On le surnomme le père de la simplicité volontaire. Il y a une trentaine d’années, l’ex-médecin Serge Mongeau a été l’un des premiers à dénoncer les travers de notre société d’abondance et à amorcer une réflexion sur notre mode de vie axé sur la surconsommation. Le Soleil lui a rendu visite, dans son nouveau quartier de Montréal-Nord, où plus que jamais le septuagénaire vit en symbiose avec ses idées.
Il y a cinq ans, Serge Mongeau a troqué l’île d’Orléans, qu’il habitait depuis une vingtaine d’années, pour le quartier Parc-Extension, dans le nord de Montréal. Une rupture conjugale l’a conduit à faire ce choix dont il s’accommode bien. «Mes trois enfants vivent à Montréal. Ça me permet aussi de ne plus avoir d’auto. Par contre, s’il y a une chose qui me manque, c’est l’immense jardin que j’avais là-bas…»
Son appartement, on s’en doute, n’offre rien de superflu. Pas de mobilier de luxe ou d’équipement haute technologie. Aucune musique, aucun bruit de télé, c’est dans un silence bienveillant que se déroule la conversation. La voix de l’homme est toujours aussi douce et posée. Et l’indignation, jamais loin.
«Je viens de lire ce matin dans le journal que le gouvernement canadien subventionne pour un milliard de dollars par année les compagnies de pétrole pour qu’elles continuent à en trouver davantage, alors qu’il faut que ça cesse. L’avenir de la planète est vraiment compromis, c’est la fin d’une civilisation, c’est très clair à mes yeux.»
Trente ans après la publication de La simplicité volontaire, l’ex-médecin persiste et signe. Les mots «plus que jamais», ajoutés au titre de ce livre phare récemment réédité, symbolisent l’urgence de trouver une solution aux problèmes de pollution, d’inégalités sociales, d’individualisme, de surconsommation à crédit, de mégaexploitations agricoles, d’obsolescence programmée, la liste est longue…
«Pour les électroménagers, on s’en vient bientôt avec des garanties de seulement 500 jours. Tout est programmé pour que les choses se brisent afin qu’on en achète d’autres. Quand je prends le métro, tout le monde est sur son téléphone intelligent, dans sa bulle. Nous sommes devenus des individualistes forcenés et ça fait bien l’affaire du système. Quand tu ne parles pas à ton voisin, tu ne peux pas savoir qu’il travaille près de ton bureau et que vous pourriez faire du covoiturage.»
Ras-le-bol
«Lors de la rédaction du livre, je n’étais pas conscient du danger de notre surconsommation pour l’équilibre de la planète. Mon éveil est assez récent», explique-t-il, développant sur tous ces gens qui éprouvent un ras-le-bol à être coincés dans un système qui court après sa queue.
«De plus en plus de gens se rendent compte que leur vie n’a pas de sens. Les jeunes couples courent le matin pour aller porter les enfants à la garderie, travaillent toute la journée sur des appareils qui demandent d’être de plus en plus productifs. À la fin de la journée, il leur reste juste assez d’énergie pour s’asseoir devant la télé pour se faire dire: on est bien dans ce système-là, profitons-en…»
Dans les assemblées et les réunions communautaires, le malaise est palpable. Surtout chez les jeunes, note-t-il. «Ils ne veulent pas faire comme leurs parents. Jeunes, ils ont eu tout ce qu’ils voulaient, mais ils éprouvent le sentiment de ne pas les avoir connus, de ne pas avoir eu de contacts avec eux puisqu’ils étaient toujours à travailler ou trop fatigués.»
Source: Le Soleil