Les bienfaits multiples du verdissement urbain : Les ruelles vertes sous la loupe

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Le concept de «villes durable» de plus en plus utilisé dans le discours des villes met en lumière un aspect important : celles-ci, avec l’aide de leurs citoyens et citoyennes, doivent devenir des actrices centrales de la transition écologique.

Dans ce contexte, les efforts des villes s’établissent sur une multitude d’enjeux environnementaux : aménagement urbain, augmentation de la végétation, mobilité douce, qualité environnementale, urbanisation, densification, etc. Sur l’île de Montréal, l’effort de verdissement passe par plusieurs initiatives, parfois citoyennes, parfois institutionnelles. Les ruelles vertes sont une de ces initiatives qui suggèrent une prise de conscience des bienfaits du verdissement en ville. En effet, une recension de toutes les ruelles vertes de Montréal effectuée à l’été 2015 montre une augmentation drastique de ces projets à partir de 2007. Malgré ce constat, force est d’admettre que la littérature concernant les effets des ruelles vertes sur les riverains n’existe à peu près pas. Le mémoire que je rédige actuellement dans le cadre de la maitrise en sciences de l’environnement de l’UQAM constituera une contribution en ce sens.

Les effets de la végétation et l’être humain

Bien que les ruelles vertes ne se soient pas fortement imposées comme objet de recherche dans la littérature scientifique, celle-ci regorge d’articles qui traitent des effets de de la végétation sur l’être humain. D’un point de vue écologique, on s’intéresse entre autres aux bienfaits des arbres en ville qui permettent une captation du CO2 dans l’air ambiant ou à la réduction des conséquences néfastes des îlots de chaleur et du bruit excessif en ville. D’un point de vue psychologique, l’intérêt sera centré sur la végétation ayant des conséquences sur l’apaisement du stress et la régénération de la capacité d’attention.  Finalement, l’approche sociologique se penche plutôt sur les perceptions des espaces verts et les interactions qui y prennent place. Les trois approches ont un élément en commun, il traite du concept de « bien-être » des individus sans toujours en donner une définition claire. Ajoutons à cela que ces études priorisent généralement des terrains de recherche large, comme des parcs et des boisés urbains. Les espaces réduits, comme les ruelles, sont rarement vus comme des espaces verts légitimes. Une analyse en ce sens permet de se questionner sur la différence entre les effets des espaces verts larges et ouverts, et des espaces verts réduits sur les individus.

Se pourrait-il que la largeur de l’espace vert vienne influencer le bien-être des gens qui s’y trouvent? On doit tout d’abord se demander ce qu’entendent les chercheurs quand ils parlent de bien-être. Étudier le bien-être c’est d’abord se poser la question, qu’est-ce que le bien-être? Ou plutôt, qu’est-ce que le bien-être et pour qui? Au lieu d’en donner une définition théorique, une des manières de travailler avec le concept est de demander au citoyen urbain de définir ce que le bien-être est pour lui, ou encore – et c’est ce que j’ai fait – lui demander ce qui fait qu’il se considère bien dans la ruelle verte. Ce sont effectivement les représentations sociales du bien-être qui entrent ici en jeu, c’est-à-dire la manière dont un individu perçoit son propre bien-être, mais aussi le concept en tant que tel. Cette façon de faire interpelle les approches psychologique et sociologique précédemment mentionnées. L’emphase est alors mise sur les interactions des participants avec leur milieu de vie (la ruelle) ainsi que les émotions qui en découlent : comment l’individu se représente-t-il ses émotions dans le contexte? Comment se représente-t-il ses interactions?

Puisque ce sont des perceptions collectives qui sont ici en jeu, c’est avec l’aide des méthodes qualitatives qu’il devient possible de recueillir les représentations sociales des individus. En ce qui me concerne, ma recherche utilise principalement les méthodes de l’entretien et de la photographie (sociologie visuelle). Les questions posées aux entretiens peuvent être regroupées en cinq catégories : l’utilisation de la ruelle, la transformation de la ruelle, les interactions sociales dans la ruelle, la perception du verdissement et le rapport à la nature. La méthode photographique qui est utilisée est nommée photo élicitation. Cette approche consiste à demander à chaque participant de prendre eux-mêmes les photos. Dans le contexte de la recherche, il est demandé de prendre trois photos dans la ruelle qui représentent pour eux le bien-être au sein de celle-ci. Le tout permet aux participants de décrire leurs perceptions et aussi de les imager.

