Apparemment, les entreprises d’énergies fossiles protègeraient les rivières et les bassins hydrographiques par l’extraction de pétrole. C’est du moins ce que prétendent des commentaires affichés sur la page Facebook de la Fondation David Suzuki et ailleurs. Ils disent entre autres : «Le niveau de contamination occasionné par l’extraction est de loin inférieur à celui qui serait enregistré si on laissait le pétrole dans le sol polluer les cours d’eau.»
La «logique» des climatosceptiques et des anti-environnementalistes est souvent déconcertante. La personne qui a affiché ce commentaire ne se présente pas comme une spécialiste du domaine. En revanche, l’anti-environnementaliste canadien Patrick Moore capitalise sur son diplôme en sciences et sa longue association avec Greenpeace pour se faire le complice des industries polluantes. En 2011, il a déclaré au Vancouver Sun que les entreprises pétrolières «laissaient le sol plus propre qu’elles l’avaient trouvé parce qu’elles en extrayaient le pétrole.»
Faits alternatifs et fausse expertise
Ceux qui enrobent leurs «faits alternatifs» d’un vernis d’«expertise» ont souvent recours à cette logique distordue. Prenons la pétition qui a pressé le président Donald Trump de retirer les États-Unis de la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques.
Richard Lindzen, auteur de la lettre et climatosceptique dont les thèses ont souvent été réfutées, déclare que «plus de 300 éminents scientifiques et d’autres spécialistes du monde entier» ont signé la pétition. Quel genre «d’éminents scientifiques» pourraient bien signer un document qui prétend que le dioxyde de carbone «n’est pas un élément polluant, mais un atout majeur pour l’agriculture et pour d’autres formes de vie sur terre» et que «le réchauffement occasionné par une augmentation du CO2 dans l’atmosphère sera bénin»?
L’idée que le CO2 soit à peine plus qu’un nutriment pour les plantes est courante dans les cercles climatosceptiques. Elle a été poussée récemment par le Heartland Institute américain, ses promoteurs inféodés à l’industrie comme les Canadiens Patrick Moore, Tom Harris et d’autres. Dans un livre paru en 2014, deux signataires de la lettre à Donald Trump, Madhav Khandekar, scientifique retraité d’Environnement Canada et Cliff Ollier, professeur australien de géologie lui aussi retraité, ainsi que Arthur Middleton Hughes, consultant en marketing direct, ont écrit que le monde devrait augmenter la combustion de charbon pour «produire de l’électricité et augmenter le CO2 dans l’atmosphère.» Ils ont aussi plaidé en faveur d’un usage accru du pesticide DDT.
Nous avons déjà dénoncé cet argument en faveur du CO2. Il fait abstraction de la pollution occasionnée par la combustion du charbon et d’autres ressources fossiles, ainsi que de la complexité et de l’interrelation des systèmes naturels. Beaucoup de plantes ont besoin de CO2, mais cela n’implique pas qu’une quantité accrue de CO2 soit meilleure ni que le CO2 soit le seul facteur dans la croissance d’une plante. Des études démontrent que la hausse des températures freine souvent la croissance et la valeur nutritive des plantes. De plus, les sécheresses, les inondations et d’autres phénomènes météo imprévisibles extrêmes provoqués par les changements climatiques ne sont pas bénéfiques à l’agriculture et à la croissance des plantes. Nous avons aussi besoin d’oxygène pour vivre, mais un excès d’oxygène peut être toxique.
Au fait, qui sont ces «300 éminents scientifiques et autres spécialistes» qui ont signé une telle aberration non scientifique ? Comme M. Khandekar, plusieurs sont acoquinés avec le Heartland Institute, financé par l’industrie, ce même institut qui a fait la promotion du tabac et comparé les climatologues à Unabomber et Charles Manson.
Une enquête du DesmogBlog a décrit ces 300 personnes comme des «médecins, des hommes de l’ombre, des cadres du charbon, des ingénieurs pétroliers, des économistes et des membres de groupe de réflexion. Seuls quelques-uns d’entre eux pourraient être vaguement considérés comme «qualifiés» ou «éminents»
-mais pas en climatologie.» Beaucoup ne présentent aucune affiliation à un domaine ou à un établissement universitaire. Le Canada est représenté par des gens comme MM. Khandekar et Moore.
M. Moore a même déclaré une fois que les glaciers étaient des «zones mortes» et que nous vivrions mieux sans eux! Un bel exemple de logique tordue!
Il est vrai que les plantes ne poussent pas sur les glaciers. Par contre, ils abritent des microorganismes et d’autres formes de vie. Affirmer que «la glace et le gel sont des ennemis de la vie» est une absurdité. Nous avons tous besoin d’eau pour vivre.
Un autre signataire, William Happer, professeur de physique à la retraite, a été pressenti comme conseiller scientifique du président Trump. Greenpeace lui a tendu un piège dans lequel il a accepté d’écrire un article vantant les mérites du charbon et de falsifier son évaluation par les pairs.
Les gens qui publient des commentaires erronés sur Facebook peuvent tout simplement être mal informés ou victimes de désinformation. Toutefois, il est difficile de ne pas conclure que de nombreux soi-disant experts mentent de façon délibérée. Quiconque a la moindre culture scientifique et a été exposé aux tonnes de preuves du réchauffement climatique d’origine humaine et de ses conséquences, recueillies pendant des dizaines d’années dans le monde entier, ne se laisserait pas berner par des thèses aussi facilement réfutables.
Dans cette ère de post-vérité et avec un gouvernement américain climatosceptique, ceux qui veulent garder l’humanité assujettie à des technologies dépassées et polluantes connaissent un regain d’énergie. C’est à nous tous de dénoncer toute cette désinformation et de mettre l’humanité sur la voie d’un avenir plus propre et plus sain.
Traduction : Michel Lopez et Monique Joly
Source : Fondation David Suzuki