Peut-on, au cœur de cette tourmente financière, penser les enjeux économiques sans penser en même temps les enjeux environnementaux? À une semaine des élections provinciales, des étudiant-e-s de maîtrise et du doctorat, rassemblés au sein du Forum de l’Institut des sciences de l’environnement de l’UQAM, ont réfléchi ensemble sur ces questions… Bourses en chute libre, banques en déroute… Il était prévisible que la campagne électorale provinciale soit placée sous le signe du dollar, reléguant au second plan tous les autres enjeux. Durant la première semaine de campagne électorale, la mention la plus importante qui fut faite des enjeux environnementaux fut… la diminution du nombre d’affiches électorales dans l’espace public, par souci écologique des trois partis (1). La firme Influence Communication a ainsi calculé qu’entre le 6 et le 13 novembre, l’environnement a occupé 0,57 % du contenu médiatique relatif à la campagne électorale provinciale, soit un pourcentage relativement proportionnel aux ressources que l’État consacre au MDDEP (2)! À titre de comparaison, les « controverses » telles que l’image ‘snob’ de la chef péquiste ont occupé 33 % de l’espace médiatique consacré à la campagne (3). Le rapport Brundtland posait en 1987 l’intégration des dimensions économique, sociale et environnementale comme une condition d’un développement véritablement durable. La campagne électorale actuelle nous montre que, plus de vingt ans plus tard, l’économie et l’environnement font encore chambre à part sur les enjeux nationaux, alors même que des rapports tels que ceux du Programme des Nations Unies pour l’environnement (PNUE) et du Groupe intergouvernemental d’experts sur le climat (GIEC) prédisent des seuils de rupture écologique menaçant la survie même de l’espèce humaine (4). Le débat des chefs, la semaine dernière, en témoigne d’ailleurs. La pollution, un fardeau évitable pour le système de santé public On sait pourtant aujourd’hui que la mise en place de politiques pour diminuer la pollution des écosystèmes pourrait avoir un impact économique significatif pour les finances publiques. C’est le cas notamment dans le domaine de la santé, préoccupation importante des Québécois et principal poste d’attribution des ressources budgétaires provinciales (42 % en 2007-2008). L’Association canadienne des médecins (AMC) (5) calcule notamment que les maladies attribuables à la pollution atmosphérique auront coûté pas moins de 8 milliards de dollars aux Québécois cette année, en raison de pertes de productivité, coûts en soins de santé, pertes de vie et diminution de la qualité de vie. Plus encore, c’est 257 milliards de dollars (et plus de 22 000 vies humaines prématurément perdues) que, selon l’AMC, l’exposition à la pollution de l’air coûtera à la collectivité québécoise d’ici 2031. Une problématique strictement montréalaise? Pas selon des organisations comme la Direction de santé publique de la Montérégie (2008), qui estime que 9 % des décès et 3 % des hospitalisations de courte durée en dans cette région en 2003 étaient liés à une mauvaise qualité de l’air (6). Gentilly-2 Le nucléaire représentait pourtant moins de 2,5 % de l’énergie électrique produite au Québec (8) en 2005, alors même que le Québec exporte environ 7 % de l’électricité produite sur son territoire (9). Les coûts associés à la réfection de G-2 sont évalués à 1,9 milliard de dollars, un montant qui quadruple si l’on tient compte de la gestion des déchets radioactifs (10) qu’auront à gérer les générations à venir. Donc, une facture anticipée de près de 8 milliards de dollars. Alors d’où provient le gain économique? Des mines? Actuellement, le Québec ne compte aucune mine d’uranium. Si son exploration s’est grandement accélérée depuis cinq ans, elle demeure tout de même marginale avec à peine 7 % (ou environ 22 milliards de dollars) des investissements totaux faits par l’industrie pour la prospection en 2007 (11), des investissements par ailleurs soutenus en forte proportion par les fonds publics (12). Rappelons que l’exploration d’uranium génère également son lot d’impacts environnementaux et sanitaires, dont l’émission potentielle de radon, un gaz hautement cancérigène (10). Matières résiduelles Les enjeux comme celui du nucléaire nous rappellent pourquoi un débat informé s’impose, tant sur les impacts écologiques que sur l’efficience économique de tels projets collectifs. Cela est d’autant plus vrai dans le cas d’enjeux « quotidiens » comme la gestion des déchets. La mise en œuvre de la Politique québécoise de gestion des matières résiduelles 1998-2008, qui n’a pas atteint ses objectifs de mise en valeur des déchets et qui devra être renouvelée sous peu, n’a reçu aucune attention médiatique lors de la campagne électorale. Aucune solution viable au manque de sites d’enfouissement n’a été mise sur pied dans les grandes agglomérations québécoises, et ce malgré le fait que ce problème ait fait l’objet de 13 audiences du BAPE depuis l’élection du gouvernement Charest (audiences dont le coût unitaire oscille entre 100 000 et 250 000 dollars (13)). Le nouveau gouvernement aura-t-il l’audace de s’engager à accélérer les efforts en ce sens, et surtout d’optimiser la gestion des ressources encore utiles? Certains des engagements qui auraient dû faire partie des plateformes électorales pourraient être porteurs pour l’économie québécoise : faire davantage porter aux producteurs la responsabilité de la gestion des résidus de leurs produits, appliquer une stratégie globale de réduction à la source, et augmenter significativement les redevances à l’enfouissement tout en favorisant l’émergence de nouveaux débouchés. Pour la suite du monde… Par le Forum de l’Institut des sciences de l’environnement de l’UQAM
Initié en 2002, le Forum de l’Institut des Sciences de l’Environnement de l’UQAM regroupe des étudiant-e-s de la maîtrise et du doctorat en sciences de l’environnement et se veut une plateforme de débat, de réflexion et de prise de position au sein de laquelle des problèmes environnementaux (compris au sens large) sont discutés, vulgarisés et amenés sur la place publique. Cela prend notamment la forme d’organisation de conférences, d’ateliers, de débats ou, dans le cas qui nous intéresse ici, de la rédaction collective d’analyses en lien avec l’actualité. L’ouverture et la diversité des perspectives font la richesse d’un tel projet.
Sources : |
Spécial élections québécoises 2008 – J-7 avant les élections : Regards croisés sur l’environnement et l’économie
0Par le Forum de l’Institut des sciences de l’environnement de l’UQAM
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