Le sommet des bonnes intentions… qui pavent la voie de l'enfer

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Par André Belisle
Président de l’Association québécoise de lutte contre la pollution atmosphérique (AQLPA)


 

Le sommet du G8 qui se termine aujourd’hui à Toyako, au Japon, démontre que le pouvoir de l’argent et du pétrole ne s’embarrasse ni des famines, ni des catastrophes écologiques, ni même de l’avenir de nos enfants.

Il est très révélateur de considérer la mise en scène à laquelle nous assistons, car elle est odieuse. Le G8 a invité des représentants de pays africains pour faire respecter des principes démocratiques, car le Zimbabwe a bafoué les principes élémentaires de démocratie lors du dernier détournement des élections dans ce pays. Prétextant une urgence d’agir, pour venir en aide à l’Afrique en matière de démocratie, d’abord, et bien sûr dans une optique de solidarité planétaire adjointe de nouvelles promesses d’aide économique, les membres du G8 voulaient créer une diversion et faire intervenir ces pays dans ce débat.  Ils furent rapidement rappelés à l’ordre.

Premièrement, les représentants des pays africains invités au G8 ont rapporté très légitimement que les promesses formelles d’aide économique n’ont jamais été respectées. En effet, en 2004, lors du Sommet du G8 en Écosse, c’est plus de 60 milliards de dollars qui s’ajoutaient aux promesses précédentes de 10 milliards de dollars, celles-là faites au Sommet du millénaire en 2000. Cette attitude aurait dû, à tout le moins, leur mériter des excuses.  Les  chefs d’État membres du G8 avaient à faire amende honorable,  mais non. Tout le monde sait qu’en politique on ne reconnaît jamais ses erreurs et on ne fait pas d’excuses avant 50 ans…

Deuxièmement, non seulement les pays riches n’ont-ils pas aidé les pays en voie de développement, dont des pays pauvres aux prises avec des famines récurrentes. Pire, ils ont gravement envenimé la situation avec leurs politiques égoïstes. Par exemple, en prenant un virage fortement décrié en faveur des agrocarburants. Les pays riches ont encouragé la production d’éthanol à base de grains alimentaires, ce qui ne pourra se faire qu’au détriment des besoins alimentaires mondiaux. Les pays du G8 ont ainsi voulu préserver leur standard de vie, basé sur l’utilisation des combustibles fossiles. Pourtant, ils savent que les réserves de pétrole diminuent, ce qui provoque une augmentation des prix.

Le plus choquant, c’est que les chefs d’État ont tenté de justifier ce choix en le présentant comme une mesure de réduction des gaz à effet de serre (GES); ce que le milieu environnemental a toujours rejeté.

 

Nourrir les autos

Soyons clairs, les agrocarburants qui servent à la production de l’éthanol ne réduisent pas les émissions de GES.  Lorsqu’on considère l’ensemble de la filière de production, il appert que la culture des agrocarburants (maïs notamment) entraîne un recours accru aux herbicides, aux pesticides et aux fertilisants. Ce modèle de production provoque d’autres problèmes écologiques car il entraîne une contamination des sols, des nappes d’eau et de la qualité de l’air.

Le comble, c’est que la production d’agrocarburants a rendu hors de prix les aliments de base dans les pays pauvres. Le prix des grains alimentaires a doublé à cause principalement de la production d’éthanol. Il y a vraiment quelque chose d’outrageant à nourrir des autos plutôt que des gens. Plus encore, quand de telles décisions politiques servent à assouvir notre goût du luxe et nous rendent indifférents d’affamer parmi les plus pauvres d’entre les humains.

 

Paver la voie de l’enfer

Derrière tout ce théâtre burlesque se cachent les véritables intentions. L’industrie mondiale des combustibles fossiles et les gouvernements des pays qui en sont producteurs veulent augmenter leur production et leur utilisation. Il y a une fortune incommensurable à faire à entretenir ce mode de consommation. Quant aux pays consommateurs, dont l’Amérique du Nord, leurs chefs d’État ne veulent pas demander ni imposer aux électeurs une réduction de la consommation d’énergie, même si c’est agir de manière responsable. Ils préfèrent écouter les conseillers en communication et en stratégies politiques : une telle mesure pourrait déplaire au moment des élections.

Dans ces conditions, on ne pouvait s’attendre à autre chose de ce sommet.  Nous assistons à un nouvel épisode d’expression de bonnes intentions… c’est ainsi qu’on pave la voie de l’enfer.

 

Navrant

Il faudra attendre le communiqué final pour conclure définitivement. Par contre, avec ce que l’on sait maintenant, il semble clair que ni les promesses d’aide financière à l’Afrique, ni les engagements environnementaux ne seront respectés par une majorité des pays du G8. Bien au contraire.

