Les chats : animaux de compagnie ou prédateurs exotiques dangereux?

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Par Annie Larivière Clermont, étudiante à la maîtrise en sciences de l’environnement. Cette communication scientifique est présentée par l’Institut des sciences de l’environnement de l’UQAM (ISE)
Aux États-Unis, les chats errants auraient causé l’extinction de trente-trois (33) espèces d’oiseaux.
Il est bien connu que les activités anthropiques ont un grand impact sur la biodiversité (WWF. 2018). Certaines espèces y seraient cependant plus sensibles que d’autres. C’est notamment le cas de certaines espèces d’oiseaux, par exemple les oiseaux de prairies, les oiseaux de rivage et les insectivores aériens (ICOAN. 2012), qui subissent diverses pressions telles que la perte d’habitat dû à l’urbanisation, la mortalité par collision avec des immeubles ainsi qu’un danger moins connu : la prédation par les chats. Les chats domestiques ont été introduits mondialement par l’homme et ils sont aujourd’hui considérés comme l’une des cent (100) espèces exotiques envahissantes les plus dommageables dans le monde (S. Loss et coll 2013). Ces prédateurs créent des pressions immenses sur la biodiversité. Déjà en 2013, une étude de S. Loss et coll. impliquait les chats dans la mort de plusieurs milliards d’oiseaux, de mammifères, de reptiles et d’amphibiens aux États-Unis (IBID). Au Canada, on estime à des centaines de millions le nombre de décès d’oiseaux causés par l’attaque de ces petits félins domestiques, qui sont d’ailleurs considérés comme la plus grande menace anthropique pour les oiseaux (Blancher. 2013). Ce phénomène de chat meurtrier est donc aujourd’hui une problématique mondiale. Il existe trois catégories de chats : de compagnie, errants et de ferme. De ces trois, ce sont les chats errants qui représentent la plus grande menace pour les oiseaux. Chasseurs hors pair ne faisant pas la différence entre une espèce commune, menacée ou rare, les chats errants contribuent grandement à certains déclins (Calvert et coll. 2013). Aux États-Unis, les chats errants auraient causé l’extinction de trente-trois (33) espèces d’oiseaux, les oiseaux nichant au sol et jusqu’à 2 m du sol constituant des proies particulièrement faciles pour ces petits félins (Blancher. 2013). Ce n’est donc pas surprenant que ce soit cette catégorie qui soit la plus étudiée et dont les impacts sont les mieux connus, pour le moment. Au Canada, on estime entre 100 et 350 millions le nombre d’oiseaux tués par les chats chaque année, ce qui représente entre 2 et 7 % de la population d’oiseaux totale du pays (Blancher. 2013). Ces estimations ont été calculées à partir de deux séries de données : le nombre de chats domestiques et errants au Canada, se situant entre 5 et 10 millions, ainsi que le taux de prédation de ces félins (IBID). Les oiseaux ne sont cependant pas l’unique cible des chats, qui s’en prennent également aux œufs et aux nids (Calvert et coll. 2013). Lorsque ces derniers sont altérés par la prédation féline, le succès reproducteur de l’espèce aviaire en subit évidemment des répercussions négatives. Les juvéniles sont également une proie de choix pour les chats puisqu’ils sont généralement plus fragiles, moins habiles et moins rapides qu’un oiseau adulte. Sachant que la reproduction est un élément clé de la survie d’une espèce, spécialement chez les espèces menacées, il est important de la protéger et d’éviter toutes menaces sur le succès reproducteur. Malgré ces données partielles, l’impact véritable des chats sur la mortalité et la baisse du taux de reproduction des oiseaux demeurent très peu connu, particulièrement au Canada. Des études menées aux États-Unis sur la question, telle que celle de R. Loss et coll. (2013), et en Australie, telle que celle de Doherty et coll. (2016), peuvent toutefois servir à estimer l’étendue de l’enjeu au pays. Ces recherches ont contribué à la reconnaissance par la communauté scientifique des chats comme réel danger pour les oiseaux, et plus largement pour la biodiversité, tout en relevant l’importance de mettre sur pied des études sur la prédation féline afin de mieux définir le véritable impact sur les oiseaux.
