Nanotechnologies : l’avenir de l’énergie solaire?

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Par Mariève Paradis


 

Mots-clés : nanotechnologies, énergie solaire, panneaux photovoltaïques, nanomatériaux.

Des chercheurs américains s’appliquent à développer une nouvelle génération de panneaux solaires efficaces et abordables. En incluant les nanotechnologies dans l’équation, le défi semble se rapprocher de la réalité. Par contre, leur insouciance face aux dangers que les nanotechnologies représentent risque de faire dérailler leurs découvertes.

Lors du congrès annuel de l’Association américaine pour l’avancement des sciences (AAAS) qui s’est tenu récemment à San Diego en Californie, des scientifiques et des entrepreneurs américains ont présenté la possible utilisation de matériaux infiniment petits pour la fabrication de panneaux photovoltaïques. En effet, depuis moins d’un an, le chercheur Tom Picraux et son équipe du Centre pour les nanotechnologies intégrées au Laboratoire national de Los Alamos, travaillent sur le développement de nanofils semi-conducteurs pour fabriquer des cellules photovoltaïques. « Si tout va comme prévu, nous pourrions créer des matériaux ayant la même efficacité que les panneaux de silicium actuellement commercialisés. Ils seraient essentiellement plus rapides et moins dispendieux à produire à grande échelle », explique-t-il. Ainsi, grâce aux nanotechnologies, les panneaux solaires deviendraient un matériau flexible qu’on peut dérouler sur un toit ou même appliquer dans une peinture, contrairement à la présente technologie fabriquée de blocs rigides. Ces applications emballent les scientifiques qui imaginent ces panneaux solaires sur tous les toits de la planète.

Tom Picraux souhaite voir apparaître des millions de branchements énergétiques à partir du solaire. « Si chaque propriétaire immobilier pouvait avoir des panneaux solaires sur son toit, ce serait le meilleur moyen de sortir de la dépendance au pétrole », poursuit le scientifique. Il estime que la simple installation d’immenses fermes de panneaux solaires, comme le préconisent certains milieux, est une solution de remplacement coûteuse et inefficace.

 

Principe de précaution à développer

L’utilisation des nanotechnologies demeure, malgré certaines promesses emballantes, un sujet controversé au sein même de la communauté scientifique, notamment à cause de l’absence de connaissances sur les effets perturbateurs de celles-ci.

Après sa présentation d’une application industrielle de nanotechnologies dans la fabrication des panneaux solaires, Loucas Tsakalakos, chef de projet au Centre de recherche global de la multinationale General Electric, a été bombardé de questions concernant la sécurité des matériaux utilisés. Le scientifique a reconnu que les entreprises doivent être conscientes des risques environnementaux et de santé publique d’une telle technologie. « L’impact des nanotechnologies sur la biologie humaine et environnementale reste encore inconnu. Il devrait y avoir plus de recherche sur les risques dès la découverte d’une utilisation commercialisable», affirme-t-il.

 

Vide juridique international

Or, aux dires de leurs détracteurs, les nanotechnologies évoluent si rapidement qu’il devient difficile, voire impossible, de mettre en place des études à long terme pour évaluer les dangers toxicologiques et sanitaires qu’ils représentent, tant pour la nature que les humains. En 2009, l’Agence européenne de la sécurité et de la santé au travail (Osha) estimait que les nanotechnologies « sont en tête des risques chimiques émergents pour les travailleurs en Europe », rapportait en février dernier le webzine Novethic. En outre, le Conseil des académies canadiennes, dans un rapport  au gouvernement fédéral en 2008, déplorait « l’absence de données scientifiques exhaustives sur les dangers des nanomatériaux, l’exposition dans les systèmes biologiques et l’environnement ainsi que leurs conséquences à long terme pour la santé et l’environnement (1) ».

Quand on lui parle de sécurité des nanotechnologies, Tom Picraux devient plus attentif et pèse ses mots. « Le problème des nanotechnologies réside dans le changement de propriété du matériau. Je ne suis pas inquiet pour la recherche et le développement de ces technologies, car nous avons de bonnes procédures de sécurité en laboratoire. Or, pour le déploiement à grande échelle, nous devons travailler prudemment », reconnaît-il. Le scientifique ajoute qu’il ne faut pas généraliser cependant. « Peut-être que certains nanomatériaux peuvent être dangereux. Mais ça ne veut pas dire d’arrêter toute la recherche en cours. Parfois, les gens s’emportent… J’approuve les recherches en toxicologie, mais elles doivent être menées de façon réfléchie. »

C’est ce qu’exige une coalition d’une quarantaine d’organismes, syndicats, environnementalistes et lobbyistes. Le document intitulé « Principes de surveillance des nanotechnologies et nanomatériaux » demande une approche prudente devant les nanotechnologies et leurs applications dans la société. À ce jour, encore aucune institution internationale ne possède le mandat d’établir de telles normes.

Pour les chercheurs, dont les laboratoires de recherche sont majoritairement financés par les grandes entreprises privées, les nanotechnologies signifient la possibilité d’être parmi les premiers à offrir une indépendance énergétique à petite échelle, voire même individuelle et une source d’énergie renouvelable abordable. Des industriels et scientifiques actifs dans la Silicon Valley le disent sous le couvert de l’anonymat. L’appât de l’indépendance énergétique devient plus alléchant que la recherche des risques associés aux technologies développées.


 

Par Mariève Paradis


Sources : 

(1) Cité dans le blogue du militant Eric Darier, directeur de Greenpeace Québec : Nanotechnologie : gros risques?, 11 février 2010.

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