Dans un texte mis en ligne vendredi dernier, sous le titre : «Harper en Asie. Au menu: lait, fromage, poulets? La gestion de l'offre en agriculture menacée» nous exprimions la crainte que le gouvernement Harper adhère aux négociations sur la zone de libre-échange trans-pacifique. C'est exactement ce qui se produit.
Une des conditions de l'adhésion du Canada exprimée par les autres pays du Pacifique est qu'il sabre dans le programme de gestion de l'offre en agriculture. Jusqu'ici, le gouvernement Harper s'y était opposé. Mais, on apprend aujourd'hui, dans le Globe and Mail, que «tout est sur la table».
Ci-dessous, l'article que nous avons mis en ligne vendredi. Nous reviendrons au cours des prochains jours sur ce développement majeur qui représente une menace considérable pour l'agriculture québécoise.
Harper en Asie. Au menu: lait, fromage, poulets?
La gestion de l'offre en agriculture menacée
Hier, 10 novembre, le bureau du Premier ministre annonçait que Stephen Harper va assister à la conférence des dirigeants de la Coopération économique Asie-Pacifique (APEC). Il sera intéressant de voir si le Canada va postuler pour devenir membre du traité de libre-échange du Pacifique, dont une des conditions d'entrée est l'abandon des programmes de gestion de l'offre en agriculture.
En 2010, le Conseil international du Canada (CIC), un important think tank parrainé par l'élite économique du Canada, critiquait, dans un document de stratégie géopolitique, intitulé « Un Canada ouvert : stratégie de positionnement mondial à l'ère des réseaux », le refus du gouvernement Harper de ne pas avoir cédé sur cette question (1).
Constatant la diminution des avantages du libre-échange avec les États-Unis, le CIC le remettait en question comme fondement de la politique économique du Canada et prônait une plus grande ouverture vers les marchés asiatiques. Les auteurs notaient, en le déplorant, qu'il y avait seulement six accords de libre-échange à travers le monde impliquant le Canada sur un total de 462 accords. La multiplication de tels accords était la voie envisagée pour permettre au Canada de redresser la balance de ses échanges commerciaux avec d'autres pays.
Les auteurs reprochaient au gouvernement canadien de ne pas avoir adhéré au traité de libre-échange du Pacifique dont une des conditions d'entrée était l'abandon des programmes de gestion de l'offre dans l'agriculture. « Nous voulons, écrivaient-ils pour illustrer les contradictions de la politique canadienne, libéraliser les marchés des céréales et des graines oléagineuses », mais « nous appuyons un système agricole qui impose des quotas à l'ancienne pour protéger les pays laitiers et les éleveurs de volaille ».
Le gouvernement Harper leur donne aujourd'hui raison avec la privatisation de la Commission canadienne du blé, mais il résiste toujours aux pressions pour mettre fin à la gestion de l'offre en agriculture. Cependant, depuis quelques semaines, le Globe and Mail publie régulièrement des articles sur la gestion de l'offre, comme s'il s'agissait de préparer l'opinion publique à une décision en ce sens. Par exemple, dans son édition du 10 novembre, le journal aborde la question par le biais des prix à la consommation pour les produits laitiers et la volaille.
Dans un article intitulé « It's time to question Canada's cheese prices » (Il est temps de questionner les prix des fromages au Canada), le journaliste Campbell Clark compare les prix de différents items à Ottawa et à Buffalo aux États-Unis.
Le deux litres de lait se vend 2,99$ à Ottawa et 1,83$ (en dollars canadiens) à Buffalo. La poitrine de poulet 8,23 $ la livre à Ottawa contre 3,35$ à Buffalo. Le parmesan coûte à Buffalo entre 6,10$ la livre pour le produit domestique et jusqu'à 15,29$ pour le fromage importé. À Ottawa, le prix oscille entre 13,79$ pour le produit local et jusqu'à 22,42 $ pour le produit importé.
Le journaliste évite de mentionner les conséquences économiques dramatiques et désastreuses pour l'agriculture du Québec et de l'Ontario d'une telle mesure. Selon la teneur de son article, ce sont des considérations politiques qui modèrent les ardeurs du gouvernement Harper. Il mentionne le fait que la mesure toucherait à un nombre important de circonscriptions rurales au Québec et en Ontario. Cependant, il souligne que le nombre de producteurs laitiers est passé de 30 000 en 1999 à moins de 13 000 aujourd'hui. Il est bien évident que ce ne sont pas les producteurs laitiers du Québec qui pèsent bien lourd dans la balance politique, les conservateurs ayant réussi à former un gouvernement majoritaire avec seulement cinq députés au Québec.
D'autre part, il est possible qu'avec l'ajout de 27 nouveaux sièges au Canada anglais, avec la refonte de la carte électorale, le poids des producteurs laitiers ontariens soit dorénavant, lui aussi, négligeable. La position que défendra Stephen Harper au sommet de l'APEC la semaine prochaine sera instructive à cet égard.
Cependant, une chose est certaine, le poids du Québec, tant politique qu'économique, devient de plus en plus insignifiant dans l'espace canadien, au fur et à mesure que le centre de gravité de l'économie se déplace vers l'Ouest et les perspectives de développement sont envisagées dans le cadre de partenariats avec les pays asiatiques.
Dans l'ensemble du rapport du Conseil international du Canada (CIC), la seule mention du Québec est celle que nous venons d'évoquer : la gestion de l'offre en agriculture. C'est tout dire!