Une chose est certaine : d'autres viendront encore dans les prochaines décennies.
Un Québec plus chaud
Depuis quarante ans, la température moyenne du Québec a augmenté de 1,25oC. Un simple petit degré et quart de plus… mais une différence considérable pour la répartition des organismes vivants. Cette migration des espèces vers le nord, favorisée entre autres par des hivers plus cléments et des printemps plus hâtifs (en avance de 2,3 jours par décennie en moyenne dans l'hémisphère Nord), se fait à une vitesse rapide (un déplacement moyen des aires de répartition des espèces de 6,1 km vers le pôle par période de dix ans).
Les animaux dont les cycles vitaux sont courts sont, bien évidemment, plus aptes à s'adapter rapidement à de nouvelles situations. Sur ce terrain, les insectes battent les vertébrés à plate couture. Au Massachusetts, une vaste enquête sur les papillons a démontré qu'entre 1992 et 2010, pour de nombreuses espèces, les populations établies dans les portions les plus nordiques des aires de répartition tendaient à augmenter, alors que les plus méridionales tendaient à décroître. Depuis vingt ans, au Québec, on a d'ailleurs observé la venue d'une dizaine de nouveaux papillons diurnes en provenance des États-Unis. C'est le cas de plusieurs hespéries et du grand porte-queue, dont la reproduction sur notre territoire a été observée l'an dernier au Jardin botanique de Montréal.
Des mammifères et des oiseaux, encore rares au Québec, se feront eux aussi plus communs dans les prochaines années. C'est le cas du renard gris, du petit polatouche, de la souris à pattes blanches, de l'opossum d'Amérique, de la mésange bicolore, du troglodyte de Caroline ou de l'oriole des vergers.
À quoi s'attendre demain?
La biodiversité, au Québec, est fortement liée au climat. Plus la moyenne annuelle de la température d'une zone géographique est élevée, plus le nombre d'espèces qu'elle peut contenir est grand. S'il s'avère encore difficile de prédire quelles seront les conséquences de ces changements environnementaux abrupts sur la diversité biologique, une chose est sûre : le visage de la nature québécoise sera fort différent dans 100 ans.
À mesure que le climat se réchauffera, certaines mesures devront être prises pour tenter de limiter les dégâts et de maintenir la biodiversité indigène de notre territoire : davantage d'aires protégées et dont la superficie sera plus grande, plus de corridors naturels nord-sud pour faciliter les mouvements de la faune et de la flore indigènes vers de plus hautes latitudes, des interventions directes pour circonscrire de nouvelles espèces jugées nuisibles, etc.
La majorité des espèces vivantes ont une certaine flexibilité physiologique relativement limitée quant aux conditions environnementales leur permettant de vivre et de se reproduire. Les espèces qui se déplacent avec les températures doivent souvent s'adapter à des milieux moins favorables que leur habitat idéal, à de nouveaux régimes de précipitations et à des interactions avec des espèces qu'elles n'avaient pas encore eu l'occasion de rencontrer au cours de leur histoire évolutive. Tout cela devrait limiter, fort heureusement, les arrivées d'espèces venues du sud dans les prochaines années. Du moins, c'est ce qu'il faut espérer pour la sauvegarde de notre patrimoine biologique unique.
Références :
Berteaux, D. et al. 2014. Changements climatiques et biodiversité du Québec, Presses de l'Université du Québec, Québec
Leboeuf, M. 2013. «Les envahisseurs». Nature sauvage 6: pp 22-27