Équiterre : 25 ans de luttes politiques et citoyennes

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Par Catherine Paquette

Équiterre a fêté ses 25 ans cette année. Photo : MBT Photographie

1992 : le Sommet de la Terre, qui a lieu à Rio, crée un sentiment d’urgence chez des centaines de jeunes participants qui repartent militer dans leurs pays respectifs. Dans les sphères militantes du Québec, la rencontre entre six jeunes « altermondialistes » fait naître une organisation environnementale qui devient, au fil du temps, l’une des plus influentes au Québec : Équiterre. Retour sur 25 années de luttes citoyennes.

Sidney Ribaux, aujourd’hui directeur général d’Équiterre, regarde avec satisfaction le chemin parcouru depuis cette époque où l’environnement n’avait qu’une infime place dans le débat public. « Le rôle que joue Équiterre a beaucoup changé avec le temps, parce qu’il fut un temps où on était la seule voix au Québec en environnement. Puis maintenant, il y a un mouvement citoyen fort au Québec. Il y a vraiment quelque chose qui se passe en ce moment qu’on ne voyait pas il y a quelques années », souligne M. Ribaux.

À l’époque, Laure Waridel, Steven Guilbeault, Sidney Ribaux, François Meloche, Elizabeth Hunter, Patrick Henn, les co-fondateurs, étaient plutôt « plutôt marginaux » : ils souhaitaient agir sur des enjeux globaux, mais à l’échelle locale.

« Beaucoup des groupes existants travaillaient soit sur des questions environnementales, soit sur les questions de développement international, mais il n’y avait pas vraiment d’organisme qui souhaitait aborder conjointement les questions d’environnement et de justice sociale comme nous l’avons fait », explique Laure Waridel, co-fondatrice et aujourd’hui sociologue, auteure et environnementaliste.

En équipe, ils ont mis sur pied des projets comme l’agriculture soutenue par la communauté, où des fermiers sont jumelés à des familles, et sensibilisent à l’alimentation biologique, ainsi qu’à l’importance du commerce équitable.

Mais ce n’est que cinq ans après la fondation de l’organisme que la vraie bataille a commencé : le protocole de Kyoto, visant à réduire les principaux gaz à effet de serre dans les pays les plus pollueurs, a mis des années à être ratifié par les États signataires, après sa signature en 1997. « Au retour de Kyoto, tout un débat a été déclenché au Canada sur le traité, pour le traduire en lois. C’est un débat que le mouvement environnemental a gagné, mais ce n’était pas du tout acquis, il y avait beaucoup de voix qui parlaient contre », raconte Sidney Ribaux.

Ce n’est qu’en 2002 qu’Équiterre a réussi à convaincre la Ville de Québec, de Montréal et la Communauté métropolitaine d’adopter des résolutions visant l’atteinte des cibles de Kyoto ; une réussite, tout de même, compte tenu que le protocole n’a été ratifié qu’en 2005, soit huit ans après sa signature.

Parmi ses autres réussites majeures, Équiterre cite d’adoption en 2009 par le gouvernement du Québec de la cible de réduction des GES la « plus ambitieuse en Amérique du Nord » soit de 20 % sous les niveaux de 1990, d’ici 2020. Ensuite, Équiterre applaudit le décret d’un moratoire sur les gaz de schiste en 2010, puis la mise en place d’un système de plafonnement et d’échange pour les GES en 2013. Bien que le contexte canadien et international était changeant, l’influence d’Équiterre s’est bien fait sentir.

Aujourd’hui, le travail de lobby auquel s’adonne Équiterre est toujours nécessaire, mais s’est transformé. « On n’a plus besoin de convaincre plein de monde, même les entreprises. Le rôle d’Équiterre devient un rôle de validation et d’accompagnement », explique Sidney Ribaux, qui a succédé à Steven Guilbeault lors de son départ au mois d’octobre.

Équiterre compte désormais 22 000 membres, tant des organisations que des citoyens, et dispose d’un budget de 4,5 M$. Le nombre de membres d’Équiterre a d’ailleurs progressé de 4 500 membres en 2009 à près de 22 000 en 2017, peu après la COP21 à Paris.

Il y a toujours de l’espoir 

Sidney Ribaux voit d’un bon oeil le discours qu’a François Legault en matière d’environnement. Alors qu’était lancé le 8 novembre le Pacte pour la transition, qui exhorte le gouvernement à en faire plus et à agir plus rapidement, Sidney Ribaux était à Québec pour rencontrer la nouvelle ministre de l’Environnement, MarieChantal Chassé.

Selon le directeur, le gouvernement récemment élu est sur la bonne voie pour implanter des changements et de nouvelles politiques favorables au climat, une affirmation qui peut sembler surprenante après les manifestations organisées par des groupes citoyens à la suite des élections. Sidney Ribaux explique :

« La première déclaration de François Legault était “on vous a entendu pendant les élections, on va faire mieux, on va faire plus.” On va voir ça va être quoi, mais je ne suis pas inquiet, commence-t-il. Je ne suis pas plus inquiet que je ne l’étais avant les élections. Mais je suis inquiet parce qu’on ne va pas assez vite en environnement. Il y a des affaires qu’on échappe pour lesquelles on ne pourra pas revenir, mais est-ce qu’on peut faire quelque chose avec ce gouvernement-là? Oui. »

M. Ribaux salue entre autres l’intention de M. Legault de réduire les importations de pétrole du Québec, une intention qu’il aurait formulée lors du cocktail-bénéfice d’Équiterre au mois d’octobre. Il approuve également son intention de maintenir la bourse du carbone, d’investir davantage dans le ministère de l’Environnement et de poursuivre sur la voie de l’électrification des transports.

De son côté, la co-fondatrice Laure Waridel est légèrement moins confiante. Elle se dit à la fois déçue de voir que les mêmes enjeux sont toujours à l’ordre du jour 25 ans après la création d’Équiterre, et à la fois enchantée par les mouvements citoyens qui naissent un peu partout au Québec.

« La première fois que j’ai fait des actions contre les changements climatiques c’était en 90, quand j’étais au cégep. On était outillés par Environnement Jeunesse. Déjà on disait qu’il y avait urgence d’agir, on se référait au document Halte à la croissance, on disait c’est urgent, on le répétait. Et là on est en 2018 et je dois le dire, y’a encore des milieux où il y a un doute à savoir si on peut faire une différence. »

L’initiative du Pacte pour la transition, à laquelle elle a participé notamment en rédigeant une partie du texte et en recrutant des signataires, lui donne toutefois bon espoir. « Il y a des scientifiques qui avant, voulaient rester neutres, mais là il ne peuvent pas s’empêcher de joindre leur voix à la nôtre, des artistes aussi, qui avant n’étaient pas trop pressés de se prononcer, mais là ils disent maintenant qu’il est nécessaire de s’unir », illustre-t-elle.

Ce mouvement citoyen a selon elle le pouvoir de faire changer les choses, tout comme des dizaines d’initiatives qu’Équiterre a soutenues au fil du temps et qui ont mené à des victoires politiques. L’organisation poursuit ses luttes contre les pesticides et les projets pétroliers, ainsi que pour une meilleure eau potable et une agriculture plus durable.

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