S’attaquer à la contribution de l’élevage à la crise climatique

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Nous ne pouvons lutter contre les changements climatiques sans réduire la production et la consommation de viande et de produits laitiers industriels.

L’élevage industriel est l’une des principales causes des changements climatiques

Selon les scientifiques, le système alimentaire mondial représente actuellement 29 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre (GES), et la viande et les produits laitiers sont responsables de la plus grande partie de ce chiffre.

Le bétail produit maintenant plus de GES que le total cumulé des transports dans le monde. Environ la moitié est générée sous forme de méthane, un gaz qui est 30 fois plus efficace que le dioxyde de carbone pour retenir la chaleur dans notre atmosphère, mais qui disparaît rapidement une fois qu’on arrête de le produire.

Quatre-vingt pour cent de la croissance de l’industrie de la viande et des produits laitiers dans le monde provient de l’expansion des fermes industrielles, qui est accélérée par le regroupement des entreprises et l’intégration verticale au niveau mondial. En 2015, cinq entreprises (JBS, Tyson, Cargill, National Beef et Marfrig) représentaient à elles seules 20 % de la production mondiale de bœuf.

Si nous faisions tout ce qui est actuellement préconisé pour mettre fin aux changements climatiques (arrêt de l’extraction et de la combustion des combustibles fossiles, conversion aux énergies renouvelables, etc.) à l’exception d’une réduction de la consommation de viande industrielle, la planète serait encore menacée par un scénario de réchauffement « cataclysmique » de 4 ºC d’ici la fin du siècle.

Le problème, c’est la viande et les produits laitiers industriels

L’élevage industriel est responsable d’émissions massives de GES issues des combustibles fossiles, des engrais, du fumier et de la déforestation et de la dégradation des terres à grande échelle. Il est à l’origine de nombreux autres impacts parmi lesquels la pollution de l’environnement, l’exploitation des travailleurs, la destruction des petites exploitations familiales, les mauvais traitements pour des millions d’animaux et des crises sanitaires mondiales, comme la résistance aux antibiotiques et la grippe aviaire.

Les solutions technologiques ne pourraient réduire que de 30 % au plus les émissions actuelles du bétail, selon le scénario le plus optimiste de la FAO. Il est impératif de changer le système. Les prix de la viande et du lait industriels sont maintenus à des prix artificiellement bas grâce à des politiques et des financements publics qui externalisent leurs coûts réels et alimentent un cycle constant d’excédents de production et d’excédents commerciaux.

Il est donc essentiel de réduire la production de viande industrielle pour lutter contre la crise climatique, y compris en optant pour une dynamique de la demande qui met l’accent sur l’amélioration des habitudes alimentaires et la réduction du gaspillage alimentaire.

La question de la consommation doit être abordée

La consommation de viande et de produits laitiers au niveau mondial devrait progresser de 76 et de 65 % respectivement d’ici 2050. Sans une réduction drastique, cela aboutirait à l’épuisement de la totalité du budget des émissions climatiques défini pour 2050 dans l’Accord de Paris.

La consommation de viande par habitant continue d’être très élevée en Amérique du Nord, au Brésil et dans l’Union européenne, et elle connaît une progression rapide en Asie. Si les pays qui ont une consommation excessive par habitant limitaient leur consommation au niveau recommandé par l’Organisation mondiale de la santé, les émissions mondiales de GES baisseraient de 40 %.

La plupart des pays du Sud ont de faibles niveaux de consommation de viande et de produits laitiers par habitant, mais les classes moyennes de ces pays adoptent de plus en plus un régime alimentaire de type occidental, avec un excès de viande et de produits laitiers. Les entreprises alimentaires étrangères, les chaînes de restauration rapide et les supermarchés ciblent ces pays pour s’y développer.

Ce sont souvent les petits éleveurs ou agriculteurs et les éleveurs nomades qui sont montrés du doigt

Les groupes de lobby des entreprises, les scientifiques et les agences de développement présentent souvent les petits éleveurs de bétail des pays pauvres comme les responsables de la crise climatique en raison de la faible capacité par tête de leur cheptel à transformer les calories en viande ou en lait.

Pourtant, une approche trop focalisée sur l’efficacité et l’intensité des émissions passe à côté des multiples avantages des systèmes d’élevage mixtes, multifonctionnels et à petite échelle. Ces derniers permettent une amélioration de la santé des sols, une meilleure résilience climatique et d’autres bénéfices positifs pour l’environnement et la santé publique.

La production à petite échelle de viande et de produits laitiers est déjà bien adaptée à des systèmes alimentaires locaux qui intègrent les taux de consommation modérés de viande et de produits laitiers auxquels le reste du monde doit parvenir.

Les solutions ne peuvent être efficaces que si elles s’attaquent au formidable pouvoir du complexe agro-industriel mondial de la viande et des produits laitiers.

Réorienter les subventions

La production industrielle de viande et de produits laitiers est soutenue par d’énormes sommes puisées dans l’argent des contribuables – environ 53 milliards de dollars pour les seuls gouvernements de l’OCDE en 2013. La Chine et le Brésil consacrent également des fonds publics conséquents au développent de leurs propres multinationales du secteur de la viande et des produits laitiers. Les subventions publiques, les crédits et les autres mesures fiscales de soutien à d’immenses installations industrielles de production de viande et de produits laitiers, comme la ferme de 20 000 vaches proposée en Espagne, devraient être inventoriés chaque année et supprimés.

Les fonds publics devraient être plutôt destinés à soutenir les petits agriculteurs qui ont recours à des méthodes de production agro-écologique et pastorale intégrée, et à aider les plus grandes exploitations à se convertir progressivement à ces pratiques.

Les aides devraient aussi aller à la construction ou à la réhabilitation des infrastructures locales (abattoirs, transformation du lait et de la viande, route, assainissement, etc.) qui favorisent le développement des marchés locaux de bétail et de produits laitiers.

Se désengager de la production industrielle

Les grandes entreprises de viande et de produits laitiers ont un intérêt direct à l’augmentation de la consommation et de la production de viande et de produits laitiers et ont à de nombreuses reprises bloqué les mesures gouvernementales destinées à réduire la demande pour ces produits.

Les banques et les autres investisseurs institutionnels doivent prendre en compte les coûts du carbone et les risques climatiques réels liés à leurs investissements dans l’agroalimentaire et se dessaisir de leur participation dans des entreprises qui nuisent au climat.

Plutôt que d’inciter à l’expansion des fermes-usines et du modèle industriel par le biais des crédits carbone et des mécanismes de compensation carbone, les fonds climatiques devraient être orientés vers un renforcement de la résilience des systèmes agro-pastoraux en soutenant les méthodes agro-écologiques et leur diffusion.

Il faut empêcher les entreprises du secteur de la viande et des produits laitiers et leurs groupes de lobby d’exercer une influence indue sur la prise de décision dans l’intérêt du public, notamment en introduisant des règles plus strictes sur le financement des campagnes et en évitant les conflits d’intérêt dans les gouvernements et les organismes consultatifs intergouvernementaux.

Les partenariats publics-privés visant à promouvoir une agriculture d’élevage intensif à grande échelle devraient être éliminés.

 

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Source : GRAIN

 

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