Sachant que les chats errants sont les plus néfastes pour la biodiversité, il est primordial de contrôler leurs populations, en plus d’empêcher les chats domestiques d’aller à l’extérieur. Une façon de réduire le nombre de chats à l’extérieur est de promouvoir auprès des propriétaires de chats les bénéfices sur la santé de leur animal de rester à l’intérieur, ce qui est d’ailleurs recommandé par les médecins vétérinaires. Également, la stérilisation obligatoire des chats aiderait grandement à réduire la surpopulation errante. En plus de diminuer la surpopulation féline, la stérilisation des chats en bas âge comporte plusieurs avantages, comme une réduction des complications chirurgicales possibles et la réduction de certains problèmes comportementaux (marquage, fugue, etc.) (FSCAA. 2017). Les règlementations municipales ainsi que les actions des organisations de protection des animaux telles que les SPCA ont également un impact sur la réduction du nombre de chats errants. Par exemple, à Calgary, les chats doivent être enregistrés à la ville, être stérilisés, les propriétaires doivent s’en occuper adéquatement (soins de santé, éducation, socialisation, soins de base) et ils doivent s’assurer que leur chat n’est pas une nuisance pour la communauté, tant animale qu’humaine (Ville de Calgary. 2019). Une brochure distribuée aux adoptants d’un chat les informe des mesures à prendre pour assurer un environnement adéquat à l’intérieur, et fournit également des informations sur les risques associés à envoyer leur compagnon à l’extérieur, tels que les maladies, les accidents et collisions, ainsi que les mauvaises rencontres par exemple. D’autres villes ont emboité le pas dans les dernières années, avec la mise en place de règlements municipaux concernant les chats. Ces règlements sont cependant mal connus des citoyens et peu appliqués par les municipalités, ce qui les rend, au final, peu utiles. Des solutions sont toutefois accessibles aux propriétaires conscients de la problématique. En effet, certains propriétaires installent des colliers à clochette autour du cou de leur chat, et bien que l’efficacité ne soit pas totale, cette méthode permet tout de même de réduire légèrement la prédation sur les oiseaux en alertant ces derniers de l’approche d’un prédateur. L’enjeu de la prédation féline, bien réel, devrait ainsi faire l’objet de plus de recherche afin de mieux cerner son impact sur les oiseaux et autres espèces en proie au chat domestique. Sachant que certaines populations de petits mammifères, d’amphibiens et de reptiles sont également touchées par ce phénomène (S. Loss et coll 2013), il est grand temps d’investir dans ces recherches afin de trouver des solutions et de réduire l’impact négatif des chats sur la biodiversité. D’ici à ce que soient publiés les résultats de ces recherches, il demeure essentiel de poursuivre les efforts de sensibilisation visant les propriétaires de chats, dont les actions ont le potentiel d’avoir une grande incidence sur le taux de mortalité de certaines espèces. Pour le moment, une certitude demeure : les chats occasionnent le déclin de populations d’oiseaux chaque année, mais le taux réel de mortalité associé aux chats n’est qu’une estimation. Finalement, votre animal de compagnie est-il un prédateur exotique dangereux? Comme il a été démontré, s’il reste à l’intérieur de la maison ou sur surveillance à l’extérieur, votre chat n’est qu’un fidèle compagnon. Cependant, c’est lorsqu’il jouit d’une liberté non surveillée que cette étiquette peut lui être accolée. En effet, il est possible qu’il ait déjà quelques victimes à son actif, sans même que vous soyez au courant. C’est pour cela que l’éducation de la population quant aux problématiques de chats errants ainsi que la mise en place d’actions concrètes visant à renverser la situation sont essentielles. Ainsi, une nouvelle harmonie entre la biodiversité sauvage et les animaux de compagnie serait favorisée. Bibliographie Blancher, P. 2013. Estimated number of birds killed by house cats (Felis catus) in Canada. Avian Conservation and Ecology 8(2): 3. Calvert, A. M. et coll. (2013). A synthesis of human-related avian mortality in Canada. Avian Conservation and Ecology 8(2): 11. Doherty T.S., et coll. (2016). Invasive predators and global biodiversity loss. Proceedings of the National Academy of Sciences. 113(40). Fédération des sociétés canadiennes d’assistance aux animaux (FSCAA). (2017). Les chats au Canada : Le point sur le problème de surpopulation, cinq ans plus tard. Initiative de conservation des oiseaux de l’Amérique du Nord (ICOAN). (2012) État des populations d’oiseaux au Canada. Récupéré de : http://www.etatdesoiseauxcanada.org/index.jsp S.Loss, R, Will, T, P.Marra, P. (2013). The impact of free-ranging domestic cats on wildlife of the United States. Nature Communications. 4 :1396. Ville de Calgaray. (2019). Responsible cat ownership. Brochure informative récupérée de : https://www.calgary.ca/CSPS/ABS/Pages/Animal-Services/Responsible-pet-ownership-bylaw.aspx WWF. 2018. Living Planet Report – 2018: Aiming Higher. Grooten, M. and Almond, R.E.A.(Eds). WWF, Gland, Switzerland.
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