Les ruelles vertes : un terrain de recherche avec une dynamique complexe

Dès le premier entretien, j’ai constaté la complexité de la dynamique des ruelles vertes. Il n’est pas possible d’effectuer une recherche sur les représentations au sein de celles-ci et de ne parler que de verdissement. Cet aspect n’est seulement qu’une partie de ce que représentent les ruelles vertes pour ceux et celle qui l’utilisent quotidiennement. Ainsi, plusieurs participants m’ont mentionné que la raison première de transformer leur ruelle, avant le verdissement, a été d’empêcher ou de diminuer la circulation automobile, autre que locale. D’ailleurs, la qualité des interactions sociales dans le cadre de celles-ci dépendra de plusieurs variables. D’abord, le nombre de riverains intéressés à avoir une ruelle verte et à s’impliquer dans le projet influencera drastiquement les interactions à venir. Un riverain d’une ruelle verte dont le succès fût mitigé m’a dit que sur les 200 riverains de la ruelle, quinze uniquement se sont joints au projet. Le groupe d’organisateurs se retrouvant éventuellement à 5 membres impliqués. Ce constat sur l’implication a été partagé par plusieurs intervenants : « ce sont toujours les mêmes qui s’impliquent ». Toutefois, comment expliquer que certains ont la capacité de passer cette limitation et de créer des liens étroits entre eux? Le statut social des individus qui crée des liens y est pour beaucoup. En effet, les riverains avec des enfants ont semblé avoir plus de facilité à créer des liens avec les autres résidents ayant eux aussi des enfants. La raison en est bien simple, les ruelles vertes sont utilisées comme une alternative aux parcs pour les parents. Ils se retrouvent donc souvent tous ensemble au sein du même contexte.

 

 

Qu’en est-il du verdissement dans tout cela? Et bien on retrouve dans les différents discours des riverains d’abord des commentaires sur les effets esthétiques et écologiques (îlots de chaleur) que possède la végétation dans leur ruelle. En s’y attardant un peu plus, on observe que la végétation a pour effet la création de liens entre voisins. De la mise en terre d’arbustes, à l’entretien de petits potagers, les participants mettent souvent en relief le fait que ces activités permettent un contact direct avec les autres résidents. Dans le même ordre d’idée, les effets psychologiques de la végétation ne sont jamais directs. C’est-à-dire que peu de participants affirment que la végétation de leurs ruelles les apaise, sans nécessairement dire le contraire. En fait, l’effet d’apaisement apparaitra à l’aide d’un intermédiaire. Par exemple, la pratique d’une activité incluant la végétation, comme le jardinage, les corvées de ruelles ou la plantation de végétaux. Les bienfaits sociaux et psychologiques de la végétation s’entremêlent ici au sein de ces activités.

Au final, il est encore trop tôt – dans le cadre de cette recherche – pour donner une explication définitive concernant la représentation du bien-être des riverains dans les ruelles vertes. Toutefois, on peut déjà avancer qu’elle est beaucoup plus positive quand le verdissement s’accompagne d’activités qui renforcent les relations de voisinage. On peut alors parler de verdissement social.
Crédits photos : Écoquartiers        

Jonathan Reeves-Latour
Finissant à la maîtrise en sciences de l’environement de l’UQAMFinissant à la maîtrise en sciences de l’environnement de l’Université du Québec à Montréal, il s’intéresse principalement aux bienfaits socio-psychologiques de la végétation urbaine. Possédant aussi un baccalauréat en sociologie de cette même université, il travaille activement à démontrer l’utilité pratique derrière les recherches en sciences sociale.
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