«Le béton ne remplit pas le ventre», se plaint Alessandra Korap, indienne brésilienne de l’ethnie Munduruku, venue à Brasilia pour dénoncer la construction d’un gigantesque barrage en pleine forêt amazonienne.
Cette semaine, plus de 3.000 indiens issus de tribus de plusieurs pays d’Amérique Latine campaient autour des symboles du pouvoir de la capitale du Brésil pour réclamer la reconnaissance de leurs coutumes et de leurs territoires face aux menaces de la déforestation et de l’agro-business.
La 14e édition du rassemblement «Terre Libre» a été marquée par des conférences et des rituels en public, mais aussi par des manifestations qui ont tourné à l’affrontement avec la police.
Mardi, l’esplanade située devant le parlement a été le théâtre de scènes surréalistes: des dizaines d’indiens armés d’arcs et de flèches repoussés dans un nuage de gaz lacrymogène alors qu’ils portaient de faux cercueils représentant leurs congénères tués ces dernières années.
Droits bafoués
Territoires grignotés par de grands projets d’infrastructures, menaces d’exécution venant de grands propriétaires terriens: les problèmes ne datent pas
d’hier. Mais depuis l’arrivée au pouvoir en 2016 du président conservateur Michel Temer, épaulé par un Parlement où le lobby de l’agro-business compte de nombreux relais, les autochtones se sentent plus menacés que jamais.
«Je n’avais jamais vu un Parlement aussi conservateur, avec autant de préjugés contre les minorités», souligne Alvaro Tucano, d’une tribu installée près de la frontière avec la Colombie et le Venezuela.
«Au Brésil, les droits des indiens sont bafoués à cause de l’influence d’hommes politiques et de chefs d’entreprise qui voient avec convoitise la richesse de nos territoires. Et c’est le cas dans toute l’Amérique Latine», dénonce Candido Mezua, de la tribu panaméenne Emberá.
Selon le dernier recensement, datant de 2010, 896.000 indiens de 305 ethnies vivent au Brésil, 0,4% d’une population totale de plus de 200 millions d’habitants. Ils occupent 12% du territoire, la plupart dans la région amazonienne, au nord du pays. Mais ces terres, censées leur être réservées, sont de plus en plus souvent mordues par l’expansion agricole, dans des conflits parfois teintés de sang.
En 2015, au moins 137 indiens ont été assassinés au Brésil, 891 depuis 2003, d’après les chiffres du Conseil Indien Missionnaire (CIMI), une ONG catholique locale.
Source: FranceSoir