Biogaz à vendre : quel avenir pour la méthanisation?

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Par Valérie Ouellet                                                                          À lire également : Comment fonctionne la méthanisation?


Mots clés : méthanisation, biogaz, méthane, valorisation des déchets, lieu d’enfouissement sanitaire, nouvelle énergie.

Après plusieurs années de stagnation, le marché de la méthanisation au Québec revit avec l’émergence de plusieurs projets gouvernementaux de rachat et de valorisation des biogaz. Toutefois, un long chemin reste à parcourir avant que l’exploitation de cette nouvelle forme d’énergie ne devienne rentable.

En janvier 2009, le ministère du Développement durable, de l’Environnement et des Parcs (MDDEP) a proposé de verser 38 millions de dollars en quatre ans afin de réduire les gaz à effet de serre (GES) émis par les sites d’enfouissement mineurs de la province. Baptisée Programme Biogaz, l’initiative provinciale visait à financer les propriétaires de sites d’enfouissement intéressés à capter et à éliminer le méthane émis par les matières résiduelles. Le gouvernement québécois s’engage également à acheter à prix compétitif le méthane recueilli par les propriétaires participant au programme.

L’occasion fait le larron

Plusieurs fournisseurs d’énergie ont répondu à l’offre gouvernementale. Il faut dire que la compensation financière alléchante offerte par le MDDEP en échange de la captation et du brûlage du méthane émis par les matières résiduelles enfouies leur est apparue de bonne augure. Toutefois, on compte beaucoup d’appelés et peu d’élus. Au printemps dernier, le MDDEP n’avait retenu que neuf projets parmi les 29 appels d’offres soumis.

Parmi les fournisseurs choisis, on retrouve la firme québécoise d’ingénieurs BPR, qui édifie les installations de captation et de brûlage de méthane pour trois sites d’enfouissement sanitaire. « Le milieu de la méthanisation n’est pas particulièrement intéressant pour les investisseurs, il est en dormance. Le Programme Biogaz change la donne, puisqu’il permet aux fournisseurs et propriétaires de sites de fixer eux-mêmes les prix des biogaz recueillis », indique Marc Couture, vice-président des affaires en infrastructures chez BPR.

Pour les projets proposés par BPR sur les sites d’enfouissement de Rivière-du-Loup, Thetford Mines et Saint-Athanase, le prix du biogaz racheté oscille entre 19,50 et 24,00 dollars la tonne. Des prix réalistes qui ont été déterminés en fonction du coût d’implantation et de fonctionnement des installations nécessaires à la méthanisation, justifie Marc Couture. Des prix qui sont aussi nettement supérieurs à ceux du marché privé, où le biogaz se vend à environ 10 dollars la tonne, un montant peu rentable pour les fournisseurs.

Pratiquant la méthanisation depuis juillet, le site d’enfouissement de Rivière-du-Loup est le seul lieu d’enfouissement en partenariat avec BPR qui accueille encore des matières résiduelles. Les profits rapportés par la méthanisation seront répartis également entre propriétaires de sites d’enfouissement et fournisseurs, la priorité allant à rembourser les installations, qui peuvent coûter jusqu’à un million de dollars selon le lieu de l’implantation, indique le maire de Rivière-du-Loup, Michel Morin. « Par la suite, 60 % des gains iront à la Ville de Rivière-du-Loup, actuel propriétaire du site d’enfouissement Rivière-des-Vases, et 40 % à notre fournisseur, BPR. »

Toutefois, il faudra se hâter pour rembourser les dépenses avant que l’argent ne cesse de couler à flot. En effet, le Programme Biogaz doit prendre fin le 31 décembre 2013. Le MDDEP est incapable de confirmer si le programme sera renouvelé au-delà de cette date.

Biogaz et verglas

Enthousiasmé par le Programme Biogaz, le maire Michel Morin attend impatiemment la prochaine étape pour le site d’enfouissement municipal. « Ce programme, nous l’attendions depuis toujours », s’exclame celui qui rêve déjà d’inaugurer la première usine de méthanisation de la région. L’homme politique souhaite aussi transformer le méthane recueilli en électricité au lieu de le brûler bêtement. Un rêve qui pourrait bientôt devenir réalité si son projet est retenu en appel d’offre par Hydro-Québec en octobre prochain.

