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À la veille du premier anniversaire du Plan de mobilité durable (PMD), adopté le 9 novembre 2011, Accès transports viables, le Conseil régional de l’environnement de la Capitale-Nationale et Vivre en Ville ont dressé un bilan de la première année de mise en œuvre lors d’une conférence de presse tenue ce matin. Les trois organisations d’intérêt public se montrent inquiètes par rapport à un certain nombre d’orientations qui ne semblent pas cohérentes avec les objectifs du PMD. Elles proposent six chantiers à mettre en branle dès cette année pour remettre le plan sur les rails. (Voir l’annexe des orientations et des chantiers)
Un outil pour voir grand
« Quand j’ai lu les objectifs du Plan de mobilité durable, j’ai dit au Maire que si tout ce que j’y lisais se réalisait, je n’aurais plus à travailler à Québec », relate Alexandre Turgeon, directeur général du Conseil régional de l’environnement de la Capitale-Nationale. En effet, le plan met de l’avant des stratégies et des moyens ambitieux en termes de transport et d’aménagement du territoire pour la Ville de Québec pour les vingt prochaines années. « C’est un document très complet. Par contre, ce que nous voulons savoir aujourd’hui, c’est s’il constitue toujours un dossier prioritaire pour la Ville de Québec », s’interroge Monsieur Turgeon.
Des orientations en contradiction avec le Plan
Étienne Grandmont, directeur général d’Accès transports viables, se dit préoccupé par les orientations prises récemment par la Ville de Québec, qui sont en contradiction avec les objectifs du Plan de mobilité durable : « La Ville de Québec s’est dotée d’un excellent outil de planification et de développement, mais on peut se demander si les autorités comptent vraiment se donner les moyens de leurs ambitions ».
Pour n’en nommer que quelques-unes, ces orientations contradictoires sont nombreuses et significatives : gel du financement municipal du Réseau de transport de la Capitale (RTC), délais longs et décevants dans l’échéancier de mise en place du tramway, importantes pressions auprès des autorités responsables de l’élargissement de l’autoroute Henri-IV et de l’ouverture hivernale de la côte Gilmour, retards dans la mise en œuvre du Plan directeur du réseau cyclable.
Six grands chantiers
« Le plus grand défi reste celui de traduire le plan en actions, ce qui demande beaucoup de volonté politique et de constance », croit Xavier Mercier-Méthé, conseiller transports et mobilité chez Vivre en Ville. Devant les constats clairs établis dans le PMD, il est plus que jamais nécessaire de penser différemment notre mobilité. « Ce que nous proposons, ce sont six chantiers prioritaires à mettre en branle dès cette année pour que les gens de Québec bénéficient rapidement des retombées positives du PMD ». Ces chantiers sont :
- Viser 2020 pour mettre en service un tramway;
- Augmenter le financement municipal du RTC afin de couvrir le coût de l’amélioration des services;
- Rattraper le retard dans la mise en œuvre du Plan directeur du réseau cyclable (PDRC);
- Mieux outiller la Ville et tous ses services pour développer le réflexe mobilité durable;
- Comme Ville de Québec : se poser publiquement en championne du transport collectif auprès des paliers de gouvernement supérieurs;
- Offrir des choix en matière d’habitation qui ne sont pas dépendants de l’automobile.
(Plus de détails sur les chantiers proposés en annexe du communiqué.)
« La Ville a le devoir de travailler à offrir des choix à la population et aux jeunes ménages en matière de mobilité, mais aussi en matière d’occupation du territoire », poursuit Alexandre Turgeon. « Si on veut diminuer la part modale de l’automobile dans nos déplacements, il faudrait qu’on arrête de développer des nouveaux quartiers encore plus dépendants de l’automobile. Si on veut que la population ait des choix, il faut travailler à renverser la tendance des 60 dernières années en s’assurant que la nouvelle offre résidentielle et commerciale s’articule autour des transports collectifs et actifs et non strictement autour de l’automobile, comme on le voit encore trop souvent ».
Annexe
Bilan du Plan de mobilité durable après un an
Des orientations contradictoires avec les objectifs du Plan de mobilité durable
Un tramway structurant, mais seulement en 2026…
L’échéancier préliminaire prévoit la mise en service du tramway dans 14 ans. Pourtant, le tramway est identifié comme un moteur pour l’urbanisation durable de secteurs stratégiques comme le boulevard Laurier et les éco-quartiers de la Pointe-aux-Lièvres et de D’Estimauville, ce qui laisse présager qu’ils seront conçus pour l’auto-solo dans l’attente du tramway. La réalisation de réseaux de tramway est pourtant bien plus rapide dans les villes qui en font une priorité. En 2003, on prévoyait pouvoir implanter un tramway à Québec en 6 ans seulement.
Gel du financement du RTC
Le gel du financement municipal du Réseau de transport de la Capitale, annoncé en décembre 2011, a de quoi surprendre de la part d’une Ville qui vient de se doter d’un Plan de mobilité durable proposant de bonifier significativement le service. Ce gel représente une compression, puisque l’inflation et l’augmentation de la masse salariale continuent de croître.
Retard dans le plan directeur du réseau cyclable
Près de quatre ans après avoir publié sa stratégie globale sur 10 ans pour améliorer son réseau, la Ville n’a aménagé que 32,5 des 337,5 kilomètres cyclables identifiés. Québec est bien loin du résultat auquel on pourrait s’attendre après quatre années de chantiers de ce plan de 10 ans.
