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Réponse à l’éditorial de M. André Pratte publié dans La Presse du 16 octobre 2013
Bien d’accord, monsieur Pratte, le gouvernement est incohérent. Mais pour nous, contrairement à ce que vous avancez, la cohérence ne consiste pas à étendre au gaz de schiste les opérations d’exploration pour connaître l’ampleur éventuelle des gisements exploitables, mais bien à élargir la portée du projet de moratoire sur le gaz de schiste (car ce n’est toujours qu’un projet…) pour qu’il s’applique aussi au pétrole, et ce sur la totalité du territoire du Québec.
On le sait, la fracturation utilisée pour l’exploration et l’extraction du gaz et du pétrole de schiste pollue les nappes phréatiques, consomme de gigantesques quantités d'eau et dégage dans l’atmosphère d'importants volumes de méthane (un puissant gaz à effet de serre). Dans de telles conditions, l'exploitation de cette ressource serait un crime contre l'environnement.
Le signal d’alarme du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) ne laisse aucune place au scepticisme : la planète subit des bouleversements climatiques qui s’annoncent catastrophiques si rien n’est fait pour réduire significativement les émissions de gaz à effet de serre générées par l’activité humaine.
On connaît par ailleurs les effets dévastateurs de la fracturation telle qu'elle se pratique aux États-Unis (perte de terres agricoles, pénuries d’eau, pollution, tremblements de terre, problèmes de santé, perturbations sociales dues à la rapidité du phénomène…). Au Québec, la géographie physique et humaine est particulière : la vallée du Saint-Laurent, où se trouvent les gisements de gaz de schiste, est la région la plus peuplée du Québec et la plus importante du point de vue agricole et touristique. Quant à la Gaspésie et à Anticosti, où se trouveraient d’importants gisements de pétrole, elles sont certes moins peuplées, mais doit-on pour autant y autoriser les opérations de fracturation? Nous nous élevons contre ces dérives qui mettraient en péril les terres du Québec, ainsi que le Saint-Laurent, l'estuaire et le golfe (surtout dans le contexte des coupures fédérales dans la recherche scientifique).
Ce n’est pas en se lançant dans une course effrénée pour l’exploitation de nouveaux hydrocarbures que l’on assurera l’indépendance énergétique du Québec, mais en amorçant dès maintenant un virage radical en vue de réduire progressivement notre dépendance vis-à-vis des énergies fossiles. Mais les politiques et les gens d’affaires restent sourds, obnubilés par les retombées économiques de ces nouveaux hydrocarbures non conventionnels, dont l’exploitation s’inscrit dans le court terme et a des allures de bulle financière.
Devant un dossier aussi complexe, il est tentant de chercher des réponses simples (voire simplistes) qui ne remettent pas en question le modèle économique dominant. Mais cela ne ferait que retarder la mise au point de modes de production et de consommation plus sobres, plus efficaces et plus respectueux à la fois de notre écosystème et de notre intérêt à long terme. Bref, cela ne ferait que repousser notre rendez-vous avec la réalité : le réchauffement climatique se poursuit et s'aggrave. Décidément, le gaz et le pétrole de schiste ont tout du cadeau empoisonné.
Source:
François Prévost (pfrancois@videotron.ca)
Denise Campillo (campillo@cooptel.qc.ca)
Comité de vigilance Gaz de schiste Roxton Falls