Par Julie Lemieux
Auteure de Avez-vous peur du nucléaire? (MultiMondes, 2009)
La situation s’aggrave à la centrale nucléaire Fukushima Daiichi après une troisième explosion. Le Japon a demandé l’aide des États-Unis et de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA), ce qui n’est pas bon signe. Le confinement externe de deux réacteurs a déjà sauté et les problèmes de surchauffe du combustible à l’intérieur d’au moins 3 réacteurs ne sont toujours pas réglés. Malgré des discours experts qui se veulent rassurants, de plus en plus de gens craignent une répétition de la catastrophe de Tchernobyl.
Les mécanismes habituels et ceux prévus en cas d’accident n’ont pas été conçus pour faire face à un tremblement de terre de 8,9 sur l’échelle de Richter et au tsunami qui a suivi. Les mécanismes de refroidissement du combustible ont fait défaut, donnant la suite que l’on sait.
C’est l’intensité radioactive du combustible qui provoque sa surchauffe. L’eau contenue dans le réacteur s’évapore sous l’effet de cette chaleur, celle-ci tendant ensuite à s’accroître jusqu’à ce que le combustible commence à fondre. Le tout génère beaucoup de pression dans le réacteur et c’est justement pour réduire cette pression qu’on laisse échapper des gaz radioactifs dans l’atmosphère, bien que ça comporte des risques pour la santé humaine. De plus, l’hydrogène (H) et l’oxygène (O) de la vapeur d’eau (H2O) se séparent sous l’effet de la chaleur et des radiations, suite à quoi l’hydrogène peut exploser. C’est ce qui a fait exploser les enceintes de béton externes de deux réacteurs de la centrale Fukushima Daiichi jusqu’ici.
Au moment où j’écris ces lignes, le confinement du cœur des réacteurs tient toujours le coup, mais il y a eu des échappements de tritium, de césium, de krypton et d’iode radioactifs. La situation nucléaire japonaise est donc pire que celle de Three Mile Island en 1979, sans toutefois atteindre le niveau catastrophique de Tchernobyl en 1986, quand un réacteur s’est complètement éventré.
Dimanche le 13 mars, des journalistes indépendants armés d’appareils de mesure de la radioactivité se sont rendus à la mairie de Futaba, à deux kilomètres de la centrale Fukushima Daiichi. Ce sont les premières mesures chiffrées rendues publiques. Certains endroits dépassaient la capacité de mesure de leurs appareils, ce qui est très grave. Le journaliste japonais Ryuichi Hirokawa a mesuré un débit de dose radioactive de 0,1 millisievert/heure, ce qui signifie qu’on absorbe le maximum de radioactivité artificielle permis pour un an en seulement 10 heures à cet endroit. L’augmentation de la radioactivité ambiante est donc loin d’être négligeable. On a également mesuré des niveaux radioactifs 400 fois supérieurs à la normale à 80 km de la centrale lundi matin, à la préfecture de Miyagi. Et la situation de plusieurs réacteurs n’est toujours pas sous contrôle.
Je plains sincèrement les gens qui travaillent à la centrale Fukushima Daiichi afin de limiter les dégâts. Ils encaissent chaque jour beaucoup de radioactivité. À moins de deux mois du 25ième anniversaire de Tchernobyl, ça donne froid dans le dos.