Élargissement d’Henri-IV : un chantier coûteux qui n’éliminera pas la congestion
Le réseau routier de la région de Québec est rendu à maturité : élargir Henri-IV (au coût de 405M$) ne solutionnera pas durablement la congestion automobile. À long terme, une meilleure fluidité passe par une utilisation plus efficace et moins coûteuse du réseau existant, notamment en favorisant l’usage des transports collectifs et actifs.
Côte Gilmour : une saga qui ne changera rien
Ouverte de manière saisonnière depuis des années, la Côte Gilmour joue un rôle relativement restreint et rejoint des secteurs très bien desservis par le transport en commun. L’énergie mise à réclamer son ouverture permanente et les coûts nécessaires pour rendre ce lien routier praticable en hiver posent la question des priorités régionales en matière de transport.
L’amphithéâtre : de projet urbain à… grand stationnement de surface
L’annonce de la construction de 4200 places de stationnement de surface pour l’amphithéâtre, en bordure d’un boulevard qui aurait gagné à être requalifié, va à l’encontre de la vision de la Ville qui tente de les éliminer dans d’autres secteurs qu’elle souhaite revitaliser. De plus, le site choisi, en retrait du boulevard Hamel, complique l’accès pour les piétons qui devront circuler dans un environnement parfois hostile.
Les améliorations aux voies réservées sur René-Lévesque se font toujours attendre
Bien que les parcours Métrobus 800-801 montrent des signes évidents de saturation (bris de fréquence, autobus bondés circulant en train, vitesse commerciale très basse), les mesures prioritaires sur René-Lévesque n’ont toujours pas été renforcées. Les heures d’opération des voies réservées n’ont pas été allongées et une cinquantaine de places de stationnement sur rue empiètent la voie réservée à l’intersection de la rue Cartier, réduisant considérablement son efficacité.
Plus de virages à droite au feu rouge
La Ville de Québec a entrepris un exercice pour diminuer la signalisation limitant le virage à droite au feu rouge. Offrant des gains d’à peines quelques secondes au terme d’un déplacement en automobile, cette manœuvre soulève des préoccupations pour la sécurité des piétons et des cyclistes.
Refaire seulement un trottoir sur deux?
La réfection de rues dans plusieurs secteurs résidentiels de Québec a été l’occasion de refaire… seulement un des deux trottoirs. La présence de trottoir, dans une rue où la circulation n’est pas apaisée, est pourtant un facteur déterminant de la sécurité des piétons.
Vélo boulevard : tracé décevant, peu de gains d’efficacité
Présenté comme une solution alternative à un lien cyclable direct sur René-Lévesque, le tracé du vélo-boulevard est de moins en moins direct. Considérant qu’une chaussée désignée était déjà aménagée sur cet axe, il apparaît difficile de dire que les cyclistes disposeront réellement d’un tracé plus efficace pour les déplacements utilitaires.
Six chantiers prioritaires pour traduire le Plan de mobilité durable (PMD) en actions
I – Mettre en service un tramway d’ici 2020
En profitant de l’élection d’un nouveau gouvernement réceptif au projet pour devancer la date prévue de 2026 pour la mise en service tu tramway ;
En mettant immédiatement en place des outils permettant de financer le projet et d’en assurer le succès.
II – Augmenter le financement municipal du RTC afin de couvrir le coût de l’amélioration des services
En haussant la contribution financière de la Ville pour tenir compte des améliorations de service du RTC et éviter les coupures de service ;
En occupant le champ fiscal de 1,5 cent sur le litre d’essence qui a été accordé à la région par le gouvernement du Québec pour financer le transport collectif (la Gaspésie le fait déjà).
III- Rattraper le retard dans la mise en œuvre du Plan directeur du réseau cyclable
En réalisant en totalité 337,5 km de voies identifiées et les investissements de 40 millions prévus dans le réseau cyclable d’ici 2018, date initialement projetée de réalisation du PDRC (rappelons qu’en 4 ans, seulement 32,5 km ont été réalisés) ;
En concrétisant rapidement les liens permettant de franchir d’importants obstacles urbains (autoroute 440 au niveau du boulevard Central, intersection Charest et Saint-Sacrement, …).
IV – Mieux outiller la Ville et tous ses services pour prendre les bonnes décisions en matière de mobilité durable
En augmentant les ressources dédiées à la mobilité durable pour assurer la cohérence des actions de tous les services de la Ville et faciliter la mise en œuvre du plan ;
En réalisant et en rendant public un plan de suivi complet du PMD incluant un échéancier et un tableau de bord.
V – Comme Ville de Québec : se poser publiquement en championne du transport collectif auprès des paliers de gouvernement supérieurs
En réclamant l’adoption rapide d’une politique québécoise de mobilité durable ambitieuse ;
En demandant un meilleur équilibre dans le financement des infrastructures de transport (répartition du FORT à 70% pour les routes et 30% pour le transport collectif) et la multiplication par 5 des sommes disponibles pour le transport collectif dans le cadre du Fonds vert.
VI – Offrir des choix en matière d’habitation qui ne sont pas dépendants de l’automobile
· En accélérant le développement des terrains vacants ou sous-développés à proximité des parcours Métrobus ;
En s’assurant que l’environnement urbain soit favorable aux déplacements actifs.
Source: Accès transports viables