Réforme fédérale de la loi sur l’évaluation environnementale : une participation du public nécessaire

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Alors que l’administration Trudeau veut faire oublier l’ère Harper, son gouvernement espère pouvoir procéder à une rénovation profonde de l’actuelle loi sur l’évaluation environnementale, dont la dernière modification remonte à 20121. Les experts et le gouvernement s’entendent pour affirmer que la loi nécessite une refonte complète étant donné les constats : l’actuelle version ne répond non seulement pas aux enjeux sociaux et environnementaux, mais également aux besoins économiques des projets présentés.

La réforme des processus d’évaluation environnementale par ce comité d’experts se fait en parallèle avec la modernisation de l’Office nationale de l’énergie, le rétablissement des mesures de protection éliminées et l’intégration de mesures de protection modernes à la Loi sur les pêches et à la Loi sur la protection de la navigation.

Un comité d’experts a donc été mis sur pied, constitués de deux femmes et deux hommes, dont l’ancienne Commissaire du Bureau d’audience publique sur l’environnement (BAPE), Madame Johanne Gélinas, agissant à titre de présidente. Le comité compte également un ancien sous-ministre et ancien président de l’Association minière de Colombie-Britannique, Monsieur Doug Horswill, un spécialiste en droit de l’environnement, Monsieur Rod Northey, et une avocate malécite, Madame Renée Pelletier2.

Les membres du comité veulent entendre les canadiens sur ce qui fonctionne dans les actuelles démarches d’évaluation environnementales et ce qui ne fonctionne pas. Plus particulièrement, il est demandé aux participants de ces consultations de faire ressortir les meilleures approches et d’amener des exemples des réussites et échecs de l’actuelle loi2.

Dans l’optique de ramener la confiance des canadiens envers les processus d’évaluation environnementale fédérale, le comité d’experts cherche à connaître l’impact de telles procédures sur les enjeux sociaux, environnementaux et économiques. Des critères temporels, culturels, territoriaux, et légaux sont notamment identifiés. On se demande aussi qui est en mesure de prendre la charge de ces processus et comment respecter les types de juridictions impliquées dans les projets.

En mai 2016, un Sommet sur la réforme de l’évaluation environnementale fédérale s’est tenu à Ottawa, impliquant des chercheurs, des artisans et experts de l’évaluation environnementale et des groupes environnementaux. Douze (12) principes ont été dégagés afin d’orienter la réforme sur des priorités à cibler3 :

1.     Le développement durable comme objectif essentiel

2.     Des évaluations intégrées, à plusieurs niveaux et débutant par les niveaux stratégique et régional

3.     L’évaluation des effets cumulatifs devrait être effectuée régionalement

4.     La collaboration et l’harmonisation

5.     Co-gouvernance avec les nations autochtones

6.     Des évaluations climatiques pour atteindre les objectifs climatiques canadiens

7.     La crédibilité, la transparence et l’imputabilité tout au long du processus

8.     La participation citoyenne

9.     Des flux d’information transparente et accessible

10.  Assurer la durabilité après l’évaluation

11.  La prise en considération de la meilleure option parmi une gamme d’alternatives

12.  Mettre l’emphase sur l’apprentissage

 

Le Centre québécois du droit de l’environnement (CQDE) endosse les conclusions de ce sommet sous réserve du respect des compétences et processus distincts du Québec4. À titre d’exemple, Me Karine Péloffy, directrice du CQDE, a souligné qu’avec le Bureau d’audience publique en environnement (BAPE), le Québec possède un outil unique au Canada, bien qu’imparfait, notamment en raison du peu de pouvoir dont il dispose5. Suite à la soumission de certains projets au BAPE, celui-ci ne peut en effet qu’émettre des recommandations, le pouvoir discrétionnaire du Conseil des ministres s’assurant de la décision finale de l’acceptation des projets. Il est aussi mis de l’avant que le Québec a tout intérêt à ne pas rester silencieux dans les démarches de la réforme et que des cas de mauvaise collaboration ont par le passé entaché les processus multi juridictionnels (tel que pour les démarches entourant les ports de Québec6 et de Saguenay7)5.

Des consultations par le comité d’experts se déroulent actuellement dans tout le Canada, concentrées dans les métropoles et capitales provinciales, ce que dénoncent donc certains opposants, qui estiment que les régions sont écartées du processus de consultation alors qu’elles en subissent les principales répercussions5. De plus, les délais imposés frisent l’impossible, les audiences se déroulent dès la semaine prochaine au Québec, soit le 24 octobre à Québec et le 26 octobre à Montréal, et la date limite de dépôt des mémoires est fixée au 18 décembre 2016. Le comité espère ainsi déposer un rapport dès janvier, ce qui est très optimiste, mais qui sollicite une forte contribution du public.

Pour s’inscrire aux consultations (Québec et Montréal):

Le panel : http://eareview-examenee.ca/fr/participate/presentations-to-the-panel/

Les ateliers de groupes : http://eareview-examenee.ca/fr/participate/public-workshops/

 

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1  Pour consulter l’actuelle loi canadienne sur l’évaluation environnementale (2012) L.C. 2012, ch. 19, art. 52, en vigueur le 6 juillet 2012 :

http://laws-lois.justice.gc.ca/fra/lois/c-15.21/TexteComplet.html

2Pour consulter les détails des consultations et des thèmes qui sont abordés, vous êtes invités à visiter le site internet du comité d’experts : http://www.eareview-examenee.ca/fr/

3 Pour plus de détails sur les « douze piliers d’un nouveau régime visionnaire en matière d’évaluation environnementale au Canada » :

Johnston, Anna. (2016) Le Sommet sur la réforme de l’évaluation environnementale fédérale – Sommaire exécutif. West Coast Environmental Law. Récupéré de https://cqde.org/wp-content/uploads/2016/08/Sommaire-executif-sommet-evaluation-environnementale-federale.pdf

4CQDE. (2016) Un sommet d’experts livre des recommandations clés pour la refonte de l’évaluation environnementale du Canada. Blog du CQDE. Ottawa, Ontario, Canada, 29 août 2016. Récupéré de https://cqde.org/un-sommet-dexperts-livre-des-recommandations-cles-pour-la-refonte-de-levaluation-environnementale-du-canada/

5Centre québécois du droit de l’environnement (CQDE) et le Regroupement national des conseils régionaux de l’environnement du Québec (RNCREQ). (2016, octobre) Webinaire sur la réforme de l’évaluation environnementale fédérale. 18 octobre 2016.

6Cloutier, Patricia (2015, 12 août) À l’Agence canadienne d’évaluer l’agrandissement du port de Québec. Le Soleil. Récupéré de http://www.lapresse.ca/le-soleil/actualites/environnement/201508/11/01-4892007-a-lagence-canadienne-devaluer-lagrandissement-du-port-de-quebec.php?utm_categorieinterne=trafficdrivers&utm_contenuinterne=cyberpresse_vous_suggere_4912098_article_POS4

7 Shields, Alexandre (2015, 23 décembre) Québec autorise un projet minier sans évaluer le port qui sera construit. Le Devoir. Récupéré de http://www.ledevoir.com/environnement/actualites-sur-l-environnement/458640/saguenay-quebec-autorise-un-projet-minier-sans-evaluer-le-port-qui-sera-construit

Amélie Turcot

Géographe formée à l’UQTR et finissante à la maîtrise en sciences de l’environement de l’UQAM

Elle étudie présentement la gestion intégrée du fleuve Saint-Laurent et s’intéresse à l’implication des communautés dans la gouvernance des territoires.

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