Gaz de schiste – Pourquoi pas un moratoire?

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Par Stéphane Gagné


 

Mots clés : gaz de schiste, Bureau d’audiences publiques sur l’environnement (BAPE), éenergie, Québec (province de).

Qu’est ce qui se cache derrière la fin de non-recevoir de la ministre des Ressources naturelles et de la Faune (MRNF), Nathalie Normandeau? Pourquoi la demande d’un moratoire sur l’exploration du gaz de schiste est-il si inacceptable à ses yeux? La ministre affirme qu’un arrêt des travaux d’exploration serait une autre démonstration de l’immobilisme qui règne au Québec. Analyse de l’enjeu.

 

Un empressement dangereux

Le gouvernement du Québec a mis la charrue devant les bœufs, selon Pierre-Olivier Pineau, professeur aux HEC, spécialisé sur les questions de politiques énergétiques. « Quelque 462 permis d’exploration ont été donnés, à vils prix, à des entreprises avec l’obligation de procéder à des travaux dans les cinq ans, suivant l’émission du permis, sous peine de perdre leurs privilèges, dit-il. Le gouvernement a donc enclenché en vitesse un processus, non soutenu par un cadre réglementaire adéquat. »

Prendre une pause maintenant aurait d’importantes conséquences, selon M. Pineau. « Le gouvernement a pris des engagements auprès des entreprises détentrices de permis et s’ils ne les respectent pas, il s’expose à des poursuites », dit-il.

Pierre Batellier, coordonnateur au développement durable aux HEC et l’un des militants du regroupement de citoyens Mobilisation contre les gaz de schiste, est d’un tout autre avis. « Aller de l’avant maintenant alors que bien des études démontrent les dommages environnementaux qu’entraîne l’exploitation de cette ressource serait sans doute plus coûteux que les compensations que nous devrions verser aux entreprises en situation de moratoire », dit-il.

Des éléments jouent contre un moratoire, admet toutefois M. Batellier. « Des provinces (Colombie-Britannique, Saskatchewan, Alberta) et États américains exploitent déjà leurs gaz de schiste, affirme-t-il. Plusieurs gens de l’industrie croient donc qu’il faut aller de l’avant maintenant, sinon on risque de rater le bateau. »

En effet, ce gaz est disponible en abondance sur le continent nord-américain. Plusieurs promoteurs de l’exploitation des schistes croient que c’est le temps pour le Québec d’entrer en scène, afin de prendre sa place dans le marché qui se développe.

 

Une mine d’or dans le sous-sol québécois?

D’autant plus que, selon le MRNF et des acteurs privés, il y aurait une mine d’or dans notre sous-sol. Selon des données fournies par l’industrie, les volumes totaux de gaz qui y sont emprisonnés se situeraient entre 10 000 à 25 000 milliards de mètres cubes. À titre de comparaison, le Québec consomme annuellement 6 milliards de mètres cubes. La ressource est à ce point abondante que Gaz Métro évoque depuis peu la possibilité d’en exporter une partie. Le futur port méthanier Rabaska deviendrait-il alors un lieu d’exportation plutôt que d’importation de gaz comme cela a toujours été envisagé?

 

Informer adéquatement les citoyens

Les opposants n’en démordent toutefois pas : un moratoire doit être imposé, et cela, immédiatement. « Cette mesure laisserait le temps aux scientifiques d’étudier le phénomène, aux citoyens d’avoir une meilleure connaissance des enjeux, et de se faire une opinion », répète Daniel Breton, l’un des fondateurs du mouvement Maîtres chez nous 21e siècle. À l’occasion du Forum Urgence Énergie, tenu le 10 septembre dernier, il est apparu que même si les médias ont beaucoup traité des gaz de schiste, une partie de la population ne sait toujours pas de quoi il en retourne. 

À ce chapitre, un récent sondage réalisé par la firme Senergis (auprès de 1 000 personnes entre le 3 et le 8 septembre) pour le compte du journal Le Devoir confirme : près de deux répondants sur cinq (37 %) disent ne pas savoir ce que sont les gaz de schiste ou ignorer tout de ce débat. Un autre 14 % affirme ne pas avoir d’opinion sur le sujet.

Dans une société dite démocratique, est-il sain d’aller de l’avant avec un projet, potentiellement néfaste pour l’environnement, alors que plus de la moitié des Québécois n’en possède pas les connaissances pour s’en faire une idée?

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