l’UQAM et titulaire de la Chaire UQAM en neuropsychotoxicologie environnementale, il fait partie d’une des équipes de recherche de la Nunavik Child Development Study. Menée depuis plusieurs années et toujours en cours, cette étude sur la santé des enfants inuits vise à comprendre l’impact des contaminants environnementaux sur le développement d’une personne exposée en période prénatale et depuis la naissance. Une cohorte d’une centaine d’enfants — qui ont aujourd’hui autour de 18 ans — est donc suivie par les chercheurs depuis la naissance.
«Je suis arrivé [dans le projet de recherche]quand les enfants avaient 5 ans. J’ai été intégré à un groupe de chercheurs de l’Université Laval quand ils voulaient mener des tests neurologiques et avant cet âge, il est difficile de faire de tels tests», raconte en entrevue Dave Saint-Amour. Dans les premières années de l’étude, les chercheurs se déplaçaient au Nunavik. Maintenant, ils font venir les jeunes participants à Montréal, car c’est là que se trouvent les appareils pour faire les tests.
Électrophysiologie et autres tests
C’est un peu par hasard que le neuropsychologue en est venu à s’intéresser aux enjeux de contamination environnementale. «L’équipe de l’Université Laval voulait ajouter un volet neurologique à l’étude et voulait faire de l’électropsysiologie.» M. Saint-Amour, qui était à l’époque en train de rédiger sa thèse de doctorat, avait justement développé une spécialité dans ce domaine, qui consiste en l’étude de l’activité bioélectrique des tissus vivants. «L’électrophysiologie est peu utilisée par les chercheurs en épidémiologie et pourtant, cela peut donner des informations plus subjectives que les tests “papier-crayon” qui sont habituellement utilisés dans ces contextes», explique-t-il. De plus, comme les chercheurs et les participants ne parlent pas la même langue, les tests visuels s’avèrent plus «universels» que d’autres types d’examens.
M. Saint-Amour a alors développé des tests visuels qui permettent d’avoir des données sur l’intégrité structurelle et fonctionnelle des différentes régions du cerveau des jeunes participants. «Comme un tiers du cerveau est utilisé pour l’analyse visuelle, il y a du potentiel pour faire des associations entre l’effet de l’exposition aux contaminants et les résultats des tests visuels.»
Tout cela sert à vérifier, entre autres, dans quelle mesure les toxines environnementales présentes dans le corps peuvent affecter la régulation des émotions. «On pense que certains contaminants peuvent l’affecter, surtout les métaux lourds.» «Plein d’études ont prouvé que les contaminants affectaient les fonctions motrices et cognitives, mais pas nécessairement la régulation des émotions.» Des déficits dans le développement des enfants inuits, ainsi que des problèmes d’apprentissage, et des perturbations du traitement de l’information sensorielle ont en effet été constatés.
Les outils et tests développés par le professeur Saint-Amour et ses collègues pourront être appliqués sur d’autres populations dans d’autres contextes d’étude des effets neuropsychologiques des contaminants environnementaux. Cela a justement servi avec une cohorte exposée aux pesticides en Bretagne, une région française où il y a une forte activité agricole.
Pour ce qui est de la Nunavik Child Development Study, les travaux en cours ne permettent pas encore la publication de tous les résultats. Il reste du travail à abattre pour les chercheurs comme Dave Saint-Amour. Car si les connaissances et les techniques pour appréhender l’altération de la santé cérébrale par des toxines environnementales s’additonnent, les mystères entourant ces enjeux restent grands.
Pour en savoir plus
Dave Saint-Amour est conférencier à la Maison du développement durable aujourd'hui à 12h15. Sa conférence Cerveau humain et contaminants environnementaux est présentée dans le cadre d’un partenariat entre l’Institut des sciences de l’environnement de l’UQAM, la Maison du développement durable et les Conseil régional de l’environnement de Montréal. Informations à http://montreal.murmitoyen.com/detail/650238-cerveau-humain-et-toxines-environnementales
Source: GaïaPresse
Crédit photo : André Perron / Creative Commons