Le Livre vert sur la politique bioalimentaire, rendu public aujourd’hui par le ministre Pierre Corbeil, laisse Nature Québec sur son appétit. À première vue, la vision retenue semble encore bien timide et centrée sur la notion de « produit » et de la satisfaction de la demande du consommateur, sans prioriser les produits bio ou à forte valeur environnementale qui correspondent mieux à l’environnement, au climat et aux types de sols qu’on retrouve au Québec.
Plus de trois ans après la sortie des rapports Pronovost, Saint-Pierre et Ouimet qui proposaient une réforme majeure de la gestion agricole au Québec, très coûteuse et peu performante au niveau économique et écologique, Nature Québec se serait attendu à une vision plus complète et précise, plus novatrice, moins en silo. Une vision qui relancerait notre agriculture sur de nouvelles bases, tout en prévoyant une période de transition qui ne laisserait personne sur le carreau. Ceci dit, Nature Québec est conscient qu’il s’agit d’un livre vert et entend participer pleinement à la consultation afin de le « renchausser » à partir de ses meilleurs éléments.
La nouvelle politique annoncée semble vouloir ménager la chèvre et le chou en ne remettant pas en question, du moins sur un horizon de 5 ans, le programme très coûteux et peu performant de l’assurance-stabilisation où plus de 700 millions $ d’argent public sont investis chaque année. Ce programme était fortement critiqué par Pronovost et Saint-Pierre qui proposait un programme incitatif mieux conçu. Nature Québec déplore que la protection de l’environnement se situe au 3e rang des orientations gouvernementales, après la distinction des produits et le renforcement de la capacité concurrentielle. Dans l’énoncé de la vision, les préoccupations environnementales se résument à la mention classique en toute fin « dans une perspective de développement durable ».
Cependant, Nature Québec note avec intérêt la création d’un Fonds (qui devra recevoir un financement conséquent) qui facilitera la réalisation d’initiatives de développement jugées inédites et porteuses d’avenir. Les activités réalisées serviraient d’incubateur pour de nouveaux programmes et pour une mise à jour, en continu, de la politique. Nature Québec appuie également la reconnaissance des biens et services environnementaux rendus par l’agriculture. Il note également l’élargissement de l’application de l’écoconditionnalité qui lie l’aide de l’État au respect de l’environnement, mais Nature Québec déplore le manque d’engagements précis quant aux mesures elles-mêmes.
Enfin Nature Québec aurait souhaité que le nom de la politique fasse nommément référence à l’agriculture plutôt qu’au concept vague et mal défini de « bioalimentaire ». Une agriculture diversifiée qui remplit plusieurs fonctions, y compris écologiques. Le secteur agricole québécois est un des secteurs les plus soutenus par des fonds publics du monde occidental. Les producteurs, comme les consommateurs, sont en droit de s’attendre à ce que les programmes de soutien permettent aux agriculteurs de vivre dignement, d’être efficaces dans la production de biens alimentaires et de services environnementaux, tout en n’imposant pas une pression indue sur les ressources vitales que sont l’eau, l’air et le sol.