En lisant la lettre d’Henri Bordeleau dans le Nouvelliste du 14 mars, on comprend que cet ingénieur de Gentilly-2 tente de défendre son gagne-pain. Sa loyauté à son employeur l’empêche cependant de traiter ce dossier avec objectivité.
Affirmer que l’énergie nucléaire est « propre » constitue une fausseté. On doit tenir compte de toute la filière nucléaire, comme le veut la Loi sur le développement durable : extraction, raffinage et transport de l’uranium, construction des installations, gestion temporaire et permanente des déchets radioactifs qui seront légués aux générations futures, réhabilitation complète du site. Cette énergie est très « polluante ».
Parler d’énergie « sécuritaire », c’est oublier la cinquantaine de lacunes dans la gestion de la qualité dont le personnel de G-2 s'est rendu coupable. Ces lacunes ont été identifiées par la CCSN sur 10 pages dans le rapport 10-H15F de mars 2011. Et l’on ne parle pas du « coefficient de réactivité positive » des CANDU qui expliquerait en partie l’interdiction de cette technologie aux États-Unis et en Angleterre. Au fait, si G-2 est si sécuritaire, pourquoi employer une centaine de « gardiens armés » pour assurer la sécurité du site ? Cette énergie est très «risquée».
Pour ce qui est de la fiabilité de G-2, la démonstration reste à faire. Un réacteur nucléaire mis à l’arrêt pendant 4 mois pour de nombreuses réparations en 2011 mérite-t-il le qualificatif de fiable? Comment l’approvisionnement énergétique des Québécois peut-il être « assuré » par G-2 avec un exemple pareil?
Quant à la « rentabilité économique » de G-2, je suis de ceux qui doutent de l’évaluation d’H-Q. M. Bordeleau ou son employeur devraient d’abord fournir aux citoyens actionnaires d’H-Q un tableau détaillé des éléments pris en compte pour arriver à un coût de production de 7,2 cents/kWh tel qu’annoncé en 2008.
Se fier aux avis de la CCSN, comme le propose M. Bordeleau, n’est pas sans risque. La CCSN assujettie à un ministère ayant le double mandat d’assurer la promotion du nucléaire au Canada et à l’étranger ainsi que la supervision de son agence de sûreté n’est pas indépendante. Deux faits en témoignent :
- La révocation de la présidente de la CCSN, Madame Linda Keen, par le gouvernement Harper en janvier 2008. Cette dernière avait retiré le permis d’opération du réacteur nucléaire NRU de Chalk River à ÉACL pour cause de non-respect des conditions exigées.
- Cette recommandation de la CCSN en juin 2011, lorsqu’elle écrivait dans les motifs de décision de renouveler le permis d’H-Q : « La Commission s’attend fortement qu’Hydro-Québec commence les activités de réfection aussitôt que possible si elle est décidée à s’engager dans cette voie. »
Quant aux informations « biaisées » dont se plaint M. Bordeleau, je me permets de lui rappeler que, lors des quatre forums organisés par le MSQN, les représentants d’H-Q invités formellement ont chaque fois refusé de venir expliquer leur projet de reconstruction de G-2 au public. Que cache Hydro-Québec derrière ces silences? Par ailleurs, j’ai constaté que la plupart des informations relayées par le MSQN sont disponibles sur le WEB, en autant que l’on se donne la peine d’approfondir le sujet.
Monsieur Bordeleau et ses collègues de G-2 ne devraient pas craindre pour leur boulot. Quand le gouvernement actuel décidera de fermer G-2 et de déclasser G-1 et G-2, il y aura encore du travail pour longtemps. Les travailleurs compétents de G-2 seront appelés en première ligne pour s’occuper de la sécurisation du site, de la gestion de la radioactivité des déchets et du déclassement. Ils pourraient aussi se recycler dans le développement des énergies renouvelables dans le cadre d’une politique énergétique intégrée et décentralisée.
Robert Duchesne,
Trois-Rivières