Par Eric Beaulieu, Karelle Jayen, Louis-Etienne Robert et Guillaume Ste-Marie
Étudiants au Centre d’Étude de la Forêt à l’UQÀM
Tout d’abord, il est nécessaire de mentionner que le document de travail est très court (25 pages) compte tenu de l’intérêt suscité et des 300 mémoires déposés. De surcroît, la section de synthèse des consultations (1 page et demie) ne fournit qu’un bref résumé de l’ensemble des consultations et ne rend pas honneur à l’effort déployé par les intervenants ayant participé au débat public. À quoi bon faire des consultations si c’est pour les résumer en un paragraphe et affirmer :
- « (…) de façon générale, le Livre vert a été bien accueilli », et
- « Une très grande majorité d’intervenants pense qu’une refonte du régime forestier est nécessaire. »
Les zones d’aménagement écosystémique sont un autre point central de la réforme forestière et les pratiques qui y seront permises sont susceptibles d’être dramatiquement différentes de celles des zones de sylviculture intensive. Cependant le document de travail parle du concept de l’aménagement écosystémique comme étant applicable « sur l’ensemble du territoire des unités d’aménagement forestier » sans autre précision, créant ainsi une confusion sur le concept. À ce jour, nous n’avons toujours aucune idée de ce qui constituera un aménagement écosystémique pour le MRNF et quelles seront les balises du gouvernement pour l’application du concept sur l’ensemble du territoire.
Sur le plan de la conservation, le Rapport Coulombe souligne l’importance d’atteindre l’objectif de 12% d’aires protégées par province naturelle. Cet objectif provient des standards internationaux de l’Union Mondiale pour la Conservation de la Nature et fait présentement consensus dans plusieurs pays. Le Livre vert vise seulement 8% par province naturelle et aucune mention n’est faite dans le document de travail pour aller plus loin que cet objectif.
La possibilité forestière, quant à elle, représente le rendement en bois de la forêt selon les différents traitements sylvicoles appliqués et forme la base du processus d’attribution du bois. Présentement, le calcul de possibilité a comme objectif de « soutenir, de façon constante dans le temps, un approvisionnement en bois pour l’industrie forestière. « Le document de travail propose de changer cette philosophie vers le « maintien de la durabilité de la forêt en s’appuyant sur la dynamique naturelle d’évolution de celle-ci (composition forestière et structure d’âge), dans un souci de soutenir la productivité ». Cependant, il est important de noter que le calcul de possibilité forestière du Québec manque encore de précision ; il n’incorpore pas implicitement le risque de perte de bois par les grandes perturbations naturelles telles que les feux et les insectes. Bien que l’on applique un facteur de correction en prévision de ces pertes, cette valeur est arbitraire et l’erreur dans le calcul demeure importante. De plus, certains aspects liés à la productivité des forêts, comme l’exportation des nutriments après coupe, restent encore méconnus et ne sont pas considérés dans le calcul. Pourtant, leur influence sur la croissance pourrait s’avérer être majeure, ce qui souligne d’autant plus l’importance de laisser une marge de manœuvre sur l’attribution du bois, une proportion de bois délibérément exclue du calcul en guise de précaution (cf. Mémoire des candidats au doctorat et à la maîtrise du CEF).
L’attribution de la possibilité forestière aux sociétés d’aménagement risque de créer un problème dans la mesure où les options d’aménagement seront limitées par la législation qui ignore les particularités locales. Par exemple, l’obligation de récolter l’entièreté de la possibilité forestière est présentement inscrite dans la législation. La composition du conseil d’administration des sociétés d’aménagement est aussi un problème et devrait, selon nous, contenir des membres ayant une connaissance technique des opérations et de l’aménagement forestier, ce qui n’est pas mentionné dans le document de travail Nous notons aussi que le Ministère du D éveloppement durable, de l’Environnement et des Parcs n’est pas impliqué dans l’élaboration des plans d’aménagement.
À la lumière de la lecture du document de travail et compte tenu du fait que l’innovation est censée être au centre de la refonte du régime forestier québécois, le récent document de travail produit par le Ministère est loin de répondre aux questions soulevées par les signataires du mémoire soumis par les étudiants du CEF. Le concept d’aménagement écosystémique est le centre de la réforme forestière puisqu’il doit composer 60% du zonage forestier. Ce concept devra être balisé avant d’être applicable à l’ensemble du territoire. L’inquiétude face à la problématique environnementale est un des principaux facteurs ayant produit la situation actuelle où nous devons réformer la gestion forestière. Bien que le document de travail explore grandement la structure organisationnelle des sociétés d’aménagement, plusieurs questions restent encore sans réponse.
Par Eric Beaulieu, Karelle Jayen, Louis-Etienne Robert et Guillaume Ste-Marie
Les auteurs sont des étudiants au doctorat et à la maîtrise au Centre d’Étude de la Forêt à l’Université du Québec à Montréal.
Karelle Jayen se spécialise dans la régénération des peuplements après feu et dans l’aménagement écosystémique.
Louis-Étienne Robert se spécialise dans l’écologie du paysage et la dynamique des perturbations naturelles.
Guillaume Ste-Marie se spécialise dans l’écologie forestière, l’écologie spatiale et l’aménagement forestier.
Bibliographie :
(1) L’occupation du territoire forestier québécois et la constitution des sociétés d’aménagement des forêts, Ministère des ressources naturelles
(2) Mémoire des candidats au doctorat et à la maîtrise du CEF