À la suite d’une analyse des résultats de l’étude détaillée par la Commission des transports et de l’environnement du projet de n°132 : Loi concernant la conservation des milieux humides et hydriques, le Centre québécois du droit de l’environnement (CQDE) déplore que, contrairement à ses recommandations, la commission n’a pas apporté d’amendements au projet de loi ayant pour effet d’assurer sa mise en œuvre dans les meilleurs délais.
« Le CQDE tient à souligner plusieurs amendements apportés au projet de loi suite à son intervention qui ont ramené les bassins versants au cœur de la conservation des milieux humides et hydriques (MHH) à titre d’unité territoriale pertinente pour l’administration de la loi. Bien que certaines questions de hiérarchisation des unités territoriales demeurent, le CQDE se réjouit que son intervention ait ainsi contribué à bonifier le projet de loi n°132. Par ailleurs, des écueils demeurent quant à la mise en œuvre ainsi que pour la restauration des MHH. » avance Me Prunelle Thibault-Bédard, avocate et administratrice du CQDE.
Accompagner la loi d’échéances
Dans son mémoire sur le projet de loi n°132, le CQDE félicitait le Ministère du Développement durable, de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques (MDDELCC) de proposer l’établissement d’un régime juridique complet et réfléchi pour faire face à la problématique urgente de la destruction des MHH. Il mettait toutefois le gouvernement en garde contre le risque que le projet de loi ne produise pas les effets attendus s’il n’est pas assorti d’échéances et autres mécanismes contraignants. À ce titre, le CQDE recommandait notamment que l’entrée en vigueur de la Loi sur la conservation des MHH s’accompagne de l’imposition d’un moratoire sur les projets réalisés en MHH en attendant l’adoption des plans régionaux concernant les MHH.
Le projet de loi prévoit un délai de cinq ans suivant l’entrée en vigueur de la loi pour l’adoption de ces plans. Ce sont là cinq années durant lesquelles des projets entrainant la destruction des MHH pourraient continuer d’avoir lieu en l’absence de la nécessaire connaissance préalable du territoire que procureront les plans.
Un moratoire
Pour Me Thibault-Bédard, « l’imposition d’un moratoire aurait constitué une mesure efficace pour inciter les MRC à faire preuve de diligence dans l’adoption de leur plan régional des MHH. Le refus du gouvernement d’imposer ce moratoire fait craindre au CQDE que le nouveau régime juridique de conservation des MHH proposé par le projet de loi, bien que louable à plusieurs égards, ne permettra pas de freiner la destruction des MHH. Effectivement, sans les plans régionaux des MHH, nous risquons de détruire des MHH présentant un intérêt particulier pour la conservation, de sous-estimer les effets cumulatifs de plusieurs projets dans un même bassin versant, ou encore tenter de restaurer des MHH qui ne correspondent pas aux priorités écologiques de la région.»
Pour Me Jean-François Girard, avocat, biologiste et ambassadeur pour le CQDE, « Les inondations historiques du printemps 2017 sont un triste constat des conséquences désastreuses que peut avoir tout retard dans la mise en œuvre de mesures de protection de zones écologiques sensibles. En effet, la mise en œuvre de la Politique de protection des rives, du littoral et des plaines inondables par les municipalités et MRC a accusé d’importants retards, poussant même le MDDELCC à intervenir en 2013 afin de rappeler à l’ordre certaines municipalités et MRC qui n’avaient toujours pas intégré à leur réglementation les cotes d’inondations révisées de 2005. Fort est à parier qu’il faudra retourner à la table de travail dans dix ou quinze ans afin de discuter à nouveau de protection des milieux humides car les objectifs du projet de loi n’auront pas été atteints. »
Le CQDE avait également recommandé des mesures visant à contraindre les autorités responsables à respecter des échéances strictes dans la réalisation des projets de restauration ou de création de MHH. Plus précisément, il recommandait que l’autorisation d’un projet entrainant la destruction d’un MHH soit conditionnelle à la conclusion d’une entente pour la réalisation d’un projet de restauration ou de création de MHH visant à compenser les effets du projet autorisé. Subsidiairement, il recommandait également que le projet de loi impose un délai maximum au ministre pour conclure une entente pour la réalisation d’un projet de restauration ou de compensation des MHH suite à la délivrance d’une autorisation. Ces recommandations n’ont pas été retenues, ce qui fait craindre à Me Thibault-Bédard que « les contributions financières aillent s’accumuler dans une cagnotte sans que, sur le terrain, les projets de restauration soient réalisés au même rythme que les projets détruisant les MHH. »
Source : Centre Québécois du Droit de l’Environnement