L’idée d’acheter et de revendre l’électricité produite par les biogaz n’est pas nouvelle au Québec. À l’aide de 400 puits de captation installés à 50 mètres de profondeur et répartis sur l’ancien lieu d’enfouissement Saint-Michel (fermé à la matière organique depuis mai 2000), la société en commandites Gazmont peut produire jusqu’à 25 mégawatt/heure. Présentement, en courbe diminutive depuis son ouverture en 1996, elle produit près de 12 mégawatt/heure.

Une énergie qu’elle revend ensuite à Hydro-Québec. Toutefois, le prix offert par la société d’état est peu concurrentiel, confie Sylvain Landry, directeur de la Centrale de valorisation énergétique du biogaz Gazmont, située dans le quartier Saint-Michel de Montréal. « Les sommes rapportées par la vente d’électricité sont retournées comme royautés à la Ville de Montréal pour le captage du biogaz. On nous fournit juste assez pour assurer le roulement du site. »

Pourtant, la quantité d’électricité produite par le site Saint-Michel peut atteindre jusqu’à 25 mégawatt/heure, ce qui représente assez d’énergie pour alimenter 16 000 maisons. D’ailleurs, lors de la crise du verglas en janvier 1998, plusieurs Montréalais ont profité de cette énergie provenant du biogaz sans le savoir, se rappelle Sylvain Landry. « Toutes les principales lignes d’alimentation électrique étaient hors service, sauf une dans le nord de la ville. C’est l’électricité produite par Gazmont qui a permis de stabiliser cette dernière afin qu’une partie de Montréal demeure éclairée et alimentée en électricité »

Nouvelle énergie recherche distributeur

Autre bémol : où distribuera-t-on l’électricité produite? La plupart des sites d’enfouissement étant assez éloignés des principales villes, la distribution de l’électricité risque de poser problème. Pour l’instant, dans la plupart des sites et usines, l’électricité produite par la méthanisation sert à alimenter les turbines et autres machines au sein même du complexe.

Cette question de distribution de l’électricité inquiète Marc Couture, de l’entreprise BPR. « Les sites d’enfouissement sont isolés de tout. L’exportation est complexe et coûteuse. Si on produit de l’électricité dont personne ne veut, on ne sera pas plus avancé! » Malgré la rentabilité du Programme Biogaz, certains sites vont tout de même demeurer orphelins, car les prix du méthane sur le marché privé nord-américain est très faible et peu compétitif comparativement à son cousin européen. Rien pour encourager les fournisseurs européens à traverser l’océan pour investir sur les lieux d’enfouissements sanitaires du Québec.

Chez Gazmont, l’électricité est dirigée vers sa voisine immédiate la TOHU, un chapiteau culturel qui abrite, entre autres, l’École nationale de cirque et le Complexe environnemental Saint-Michel. Une fois tout le méthane épuisé sur le site en 2020, le terrain du site d’enfouissement sera transformé en parc naturel pour les citoyens du quartier Saint-Michel. « Ce sera le deuxième plus grand parc municipal à Montréal, après le parc du Mont-Royal », indique Julianna Costa, guide à la TOHU, principal partenaire du projet avec la Ville de Montréal.

Malgré plusieurs initiatives prometteuses à l’horizon, le Québec est-il le dernier à emboîter le pas à d’autres? Avec un grand nombre d’appelés mais bien peu d’élus au sein d’un programme de rachat du méthane à l’avenir incertain et des prix peu stimulants offerts par son principal distributeur d’électricité, on peut se demander si l’avenir de la méthanisation dans la province tient vraiment sous nos pieds.

L’Ontario, pour sa part, aborde la méthanisation autrement. Le Programme ontarien d’aide financière pour les systèmes de biogaz, en vigueur dès l’automne 2009, offrira un financement substantiel aux agriculteurs intéressés par la méthanisation. En plus de financer à 70 % les études de faisabilité des projets de méthanisation, l’État s’engage à rembourser près de la moitié des coûts d’installation des digesteurs anaérobiques nécessaires à la méthanisation du fumier.

Une astuce efficace, dotée d’un budget modeste de 11,2 millions, qui soulève déjà l’enthousiasme chez les agriculteurs ontariens. Déjà, 46 études de faisabilité et 12 projets de construction ont été approuvés. Des chiffres encourageants pour un gouvernement qui fait des heureux avec seulement la moitié du budget dont dispose notre belle province.

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