Dans un nouveau rapport, GRAIN explique comment les principaux groupes agro-industriels mondiaux sont en train de déployer un programme destiné à renforcer leur contrôle sur l’alimentation et l’agriculture dans les pays du Sud.
Des milliers de serres sont agglutinées le long des vallées de la province de Lam Dong dans les hauts plateaux du centre du Vietnam. La nuit, la puissante lueur qui s’en échappe illumine un flot constant de camions transportant vers Ho Chi Minh-Ville ou les ports voisins des fruits, des légumes, des fleurs et des plantes aromatiques destinés à l’exportation. Le climat local est idéal pour la production de produits agricoles commerciaux comme les pommes de terre destinées à approvisionner PepsiCo pour la fabrication de ses chips sous la marque Lay’s.
Parfois, les gains sont importants. Mais il est tout aussi fréquent d’avoir des pertes à la suite de mauvaises récoltes, d’une baisse soudaine des prix ou d’arnaques des négociants. La dette pèse lourdement sur les agriculteurs de la région, tout comme la crise de l’eau, la pollution causée par l’infiltration des engrais et les conflits fonciers de plus en plus graves.
C’est dans ce contexte que certaines des plus grandes multinationales agroalimentaires du monde sont en train de déployer un programme appelé Grow, qui promet des solutions « basées sur le marché » pour lutter contre pauvreté, l’insécurité alimentaire et les changements climatiques. Les hauts plateaux du Vietnam central servent de vitrine à Grow Asie, un programme dirigé par Nestlé, PepsiCo, Monsanto et d’autres géants de l’alimentation et du secteur agro-industriel. Sous l’égide de Grow existent également Grow Afrique, Grow Amérique latine et plusieurs programmes nationaux.
Partenariat public-privé
Dans une logique de « partenariat public-privé », les entreprises participantes à Grow favorisent des liens étroits avec les gouvernements afin d’accroître leur pouvoir sur les marchés et les chaînes d’approvisionnement. Tout en prétendant favoriser la sécurité alimentaire et apporter des bénéfices aux petits agriculteurs, le programme Grow, dans la manière dont il se concentre sur quelques produits de base à forte valeur (comme les pommes de terre, le maïs, le café, le thé et l’huile de palme) révèle son objectif réel : accroître la production d’une tout petit nombre de produits au profit d’un tout petit nombre de sociétés. Les impacts sur les communautés, la biodiversité, la nutrition et le climat sont potentiellement désastreux.
Grow fait partie de la Nouvelle vision de l’agriculture, une initiative du Forum économique mondial qui a été lancée en 2009 et est dirigée par 31 des entreprises « partenaires » du FEM intervenant dans le secteur alimentaire, que ce soit dans l’agriculture, la transformation des aliments ou vente au détail. Quatre-vingt-dix pour cent de ces entreprises sont basées aux États-Unis et en Europe alors que le programme GROW est entièrement axé sur l’Amérique latine, l’Afrique et l’Asie – les principaux marchés en expansion pour l’industrie alimentaire mondiale.
La Nouvelle vision pour l’agriculture a réussi à faire accéder les intérêts de ses entreprises membres directement à certains des milieux les plus influents pour l’élaboration des politiques agricoles. Grâce à son programme Grow Afrique, lancé en juin 2011, les grandes entreprises de la Nouvelle vision ont établi un partenariat avec l’Union africaine et le Nouveau partenariat pour le développement de l’Afrique (NEPAD). Le programme a ensuite été introduit dans le G8 en 2012, ce qui a abouti à la création de la Nouvelle alliance pour la sécurité alimentaire et la nutrition en Afrique, un instrument clé pour contraindre les gouvernements africains à adopter des politiques favorables aux entreprises. Les deux initiatives sont si étroitement liées que Grow Afrique et la Nouvelle Alliance publient leurs rapports annuels sous la forme d’une publication conjointe.
Financements gouvernementaux
Alors que le programme GROW est une initiative d’entreprise, il reçoit également des financements des gouvernements. Grow Afrique est financé par l’Agence américaine pour le développement international, le Département britannique du développement international et l’Agence suisse pour le développement et la coopération, tandis que Grow Asie est financé par le ministère des Affaires étrangères et du commerce du gouvernement australien et le ministère des Affaires mondiales du gouvernement canadien.
Pour les entreprises, Grow offre un scénario gagnant-gagnant. Mais il n’y a pas d’avenir pour les petits agriculteurs ou pour les petits négociants ou transformateurs du secteur alimentaire dans le cadre cette stratégie, sauf lorsqu’ils peuvent jouer un rôle de subordonnés pour atteindre le principal objectif des grandes entreprises agroalimentaires : garantir un approvisionnement bon marché de fruits et légumes et de matières premières pour les aliments transformés tout en leur vendant de plus en plus d’intrants agricoles industriels.
Le rapport complet peut être téléchargé à l’adresse suivante : https://www.grain.org/e/5624
Source : GRAIN