Par Nicolas Ottenheimer
Mots clés : Conférence internationale sur la décroissance, croissance économique, indicateurs de décroissance, environnement, Barcelone. « Nous pensons que la croissance économique est davantage un problème qu’une solution face aux dégradations environnementales, à l’accroissement des inégalités et des problèmes sociaux ». C’est par cette réflexion que François Schneider lançait la seconde conférence internationale sur la décroissance, faisant suite à celle tenue à Paris en 2008. L’évènement accueilli par l’université autonome de Barcelone, du 26 au 29 mars 2010, a remâché le concept de décroissance (degrowth) afin de favoriser la justice sociale, le bien être et la soutenabilité écologique. La décroissance cherche alors à prévenir les crises économiques, sociales et environnementales par un autre chemin que celui de la « croissance verte » (1). Cette dernière étant présentée tantôt comme un miroir aux alouettes, tantôt comme une dangereuse promesse empoisonnée. Gratuites et ouvertes à tous, les journées d’ouverture et de clôture ont permis au public de rencontrer quelques-uns des principaux penseurs et défenseurs de la décroissance, dont une majorité de chercheurs, acteurs de la société civile internationale mais également politiciens et curieux, provenant majoritairement d’Europe et d’Amérique du Nord, de même que quelques participants du sous continent indien et d’Amérique.
Prospérité sans croissance économique À l’occasion de trois panels, les participants se sont interrogés sur les alternatives à envisager, telles que proposées par les objecteurs de croissance. Le premier liait le changement climatique et la crise économique en s’interrogeant sur la possibilité d’une prospérité sans croissance économique (2). Le second rappelait les principales propositions et moyens d’action défendus par les investigateurs de la décroissance (3). Enfin, le troisième panel questionnait la pertinence et légitimité du transfert de la décroissance en direction des pays du sud (4). Un programme théorique qui se densifie Le monde y a été entièrement repensé. Citons par exemple l’élaboration d’indicateurs de décroissance, l’éducation, l’énergie, les déchets, la crise économique, les stratégies politiques, la démocratie directe, la ville, les transports, le recours aux technologies, les droits de propriété, le partage du travail, l’argent, les institutions financières, la démilitarisation, la démographie, la sécurité sociale, le commerce international ou encore l’adéquation entre l’idée de décroissance et la nature humaine… Des participants se sont plaints du manque d’actions concrètes et le « blablabla » (sic) théorique et traditionnel entendus à plusieurs reprises. L’absence de priorité dans les actions internationales a également été mentionnée, notamment par un ardent défenseur du désarmement mondial. La crainte de voir émerger une certaine institutionnalisation de la décroissance par une nouvelle élite politique et scientifique a également été soulevée. Enfin, le coût de l’inscription a parfois été critiqué (pour s’inscrire aux ateliers, il fallait payer la somme de 150 euros en avance ou de 200 euros sur place).
Une place pour tous Malgré ces critiques, l’indiscutable convivialité dont à fait preuve ce colloque a su rallier les participants. Les lieux étaient somptueux et les repas collectifs simples et copieux. Le compost était présent et les participants étaient responsables de leur propre vaisselle qu’ils prenaient d’ailleurs plaisir à nettoyer tant les discussions qui l’accompagnait continuaient d’être passionnantes. Deuxièmement, la grande place laissée à l’expression de tous, y compris lors des grandes conférences de panélistes, témoigne d’une réelle ouverture d’esprit et d’un indiscutable désir de participation et d’écoute du plus grand nombre par le plus grand nombre. Troisièmement, l’existence d’un évènement officiel, parallèle et complémentaire tenu à la Rimaia, l’un des plus grand squat de Barcelone, a attiré l’attention. Les squatteurs de la Rimaia ont proposé un hébergement gratuit à tous ceux qui le désiraient ainsi que des ateliers de discussions parallèles aux ateliers payants du colloque. Le squat de la grand via a également accueilli une grande soirée festive et musicale qui s’est finie tard dans la nuit du samedi. Quatrièmement et comme bien souvent, l’un de ses principaux apports de ce colloque a été de créer et de renforcer de nouveaux réseaux au sein des activistes et des penseurs de la décroissance.
Renforcer le combat Plus encore, ce colloque a permis aux personnes présentes de se (re)donner confiance dans un combat idéologique et pratique bien difficile tant les arguments des objecteurs de croissance continuent d’être tantôt ignorés, tantôt méprisés ou, au mieux, repoussés au rang des projets irréalistes, utopiques et particulièrement naïfs. Finalement, comme nous en faisait part Hervé Kempf, ce type d’évènement devrait permettre aux objecteurs de croissance de gagner en légitimité, accordant notamment un plus grand espace médiatique aux idées et projets qu’elle véhicule. (1) Pour la citation originale en anglais consulter le document de presse disponible sur le site officiel de la conférence : http://www.degrowth.eu/v1/ (2) Ce panel était composé des universitaires Dick Norgaard (Berkeley), Peter Victor (York), Jeroen van den Berg (ICTA) et Ellie Perkins (York). (3) Ce panel était composé de François Schneider (Research and Degrowth), Hervé Kempf (journaliste), Mauro Bonaiuti (université de Turin), Marco Deriu (université de Parme), Andrea Calsamiglia (XARXA pel decreixement), Leida Rijnhout (General secretary, ANPED). (4) Debal Deb (Freelance Ecologist), Nadia Johanisova (Masaryk University), Victor Toledo (UNAM) |