À titre de président de la Communauté métropolitaine de Montréal (CMM), le maire Denis Coderre s’est déclaré satisfait des demandes que l’Office national de l’énergie (ONE) a adressées à la compagnie Enbridge avant d’autoriser l’inversion du flux de l’oléoduc 9B. Le journal Le Devoir[1] rapporte que le maire qualifie de « gain majeur » les nouvelles conditions exigées par l’ONE, notamment l’obligation d’effectuer des tests hydrostatiques et des tests de solidité sur l’oléoduc vieux de 40 ans. Que ces tests ne soient menés que sur une portion minime du pipeline et sur des sections situées hors des zones les plus densément peuplées du Québec ne semble pas avoir préoccupé les élus. Aucun essai, non plus, ne devra être mené dans la portion traversant la rivière des Outaouais, là où la corrosion du pipeline serait le plus avancée.
La négligence notoire de la compagnie Enbridge a été démontrée lors de l’accident survenu au Michigan, où un oléoduc a laissé fuir des millions de litres de pétrole dans la rivière Kalamazoo en juillet 2010[2]. Dans le cas de la ligne 9B, en omettant de mener des tests hydrostatiques et de solidité sur tout le pipeline, en testant uniquement des portions éloignées des cours d’eau et des zones habitées, Enbridge donne un nouvel exemple de son laxisme en matière de sécurité, laxisme malheureusement cautionné par l’ONE et les élus de la CMM. On peut se demander pourquoi.
On peut aussi se questionner sur les raisons pour lesquelles les élus de la CMM acceptent de prioriser l’accès au marché à une ressource énergétique que les experts reconnaissent comme la plus polluante au monde[3]. Le pétrole issu des sables bitumineux émet au moins 17% plus de gaz à effet de serre que le pétrole conventionnel. Et c’est sans parler des autres aspects destructeurs comme la pollution de quantités astronomiques d’eau et la perte de la forêt boréale. Encore récemment, un groupe de 100 scientifiques canadiens et américains éminents sont sortis de leur réserve pour exiger un moratoire sur l’exploitation des sables bitumineux au pays[4]. Parmi les 10 raisons évoquées figurent l’incompatibilité de cette exploitation avec la protection du climat, la violation du droit des autochtones, le manque de surveillance, les contaminations et l’ignorance des effets cumulatifs de toute la pollution générée. En avalisant le projet d’Enbridge, le Québec favorise le développement de cette filière énergétique polluante et nie, encore une fois, la réalité de la crise climatique et contrevient au droit international concernant les peuples autochtones, et cela au dépend de la sécurité et de la santé des populations et des écosystèmes.
Le Québec n’a aucun problème d’approvisionnement en pétrole. L’inversion de la ligne 9B d’Enbridge vise avant tout à désenclaver la production pétrolière de l’Ouest pour mieux servir les intérêts de cette industrie[5]. Avec un plan crédible de sortie du pétrole, le gouvernement québécois pourrait rapidement mettre en œuvre un projet industriel axé vers une économie faible en carbone et créatrice d’emplois. Des chercheurs sérieux ont déjà ouvert la voie vers ces alternatives[6]. Par leur soumission aux lobbies du pétrole de l’Ouest, les politiciens québécois enfoncent le Québec dans une grande noirceur, toxique. Fruit de l’ignorance ou de la lâcheté politique, la décision de la CMM de ne pas s’opposer à l’inversion du pipeline 9B d’Enbridge est en tout point condamnable et inacceptable.
[1] Corriveau, J., Shields, A. L’ONE demande des essais hydrostatiques. Le Devoir, 19 juin 2015.
[2] http://ici.radio-canada.ca/regions/alberta/2012/07/10/002-enbridge-deversement-petrole.shtml
[3]http://laveritesurlessablesbitumineux.org/faits/climat-1/
[4] www.oilsandsmoratorium.org
[5] Gignac,R., Schepper, B. Mémoire. Commission de l’agriculture, des pêcheries de l’énergie et
des ressources naturelles. Consultations particulières sur le projet de renversement vers l’est du flux de l’oléoduc 9B d’Enbridge. Institut de recherche et d’informations socio-économique. http://iris-recherche.s3.amazonaws.com/uploads/publication/file/Memoire-_E2_80_93-Enbridge-03.pdf
[6] Catherine Potvin et coll. (2015). Agir sur les changements climatiques. Chaire UNESCO-McGill-Dialogues pour un Canada vert.
Source: Louise Morand, Comité vigilance hydrocarbure de L’Assomption