Les pressions combinées du Canada, des États-unis, de la Russie et du Japon repoussent à plus tard les actions concrètes face au réchauffement planétaire. Ils rendent encore plus flous les objectifs de réduction, plus incertain l’échéancier et plus fragile le consensus mondial.

Il est  navrant de réaliser que l’avenir de notre monde et celui de nos enfants ne font pas le poids face à l’appât du gain de la société moderne, qu’on prétend civilisée et éduquée.

 

Mobilisation citoyenne

Il devient donc plus important que jamais qu’une mobilisation citoyenne planétaire fasse contrepoids aux lobbies des propriétaires de ressources fossiles et des constructeurs automobiles. Il devient plus important que jamais qu’une mobilisation citoyenne planétaire engendre la mise en œuvre de stratégies cohérentes et efficaces de réduction des GES, pendant qu’il est encore temps.

La communauté scientifique mondiale est inquiète. Elle appelle de manière pressante les actions résolues que nous devons entreprendre au cours des vingt prochaines années, si nous voulons  éviter le pire. À défaut, l’humanité subira les effets d’un dérèglement incontrôlable du climat.

En 1992, lors du Sommet de la terre tenu à Rio de Janeiro, les pays du monde entier ont reconnu l’urgence et la nécessité de réduire les GES. Depuis, nous avons perdu un temps fou à cause de toutes ces pressions corporatives et politiques. L’Accord de Kyoto est intervenu en 1997, mais le Protocole de Kyoto est entré en vigueur uniquement en 2005, avec sa première échéance en 2012. À moins d’un miracle, on n’arrivera pas à respecter nos engagements.

Pourtant depuis ce temps, tous les scénarios de menaces environnementales et de catastrophes écologiques se confirment, un peu plus à chaque année. De grandes compagnies d’assurances et des réassureurs, comme la Swiss Re et la Loyds of England, songent à poursuivre les gouvernements et les corporations qui refusent d’agir de manière cohérente et responsable face aux bouleversements climatiques. Elles souhaitent ajuster les primes d’assurance en fonctions des dommages reliés aux catastrophes climatiques ce qui pourrait faire multiplier les coûts par cinq ou même par dix par rapport au prix actuel. Ces entreprises affirment que les montants des réclamations d’assurances dépassent largement les frais collectés.

Rien n’indique que les chefs d’État membres du G8 auront pris les mesures nécessaires dans un avenir réaliste.

 

Faire sa part

En définitive, les citoyens et les gouvernements des pays riches ont à accepter de faire leur part.  Car, faut-il le rappeler,  la majeure partie des émissions de GES qui nous affectent est le résultat de notre surconsommation et ce depuis au moins les cinquante dernières années. Dans ces conditions, il est inexcusable de lier nos éventuelles actions à celles que prendraient  de manière incontournable la Chine, l’Inde et le Brésil.

 

Il faut rappeler deux choses ici. D’abord, le Protocole de Kyoto reconnaissait la responsabilité historique des pays riches qui, depuis la révolution industrielle, sont les plus grands responsables de ce problème de pollution atmosphérique. C’est pour cette raison que le Protocole de Kyoto leur demandait d’agir en premier lieu. Dans la phase 2008-2012, les pays riches doivent réduire leurs émissions en moyenne de 5,2% par rapport à ce quelles étaient en 1990. Au Canada, notre engagement est de réduire de 6% par rapport à 1990. C’est cette date que la Chambre des communes a accepté de respecter lors de la ratification du Protocole, pas celle de 2006 comme le voudrait le gouvernement conservateur canadien.
Ensuite, le Protocole de Kyoto prévoyait aussi que les pays émergents comme la Chine, l’Inde et le Brésil s’engagent à leur tour, entre 2013 et 2020, à faire leur part pour stabiliser leurs émissions à un niveau à définir d’ici 2010.

 

Mais voilà, le sommet du G8 vient tout remettre en question en prétendant être arrivé à une entente historique. En fait, les chefs d’État ne prévoient rien d’autre que d’en faire le moins possible, le plus tard possible…

 


 

 

Par André Belisle
Président de l’Association québécoise de lutte contre la pollution atmosphérique (AQLPA)

andre.belisle@aqlpa.com

 

André Bélisle est depuis 27 ans au coeur de l’action en environnement au Québec. Travaillant sur de nombreux projets, il est à l’origine de plusieurs des plus importantes campagnes d’éducation populaire en environnement. D’abord un gars de bois, il exploite la Ferme Forestière du Mont-Frampton. Il possède et exploite également 250 âcres de forêt.

 

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